Votre enfant est scolarisé en CM1 à l’école publique de votre quartier. L’institutrice a demandé si des parents d’élèves étaient disponibles pour accompagner la classe à une sortie et vous vous êtes inscrite. Lorsque vous arrivez, la directrice, au nom de la laïcité, vous demande d’ôter votre foulard afin de respecter la liberté de conscience des élèves.
QUE DIT LA LOI ?
Si la loi de 1905 établit la neutralité idéologique et religieuse de l’État et de ceux qui le représentent (fonctionnaires et assimilés), c’est justement pour permettre à la société d’être plurielle, et assurer aux usagers l’impartialité du service public…
Associée à la liberté de pensée et de conscience, la liberté de religion est abordée dans le droit international à la fois en termes de protection de la conviction intime du croyant, incluant la liberté de changer de religion ou d’avoir la religion de son choix, et en termes de garantie de l’exercice concret de cette liberté : liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en public ou en privé, notamment par le culte ou l’accomplissement des rites (art. 9 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales).
Le droit international estime que ce sont les manifestations de cette liberté qui peuvent cependant être limitées et contrôlées par l’État, à condition que ces restrictions soient strictement circonscrites afin de ne pas vider le droit énoncé de son contenu : elles doivent être « prévues par la loi » et « nécessaires » à la protection d’un certain nombre d’intérêts publics, notamment le maintien de l’ordre et les droits et libertés d’autrui.
C’est la procédure qu’a suivie la France en votant la loi du 15 mars 2004 sur « le port de signes ou de tenues, manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ». Mais la circulaire n° 2004-084 d’application de cette loi explique aux directeurs, recteurs et inspecteurs de l’Éducation nationale que cette dernière ne s’applique qu’aux élèves et qu’« elle ne modifie pas les règles applicables aux (…) parents d’élèves »).
Si la loi de 1905 établit la neutralité idéologique et religieuse de l’État et de ceux qui le représentent (fonctionnaires et assimilés), c’est justement pour permettre à la société d’être plurielle, et assurer aux usagers l’impartialité du service public…
Associée à la liberté de pensée et de conscience, la liberté de religion est abordée dans le droit international à la fois en termes de protection de la conviction intime du croyant, incluant la liberté de changer de religion ou d’avoir la religion de son choix, et en termes de garantie de l’exercice concret de cette liberté : liberté de manifester sa religion individuellement ou collectivement, en public ou en privé, notamment par le culte ou l’accomplissement des rites (art. 9 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales).
Le droit international estime que ce sont les manifestations de cette liberté qui peuvent cependant être limitées et contrôlées par l’État, à condition que ces restrictions soient strictement circonscrites afin de ne pas vider le droit énoncé de son contenu : elles doivent être « prévues par la loi » et « nécessaires » à la protection d’un certain nombre d’intérêts publics, notamment le maintien de l’ordre et les droits et libertés d’autrui.
C’est la procédure qu’a suivie la France en votant la loi du 15 mars 2004 sur « le port de signes ou de tenues, manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics ». Mais la circulaire n° 2004-084 d’application de cette loi explique aux directeurs, recteurs et inspecteurs de l’Éducation nationale que cette dernière ne s’applique qu’aux élèves et qu’« elle ne modifie pas les règles applicables aux (…) parents d’élèves »).
ÉLÉMENTS DU DÉBAT
La HALDE, interpellée il y a 4 ans par plusieurs mères exclues des sorties scolaires du fait de leur foulard, rappelait dans une délibération 2007-117 du 17/05/2007 (1) que « ni le principe de laïcité, ni celui de neutralité du service public ne s’opposent a priori à ce que des mères d’élèves portant le foulard collaborent, en leur qualité de parents, au service public de l’enseignement dans le cadre d’activités éducatives et de sorties scolaires, le refus de principe apparaissant susceptible de caractériser une discrimination dans l’accès à une activité bénévole fondée sur la religion ».
Elle recommandait aux conseils d’école de revoir les règlements intérieurs applicables et/ou leur interprétation en ce sens au ministre de l’Éducation nationale de prendre toute mesure pour garantir le respect du principe de non-discrimination religieuse selon les mêmes modalités sur l’ensemble du territoire.
Mais, à la date du 3 mars 2011, on ne trouve plus cette délibération sur le site de la HALDE… Et le ministre de l’Éducation nationale a donné raison à une directrice d’école de Seine-Saint-Denis qui refusait à une maman voilée d’accompagner une sortie scolaire, en réponse à une lettre du syndicat de la FCPE qui estimait « humiliant et discriminatoire de signifier à certains parents qu’ils ne sont pas éligibles à être de bons parents d’élèves (…) alors que ces mêmes enfants les voient aussi tels qu’ils sont, chaque jour, à la porte de l’école »
Luc Chatel se positionne ainsi à l’opposé de son prédécesseur Xavier Darcos, qui s’était en 2008 appuyé sur la délibération des juristes de la HALDE, estimant que « la décision de la directrice (…), qui est garante du bon fonctionnement du service public, apparaît aussi légitime que justifiée », car « l’organisation et le fonctionnement du service public reposent sur un ensemble de valeurs et de principes, au premier rang desquels on trouve le principe de neutralité et sa déclinaison, le principe de laïcité. Les parents d’élèves qui proposent d’accompagner les sorties scolaires ne peuvent l’ignorer et, le cas échéant, le directeur d’école ou le chef d’établissement peuvent le leur rappeler ».
Il ne s’agit encore que d’une prise de position du ministre, mais la presse relate que le ministère estime qu’« il n’y aura pas besoin de nouvelle loi, nous faisons simplement une interprétation administrative de la loi de 2004 en introduisant la catégorie de collaborateurs occasionnels »…
Il faut également savoir que Le Haut Conseil à l’Intégration, dans un avis sur l’expression des religions dans les espaces publics, rendu en août 2010, préconisait l’adoption de mesures législatives pour « faire respecter le principe de laïcité à tous les collaborateurs occasionnels du service public ». Rappelant que cela est déjà le cas des jurés d’assises ou des membres de jury de concours des fonctions publiques, « mais pas, par exemple, des accompagnateurs scolaires des écoles, collèges et lycées publics »…
La HALDE, interpellée il y a 4 ans par plusieurs mères exclues des sorties scolaires du fait de leur foulard, rappelait dans une délibération 2007-117 du 17/05/2007 (1) que « ni le principe de laïcité, ni celui de neutralité du service public ne s’opposent a priori à ce que des mères d’élèves portant le foulard collaborent, en leur qualité de parents, au service public de l’enseignement dans le cadre d’activités éducatives et de sorties scolaires, le refus de principe apparaissant susceptible de caractériser une discrimination dans l’accès à une activité bénévole fondée sur la religion ».
Elle recommandait aux conseils d’école de revoir les règlements intérieurs applicables et/ou leur interprétation en ce sens au ministre de l’Éducation nationale de prendre toute mesure pour garantir le respect du principe de non-discrimination religieuse selon les mêmes modalités sur l’ensemble du territoire.
Mais, à la date du 3 mars 2011, on ne trouve plus cette délibération sur le site de la HALDE… Et le ministre de l’Éducation nationale a donné raison à une directrice d’école de Seine-Saint-Denis qui refusait à une maman voilée d’accompagner une sortie scolaire, en réponse à une lettre du syndicat de la FCPE qui estimait « humiliant et discriminatoire de signifier à certains parents qu’ils ne sont pas éligibles à être de bons parents d’élèves (…) alors que ces mêmes enfants les voient aussi tels qu’ils sont, chaque jour, à la porte de l’école »
Luc Chatel se positionne ainsi à l’opposé de son prédécesseur Xavier Darcos, qui s’était en 2008 appuyé sur la délibération des juristes de la HALDE, estimant que « la décision de la directrice (…), qui est garante du bon fonctionnement du service public, apparaît aussi légitime que justifiée », car « l’organisation et le fonctionnement du service public reposent sur un ensemble de valeurs et de principes, au premier rang desquels on trouve le principe de neutralité et sa déclinaison, le principe de laïcité. Les parents d’élèves qui proposent d’accompagner les sorties scolaires ne peuvent l’ignorer et, le cas échéant, le directeur d’école ou le chef d’établissement peuvent le leur rappeler ».
Il ne s’agit encore que d’une prise de position du ministre, mais la presse relate que le ministère estime qu’« il n’y aura pas besoin de nouvelle loi, nous faisons simplement une interprétation administrative de la loi de 2004 en introduisant la catégorie de collaborateurs occasionnels »…
Il faut également savoir que Le Haut Conseil à l’Intégration, dans un avis sur l’expression des religions dans les espaces publics, rendu en août 2010, préconisait l’adoption de mesures législatives pour « faire respecter le principe de laïcité à tous les collaborateurs occasionnels du service public ». Rappelant que cela est déjà le cas des jurés d’assises ou des membres de jury de concours des fonctions publiques, « mais pas, par exemple, des accompagnateurs scolaires des écoles, collèges et lycées publics »…
QUE FAIRE ?
Du point de vue légal, jusqu’à aujourd’hui, comme vous venez de le lire, absolument rien ne permet à un directeur d’établissement de refuser un parent d’élève qui porte un signe religieux de se présenter comme délégué parent d’élève, de siéger au conseil d’école, de participer aux différentes activités de l’école comme bénévole (fête de l’école, sortie scolaire…).
Mais la réalité s’annonce différente, en décalage avec les balises légales et la philosophie qui les sous-tendent : la conception de la laïcité comme « invisibilité de la foi » est en train de s’imposer, à l’envers du système juridique de 1905 qui cherchait, au contraire, à permettre à des citoyens différents de construire ensemble une nation, quelles que soient leurs convictions et leurs consciences personnelles…
Dans ce climat très tendu, il peut être pertinent que les personnes concernées par cette question en appellent de nouveau à la HALDE.
Cela obligerait au moins les autorités à prendre une position officielle, qui consisterait :
– soit à respecter la loi ;
– soit à changer la loi mais dans le respect des exigences du droit européen…
Du point de vue légal, jusqu’à aujourd’hui, comme vous venez de le lire, absolument rien ne permet à un directeur d’établissement de refuser un parent d’élève qui porte un signe religieux de se présenter comme délégué parent d’élève, de siéger au conseil d’école, de participer aux différentes activités de l’école comme bénévole (fête de l’école, sortie scolaire…).
Mais la réalité s’annonce différente, en décalage avec les balises légales et la philosophie qui les sous-tendent : la conception de la laïcité comme « invisibilité de la foi » est en train de s’imposer, à l’envers du système juridique de 1905 qui cherchait, au contraire, à permettre à des citoyens différents de construire ensemble une nation, quelles que soient leurs convictions et leurs consciences personnelles…
Dans ce climat très tendu, il peut être pertinent que les personnes concernées par cette question en appellent de nouveau à la HALDE.
Cela obligerait au moins les autorités à prendre une position officielle, qui consisterait :
– soit à respecter la loi ;
– soit à changer la loi mais dans le respect des exigences du droit européen…
Note
1. Extrait de la délibération de la HALDE de 2007 :
• La loi du 17 mars 2004 relative au port de signes religieux à l’école comme sa circulaire d’application indiquent expressément qu’elles ne concernent pas les parents d’élèves. Il n’existe pas de texte ni de jurisprudence claire sur le statut des intervenants extérieurs et leurs éventuelles obligations.
• Selon une jurisprudence constante, les principes de laïcité et de neutralité des services publics s’appliquent à l’ensemble des agents publics, qu’ils soient chargés de fonctions d’enseignement ou non, mais non aux usagers.
• Les parents d’élèves peuvent, dans certaines conditions, accompagner des élèves au cours d’activités scolaires se déroulant à l’extérieur de l’école pendant le temps scolaire ou participer à l’action éducative conformément à la circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991.
• Ils peuvent être assimilés, dans ce cadre, à des collaborateurs bénévoles du service public conformément à la circulaire n° 92-196 du 3 juillet 1992 relative à la participation d’intervenants extérieurs aux activités d’enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires. Certaines inspections d’académie considèrent que cette qualité aurait pour conséquence de placer le collaborateur dans une situation comparable à celle d’un agent public, avec les mêmes obligations notamment au regard du principe de neutralité.
• Or la notion de collaborateur bénévole est de nature « fonctionnelle » : sa seule vocation consiste à couvrir les dommages subis par une personne qui, sans être un agent public, participe à une mission de service public.
• Il ne peut donc être soutenu que la qualité de collaborateur bénévole emporterait reconnaissance du statut d’agent public, avec l’ensemble des droits et des devoirs qui y sont attachés.
• En outre, le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser, dans une jurisprudence « Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière – Direction et autre », relative au versement d’une prime de sujétions spéciales aux membres des congrégations religieuses apportant leur concours aux établissements pénitentiaires, que ni le principe de laïcité ni celui de neutralité du service public ne s’opposaient à l’intervention, exclusive de tout prosélytisme, dans les prisons, de surveillants congréganistes qui apportent leur concours au fonctionnement des établissements pénitentiaires pour l’exercice de tâches relevant non de la surveillance des détenus, mais de fonctions complémentaires de soutien (CE 27 juillet 2001 Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière ; solution réaffirmée dans CE 29 mai 2002 Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière). Or les parents participant aux sorties scolaires semblent être dans une situation similaire dans la mesure où ils apportent leur concours aux établissements scolaires pour des tâches qui ne relèvent pas des missions d’enseignement, au sens strict, mais uniquement à l’occasion de sorties et/ou d’activités annexes.
1. Extrait de la délibération de la HALDE de 2007 :
• La loi du 17 mars 2004 relative au port de signes religieux à l’école comme sa circulaire d’application indiquent expressément qu’elles ne concernent pas les parents d’élèves. Il n’existe pas de texte ni de jurisprudence claire sur le statut des intervenants extérieurs et leurs éventuelles obligations.
• Selon une jurisprudence constante, les principes de laïcité et de neutralité des services publics s’appliquent à l’ensemble des agents publics, qu’ils soient chargés de fonctions d’enseignement ou non, mais non aux usagers.
• Les parents d’élèves peuvent, dans certaines conditions, accompagner des élèves au cours d’activités scolaires se déroulant à l’extérieur de l’école pendant le temps scolaire ou participer à l’action éducative conformément à la circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991.
• Ils peuvent être assimilés, dans ce cadre, à des collaborateurs bénévoles du service public conformément à la circulaire n° 92-196 du 3 juillet 1992 relative à la participation d’intervenants extérieurs aux activités d’enseignement dans les écoles maternelles et élémentaires. Certaines inspections d’académie considèrent que cette qualité aurait pour conséquence de placer le collaborateur dans une situation comparable à celle d’un agent public, avec les mêmes obligations notamment au regard du principe de neutralité.
• Or la notion de collaborateur bénévole est de nature « fonctionnelle » : sa seule vocation consiste à couvrir les dommages subis par une personne qui, sans être un agent public, participe à une mission de service public.
• Il ne peut donc être soutenu que la qualité de collaborateur bénévole emporterait reconnaissance du statut d’agent public, avec l’ensemble des droits et des devoirs qui y sont attachés.
• En outre, le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser, dans une jurisprudence « Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière – Direction et autre », relative au versement d’une prime de sujétions spéciales aux membres des congrégations religieuses apportant leur concours aux établissements pénitentiaires, que ni le principe de laïcité ni celui de neutralité du service public ne s’opposaient à l’intervention, exclusive de tout prosélytisme, dans les prisons, de surveillants congréganistes qui apportent leur concours au fonctionnement des établissements pénitentiaires pour l’exercice de tâches relevant non de la surveillance des détenus, mais de fonctions complémentaires de soutien (CE 27 juillet 2001 Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière ; solution réaffirmée dans CE 29 mai 2002 Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière). Or les parents participant aux sorties scolaires semblent être dans une situation similaire dans la mesure où ils apportent leur concours aux établissements scolaires pour des tâches qui ne relèvent pas des missions d’enseignement, au sens strict, mais uniquement à l’occasion de sorties et/ou d’activités annexes.