Monde

Birmanie : l'ONU peine à reconnaître le racisme anti-musulman

Rédigé par | Lundi 25 Mars 2013 à 06:00

Les Rohingyas sont considérés comme l'une des ethnies les plus persécutés au monde par les Nations Unies. Depuis juin 2012, ces musulmans, déchus de leur citoyenneté birmane par les autorités en 1982, font l'objet de persécutions sans précédent dans l'Etat d'Arakan. Désormais, ils ne sont plus les seuls victimes de violences en Birmanie. Les derniers évènements, qui ont fait plus de 30 morts dans le centre du pays, en attestent. L'envoyé spécial de l'ONU pour la Birmanie a cependant rejeté l'idée d'une véritable hostilité religieuse.



En Birmanie, les violences envers la minorité musulmane à Meiktila, dans le centre du pays, ont fait 32 morts et quelque 9 000 déplacés depuis mercredi 20 mars selon le dernier bilan officiel des autorités. Une querelle entre un marchand d'or musulman et des clients bouddhistes serait à l'origine de la tragédie dans cette commune de 100 000 habitants, qui compte le tiers de musulmans.

Des quartiers entiers de la ville, où vivaient principalement des musulmans, ont été détruits par le feu. L'Organisation nationale rohingya de l’Arakan (ARNO) a fermement condamné, samedi 23 mars, « la montée de la propagande anti-musulmane et des massacres organisés de musulmans en Birmanie ».

Elle déplore aussi la destruction d'au moins 14 mosquées et plusieurs écoles musulmanes (madrasas) en trois jours, ainsi que la mort de quatre professeurs de religion et de 28 étudiants de madrasas, dont des enfants de 12 ans, ce qui fait craindre un bilan humain bien plus lourd que celui annoncé par le gouvernement.

L’état d’urgence a été décrété dans la région par le président birman Thein Sein pour permettre à l’armée de reprendre le contrôle de la situation. Des émeutiers armés, parmi lesquels des moines ultra-nationalistes, semaient en effet la terreur dans les rues ces derniers jours. Plusieurs dizaines de personnes ont été interpellés pour leur participation supposée aux violences de Meiktila et dans les communes alentours de cette région proche de la capitale Naypyidaw où les violences se sont étendues, a fait savoir le ministère birman de l’Information dimanche 24 mars.

L'appel au calme des leaders religieux de Birmanie

Le représentant spécial de l’ONU pour la Birmanie, Vijay Nambiar, s’est rendu dimanche sur le terrain pour constater les dégâts et apporter son soutien aux victimes. Ces violences « sont une véritable tragédie (...) en terme de pertes de vies et de destructions », a-t-il déclaré, notant que la plupart des déplacés étaient musulmans. « Nous sommes prêts à aider autant que nous le pouvons en terme d’assistance humanitaire », a-t-il ajouté.

L’envoyé des Nations Unies a salué la visite à Meiktila de membres du gouvernement aux côtés de leaders religieux, qui ont appelé leurs fidèles respectifs à la réconciliation. Ils doivent « maintenir l’harmonie de la communauté avec amour et gentillesse, et rester à l’écart des conflits non nécessaires », ont-ils écrit dans un texte relayé par le quotidien d'Etat New Light of Myanmar et dans lequel le gouvernement est appelé à « assurer la sécurité des deux communautés » musulmane et bouddhiste.

Les musulmans de Birmanie en danger

Toutefois, Vijay Nambiar a rejeté l’idée d’une véritable hostilité entre les deux communautés. « Ce que j’ai remarqué dans mes rencontres, c’est une grande tristesse et une tragédie, mais très peu de haine, pas de haine », a-t-il déclaré, évoquant sans explication l’œuvre de personnes « extérieures ».

Les persécutions contre les musulmans, qui représentent officiellement 4 % des 60 millions de Birmans, ne sont pas les premières en Birmanie. Depuis juin 2012, les Rohingyas de l’Etat d’Arakan sont victimes de brimades et de lynchages par la population majoritaire, estimant que le bouddhisme doit être au cœur de l'identité nationale. Officiellement, plus de 180 personnes ont été tuées et 110 000 autres ont fui la région vers les pays voisins, pointés du doigt par les ONG pour leur très mauvais accueil des refugiés. Toutefois, les sources locales rapportent plusieurs centaines de morts et de disparus depuis l'été dernier.

Cette fois, les dernières victimes musulmanes ne sont pas membres de l'ethnie rohingya, non reconnue par les autorités, mais bien des citoyens birmans, preuve d'une vive escalade de la haine envers les musulmans dans le pays malgré l'appel à la paix lancé en décembre 2012 par de grands leaders du bouddhisme, dont le Dalaï-lama.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur