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Religions

Noël Mabrouk

Fêter Noël quand on est musulman

Rédigé par Amara BAMBA | Samedi 24 Décembre 2005 à 20:33

           

Cette nuit de Noël 2005 sera exceptionnelle pour Aïcha, Sabsabile et Hanna. Les trois sœurs sont invitées au « repas de Noël » de leur tante d’Aulnay Sous-bois (93). Musulmanes engagées dans l’action associative, elles traînent une réputation d’«intégristes » auprès des autres membres de leur propre famille. Pour cela, depuis près de vingt ans que la tante d’Aulnay organise des repas de Noël, elle n’a jamais songé à y inviter les sœurs.



Cette année, les trois jeunes musulmanes ne passeront pas leur nuit de Noël devant leur écran de télé, mais autour d’une vraie table familiale : la table de Noël de la tante d’Aulnay-sous-bois. Pour parler de cette soirée mémorable, à quelques heures de ce dîner, Aïcha, Sabsabile et Hanna se bousculent allégrement pour prendre la parole. Complices, elles se complètent tout aussi gentiment.

Trois hijab à un repas de Noël


Avant toute chose, les sœurs expliquent que la pratique de l’Islam n’est pas la première des préoccupations de la tante d’Aulnay. « Dans cette branche de la famille, en dehors des grands parents, les autres ne pratiquent pas » explique Sabsabile. « En dehors du ramadan, ils n’ont pas une pratique explicite de l’islam » ajoute Hanna. Le sentiment religieux reste néanmoins présent dans la famille avec une certaine méfiance envers les extrémismes.
Pour cette première invitation c’est justement une des cousines d’Aulnay qui a eu l’idée d’inviter les trois sœurs. « Nous avons quelque chose de commun avec cette cousine, explique Aïcha. Son compagnon est un chrétien, mais un chrétien pratiquant. C’est quelqu’un qui se réfère à Dieu sans complexe. Cela nous rapproche de lui. »

Selon Aïcha, la tante d’Aulnay n’a pas l’impression de participer à une fête religieuse en organisant un dîner de Noël. « Ce qui la motive c’est vraiment le côté magique qui entoure cette fête. Cette espèce de féerie dans laquelle on plonge les enfants toute la nuit, dans l’attente de leurs cadeaux apportés par le père Noël », précise Aïcha.

Pour Hanna, la tante d’Aulnay est portée par un mouvement général de société car, dit-elle, « ma tante a été garde maternelle pendant de longues années. Même si elle est de culture musulmane, elle garde aussi des enfants chrétiens pour qui elle est obligée de fêter Noël. Donc elle a pris cette habitude d’organiser Noël. Dans la foulée, elle se sent obligée de fêter Noël avec ses propres enfants. C’est une question de logique ».

Pour Sabsabile, il y a plus que cela dans la démarche de la tante d’Aulnay. « Ce qui l’intéresse, je crois, c’est de voir toute la famille réunie autour de la table bien garnie. Hier, en sachant que nous avions été invitées et que nous avions accepté l’invitation, elle était ravie et elle nous a montré une partie du menu avec du poisson, des crevettes, des huîtres... que de bonnes choses à manger. Et elle était fière de nous dire que tout cela était du Halal. »

Chacune ses raisons de fêter Noël


« Puisque Jésus était musulman, il n’est pas question de laisser le souvenir de sa naissance aux seuls chrétiens » lâche Patricia, une amie des trois sœurs. Ce positionnement est plutôt rare dans la communauté musulmane. Et les motivations des trois sœurs qui s’apprêtent à vivre leur premier Noël depuis de longues années sont à chercher ailleurs.

« C’est vrai que pour ma tante, Noël n’a pas une connotation religieuse, explique Aïcha. Pour moi, au-delà du côté traditionnel, il y a quand même une référence chrétienne qui ne me gêne pas. Mais ce qui me gêne c’est de ne pas le reconnaître. Mais je veux quand même être à ce repas parce que je veux lui montrer que le fait de porter un hijab ne fait pas de moi une fille coincée.» Hanna hoche la tête en signe d’approbation de sa sœur avant d’ajouter : « il faut casser cette sacralité des choses. Je serai présente à ce dîner sans complexe et sans frustration. Je serai en famille. »
Sabsabile a des raisons autrement gastronomiques qu’elle ne dissimule pas : « ma cousine, la fille de ma tante, est une excellente cuisinière, une professionnelle de la restauration dans de grands restaurants. Et pour une fois, ce soir, ce ne sera pas un dîner de famille avec le traditionnel couscous. Mais il y aura des plats autres, de bons plats que j’aime aussi. Ca change. »






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