Religions

Autour de Hassen Chalghoumi, des imams d'Europe unis dans la lutte contre la radicalisation

Rédigé par | Vendredi 21 Février 2020 à 20:00

Les initiatives visant à lutter contre la radicalisation islamiste se multiplient en France. Alors que le Conseil français du culte musulman (CFCM) est pressé par l'exécutif de présenter des propositions concrètes en la matière, un colloque réunissant des imams exerçant en France et en Europe a été organisé sur ce thème à Paris du 18 au 20 février, cette fois sous l'égide de Hassen Chalghoumi.



Un colloque réunissant une soixantaine d’imams et de cadres religieux musulmans autour de la lutte contre la radicalisation islamiste a été organisé du mardi 18 au jeudi 20 février à Paris, sous l’égide de Hassen Chalghoumi.

Celui qui se présente aujourd’hui comme le président de l’Institut de formation à l’islam de France (IFIF) au nom duquel le colloque est organisé est loin de faire l’unanimité parmi les musulmans mais il poursuit son petit bonhomme de chemin, faisant fi des critiques qui lui sont adressées. « L’islam de France a besoin de tout le monde. Les chantiers sont tellement énormes », déclare-t-il devant la presse à l’issue des trois jours de discussions organisés dans un hôtel chic, non loin du Bataclan, théâtre d’un attentat sanglant qui a provoqué la mort de 90 personnes en 2015. « Le sens de notre présence ici est de dénoncer la haine et la minorité d’extrémistes », assure l’imam, qui s'est affiché aux côtés du maire du 11e arrondissement parisien, François Vauglin.

« L’extrême nourrit l’extrême, l’amalgame, la peur de l’islam, des musulmans et des immigrés », déplore-t-il, en référence au double attentat perpétré à Hanau mercredi 19 février. « Ce qui s’est passé en Allemagne risque de se produire partout en Europe. »

Trois axes de lutte contre la radicalisation annoncées

Au terme du colloque, trois engagements ont été pris : le lancement d’« un appel immédiat à rencontrer les GAFA » afin de « contrer le travail de radicalisation et de récupération qui s’opèrent sur leurs réseaux » ; la mise en place d’une « formation homogène européenne des imams » afin de « mettre en adéquation les valeurs religieuses de l’islam avec les valeurs européennes, les lois nationales et les valeurs citoyennes de chaque pays » ; et enfin, la création d’une « formation civique et religieuse de médiateurs à de jeunes musulmans pour la jeunesse musulmane » afin de « défendre un islam apaisé et éclairé ».

Un livre blanc qui fera la synthèse des travaux, avec des propositions concrètes, sera produit « courant mars » avec, pour vocation, d’être présenté à la présidence de la République et « à l’ensemble du monde politique et institutionnel européen ».

Un soutien appuyé d'Al-Azhar et des Emirats dans son action

Hasard du calendrier, le colloque a débuté le jour du discours d’Emmanuel Macron contre « le séparatisme islamiste ». « Je ne peux pas dire que c’est le hasard, c’est le destin pour nous, les croyants », fait part, avec le sourire, Hassen Chalghoumi, qui a salué les annonces présidentielles. « Il faut lutter contre le salafisme et l’islam politique », dit-il. Mais lui, qui vient de Seine-Saint-Denis, « du 9-3 », « il y a aussi un vrai problème dans la politique de la ville. C’est par le logement, par l’école, qu’on crée de la diversité », indique-t-il.

S’il a félicité le souhait de l’Etat de mettre fin de « l’islam consulaire » et aux ingérences étrangères, Hassen Chalghoumi bénéficie tout de même dans son action du soutien appuyé du Forum Interfaith Alliance For Safer Communities (Emirats arabes unies) mais aussi d’Al-Azhar (Egypte).

« Notre rêve est d’avoir un islam indépendant, c’est là notre avenir », déclare-t-il. Mais « nous avons besoin de savants éclairés. Nous ne pouvons pas être indépendant totalement » aujourd’hui, rappelant « la légitimité » religieuse d’Al-Azhar pour une grande partie du monde musulman.

Hassen Chalghoumi peut aussi compter sur le soutien de personnalités très marquées. Outre l'écrivain Marek Halter dont il est très proche, le gala clôturant le colloque a ainsi vu la présence du président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Francis Khalifat, du grand rabbin de France, Haïm Korsia, du président du Consistoire central, Joël Mergui, du président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, des députés Meyer Habib et Guillaume Larrivé, de l’ancien ministre Bernard Kouchner, ou encore de M’hammed Henniche, secrétaire général de l'UAM 93 (Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis).

Un temps annoncé, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner ne s’est pas rendu au gala. Aucun représentant du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui est aujourd'hui pressé par le gouvernement à présenter des propositions concrètes contre le séparatisme et la radicalisation, n’a pas, non plus, fait acte de présence.

« Je ne pense pas qu’une seule institution soit suffisante (pour lutter contre la radicalisation). Le projet porté par Hassen Chalghoumi est ouvert à tout le monde », nous fait part Moulay El Hassan El Alaoui Talibi, aumônier national musulman des prisons, présent au colloque. Un autre participant interrogé estime, pour sa part, qu'il est important d'apporter sa pierre à l'édifice dans toutes les initiatives menées contre la radicalisation, « pour le bien de la communauté musulmane et de la société ». Un colloque à Bruxelles au printemps 2020 est d’ores et déjà annoncé.


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur