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Société

Rentrée scolaire : zéro grève dans les écoles musulmanes

Rédigé par Leïla Belghiti | Mercredi 8 Septembre 2010 à 10:38

           

C'est reparti pour une année scolaire. Douze millions d'écoliers ont rejoint les bancs de l'école, jeudi dernier. Une rentrée très agitée pour la plupart des établissements publics, sur fond de grèves et de réformes. Bien moins agitée, en revanche, dans les établissements privés, adulés par plus de deux millions d'élèves. Les écoles privées musulmanes se portent bien, elles aussi. L'idéal républicain de l'école gratuite et pour tous est-il en passe de s'effondrer ?



La France compte 9 000 établissements scolaires privés catholiques, 250 juifs et moins d'une dizaine musulmans. Ici, un cours d'anglais au lycée privé Averroès, à Lille.
La France compte 9 000 établissements scolaires privés catholiques, 250 juifs et moins d'une dizaine musulmans. Ici, un cours d'anglais au lycée privé Averroès, à Lille.
Un professeur sur trois en grève dans les établissements publics, elle est pas belle la rentrée ?
Les écoliers du public ont fait leur rentrée dans un contexte économique et social morose : non seulement les profs sont en grève (un sur trois) mais aussi les transports en commun, les classes sont surchargées et les nouveaux professeurs en panique.

Pas étonnant, dès lors, que les établissements privés remportent autant de succès. Le taux de grévistes y est largement moindre qu'ailleurs, et nul dans les écoles privées musulmanes. Chaque année, ce sont plusieurs milliers d'élèves qui rejoignent leurs bancs. Pour autant, l'école gratuite pour tous reste un idéal auquel 97% de Français se disent attachés, si l'on en croit une étude menée cet été pour le magazine Challenges par OpinionWay.

Toujours selon la même enquête, une large majorité de Français sont prêts à payer au prix fort pour l'éducation de leurs enfants. Une tendance qui dépasse les clivages politiques : 52% des sympathisants de gauche y adhèrent. Paradoxal, non ? « Hypocrite », dira le magazine.

Les écoles musulmanes ont la cote

La loi sur la privatisation des établissements, si elle est décriée publiquement, en coulisses, beaucoup n'y voient pas d'inconvénients. Notamment chez ceux qu'on appelle l'« élite » musulmane.

Ceux et celles, pourtant issus de l'immigration, prêts à payer sans compter pour l'éducation de leurs enfants. L' école gratuite et pour tous, « ce n'est qu'une illusion », estime une jeune professeure, qui a préféré garder l'anonymat. Les raisons qui l'ont poussé à quitter le public pour le privé – musulman de surcroît – c'est « la loi du 15 mars », celle qui a interdit le port du foulard à l'école. La liberté d'être et de penser s'obtiendrait-elle aujourd'hui par les sous ?

Les établissements privés musulmans, depuis leur ouverture, ne désemplissent pas et les projets de création d'écoles avancent par dizaines, soutenus par un grand nombre de musulmans français.

Depuis son lancement, en 2004, le lycée Averroès (Lille) se voit chaque année dans l'obligation de refouler des candidatures, par manque de place. Installé dans les étroits locaux de la mosquée de Lille-Sud, ses élèves pourront cependant dans les mois à venir respirer dans de nouveaux locaux, bien plus spacieux, à quelques mètres seulement.

À Marseille, le collège Ibn Khaldoun fête sa deuxième rentrée avec une classe supplémentaire (deux au total aujourd'hui) et de nouveaux équipements informatiques ainsi qu'un laboratoire scientifique pour un coût total de 25 000 euros. Sur un budget annuel de 180 000 euros (15 professeurs, 26 élèves), un tiers est comblé par les cotisations des parents. S'il passe sous contrat dans quatre ans, au vu de la réussite de ses élèves et de l'effectif des classes et du personnel, il pourra bénéficier, comme Averroès, d'une belle respiration financière (360 000 euros par an).

Les inégalités subsistent à l'entrée des grandes écoles

Près de 1 500 élèves sont ainsi inscrits dans l'un des huit établissements privés musulmans qu'a vu fleurir l'Hexagone en l'espace de cinq ans. Les motivations de leurs parents ne sont pas seulement d'ordre cultuel. Outre la possibilité pour les filles de porter le foulard et la transmission de valeurs éducatives, c'est la qualité de l'enseignement et l'encadrement pédagogique qui intéressent les parents. Les 100 % de réussite au bac du lycée Averroès (34e au classement national), cela fait rêver.

Une fois leurs enfants avec le bac en poche, peu de familles n'osent toutefois se tourner vers les grandes écoles. À côté de celles-ci, le prix de la scolarité en lycée privé (entre 800 et 3 000 euros l'année) paraît tout petit : l'inscription en prépa coûte environ 7 000 euros, de même pour HEC, l'ENA ou encore Polytechnique. Passé le cap du lycée d'excellence, seule une minorité d'élèves de culture musulmane pourra, là encore, franchir l'entrée des grandes écoles... À l'heure qu'il est, seule 1 personne sur 50 000 a des chances d'entrer dans une grande école.

L' école de Jules Ferry serait-elle de l'ordre du mythe ?






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