Economie

« Apartheid bancaire » visant les musulmans ? Darmanin pointe le comportement « problématique » de banques

Rédigé par | Jeudi 9 Juin 2022 à 15:00

Après la colère exprimée par des mosquées du Rhône devant la fermeture inexpliquée de comptes appartenant à des mosquées et à des donateurs par des établissements bancaires, Gérald Darmanin interpelle le ministère de l’Economie dans un courrier auquel Saphirnews a eu accès et dans lequel il déplore une situation qui « entrave la bonne insertion d'acteurs indépendants, constructifs et respectueux des valeurs de la République ».



Info Saphirnews. Les institutions musulmanes et leurs bienfaiteurs font face, depuis plusieurs années, à des fermetures inexpliquées de comptes bancaires, déplorent des mosquées du Rhône, évoquant dans une lettre ouverte datée du 6 juin un « apartheid bancaire » à l’encontre des musulmans de France.

A l’occasion de la première réunion plénière du Forum de l’islam de France (FORIF) en février, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, « s’était engagé à prendre toutes les dispositions nécessaires pour interdire ces fermetures injustifiées et rétablir le droit inaliénable de disposer d’un compte en banque pour tout citoyen français », a récemment souligné Azzedine Gaci, porte-parole du Conseil des mosquées du Rhône (CMR). Seulement, « rien n’a été fait, malheureusement ».

Devant cette situation, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a envoyé mercredi 8 juin un courrier à l’adresse du ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire. Dans cette lettre dont Saphirnews a pris connaissance, Gérald Darmanin indique avoir fait part « d'une inquiétude partagée par de nombreux acteurs du culte musulman, quant aux difficultés que nombre d'entre eux rencontrent, de façon continue, avec certains établissements bancaires » dans un courrier en date du 2 février, avant donc la séance inaugurale du FORIF.

Un comportement « problématique » de certaines banques relevé

« Nos services (…) échangent avec la Fédération bancaire française (FBF) depuis de nombreux mois pour tenter de mesurer l'ampleur du phénomène, comprendre ses causes et réfléchir à des solutions », lit-on dans le courrier. Lors d’une rencontre organisée en février avec la FBF, « plusieurs établissements bancaires ont fait état d'irrégularités multiples, constatées sur des comptes bancaires d'associations exerçant le culte musulman et ayant conduit à leur fermeture, sans préavis, ni explications. Ces établissements ont indiqué que le recours à de l'argent liquide, l'utilisation de cagnottes en ligne, de services de paiement non traçables, de crypto-actifs, ou de financements internationaux pouvaient justifier une alerte interne et entrainer la fermeture d'un compte sans explication ».

« La lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme font bien évidemment partie des obligations de vigilance que les banques doivent respecter. Ces obligations n'imposent en revanche nullement de fermer un compte bancaire, a fortiori sans information préalable, y compris lorsque ce compte fait apparaître des mouvements suspects », signifie le ministre de l’Intérieur. « Dans cette dernière hypothèse (…), la seule obligation porte sur l'envoi d'une déclaration de soupçon étayée à Tracfin », assure-t-il, estimant que « le comportement maintes fois constaté de certains établissements bancaires est d'autant plus problématique que la fermeture d'un compte nuit à la traçabilité des fonds et complexifie les actes d'investigations qui pourraient être menés par Tracfin et, le cas échéant, par un autre service de renseignement ou par l'Autorité judiciaire ».

Au FORIF, on s’y attelle

Cette situation « entrave la bonne insertion d'acteurs indépendants, constructifs et respectueux des valeurs de la République » et « crée une véritable incompréhension des responsables d'associations cultuelles musulmanes », ce qui « nécessite d'engager un dialogue renforcé avec la profession afin de mettre enfin en place les canaux d'échange appropriés entre les structures du culte musulman concernées et les établissements bancaires auprès desquels elles ont ouvert un compte », poursuit Gérald Darmanin.

Des participants du groupe de travail du FORIF dédié à l’application de la loi dite « séparatisme » et, plus globalement, aux sujets relatifs au droit et à la gestion des associations, sont décidés à s'atteler à ce « sujet de fond ». « C’est une volonté effective » du groupe de travail de s’engager sur ce dossier, en collaboration étroite avec le Bureau central des cultes du ministère de l’Intérieur, affirme à Saphirnews une experte du secteur bancaire qui participe au FORIF. « Il faut engager un travail de pédagogie pour bien qu’on comprenne les règles du jeu qui ne sont aujourd’hui pas claires. »

Un guide à destination des associations musulmanes désireuses de respecter les règles de conformité bancaire pourrait ainsi voir le jour. Le groupe de travail se propose même de le réaliser en partenariat avec la FBF. « J'attacherais du prix à ce que la Fédération bancaire française, dont le ministère de l'économie est l'interlocuteur privilégié, soit sensibilisée au plus haut niveau sur la nécessité d'accompagner cette démarche de dialogue et d'amélioration de la transparence », déclare Gérald Darmanin. Avant de conclure par une note manuscrite à l'intention de Bruno Le Maire : « Je compte sur toi pour cette intervention importante », ce qui souligne l'importance qu'accorde le ministre à un traitement rapide du dossier.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur