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Points de vue

Les musulmans de France face au défi des fausses religiosités

Rédigé par Abderrahmane Aknou | Lundi 20 Février 2017 à 11:00

           


Les musulmans de France face au défi des fausses religiosités
Face aux difficultés grandissantes que rencontrent les musulmans dans leur aspiration à être reconnus comme des citoyens à part entière et à vivre sereinement la pluralité de leurs identités, la tentation devient grande pour ces derniers de se réfugier dans des postures victimaires ou d’adopter des religiosités de rupture qui produisent un illusoire sentiment de sécurité, de supériorité voire de revanche.  

Ces postures d’autodéfense, nourries par la frustration et le sentiment de persécution, constituent en réalité un double piège à la fois spirituel et politique, et risquent soit d’inhiber nos volontés soit de nous emporter dans un jeu de réaction destructrice et autodestructrice.

Or, le moment historique que traverse notre société et la présence musulmane en Occident exige, de la part des citoyens de confession musulmane, la capacité d’être dans une dynamique féconde de renouveau global. Ceci nécessite une capacité  à se remettre en cause, à se prendre en charge et à produire une autocritique salvatrice et salutaire.

Produire une autocritique pour préparer l’agir serein et confiant, et sortir du piège de l’émotivité et de la réactivité.

En plus du renouveau de la foi pour s’enraciner spirituellement dans une véritable expérience de Dieu, à même de nous procurer une posture forte et  sereine, cette autocritique doit concerner, en partie, ce que l’on donne à voir de notre islamité, notre habitus qui révèle,  des fois à notre insu,  la conception que nous avons de notre religion et la façon avec laquelle nous l’incarnons et nous la transmettons.

Les religiosités médiocres : un mal ancien et latent

La critique des religiosités médiocres et le rapport superficiel que peut nourrir un croyant sincère mais ignorant et ou arrogant vis-à-vis des enseignements de Dieu, est un thème récurrent dans le Coran et la tradition prophétique.

Soucieux de développer le bel agir chez ses compagnons, le Prophète de l’islam n’a eu de cesse de dénoncer les pseudos religiosités qui ne font que frôler la piété, sans l’atteindre véritablement, et sacrifient la profondeur au profit d’un formalisme creux. Il a dit : « Viendra un temps qui verra des personnes jeunes d'âge, simples d'esprit, parlant avec grande éloquence, mais dont la foi ne dépasse guère leurs gorges. Ils délaisseront la religion comme la flèche qui rate sa cible bien qu'elle la frôle ». Dans une autre version du hadith, il est rajouté : « Vous mépriseriez votre prière comparée à la leur, ainsi que votre jeûne par rapport au leur. »

Contrairement à une certaine propagande rigoriste qui fait croire le contraire, le Prophète Muhammad a toujours enseigné une conception de la foi où la forme est au service d’un fond. Une pratique profondément et réellement spirituelle où le fond et la forme vont de pair et fleurissent ensemble. Et à ceux qui souhaitaient renoncer à la voie du bel agir au profit d’un ascétisme extrême, il répondit : « Quant à moi, j’alterne des périodes de jeûne et d’alimentation, je veille une partie de la nuit et je me repose aussi et je me marie. Celui qui s’écarte de ma voie, ne saurait se réclamer de moi. »

Pour une foi dominée par une profondeur intellectuelle et une authentique spiritualité

« Dieu est beau et aime la beauté », nous a-t-il aussi enseigné devant le spectacle d’un musulman au laisser aller apparent, dans le but d’attirer notre attention sur ce que l’on donne à voir de nous-mêmes et de ce que l’on communique en termes d’image et d’habitus. Car au-delà et avec une vie intérieure bien nourrie par la présence à Dieu et l’exigence à l’égard de soi, le croyant se doit de se distinguer socialement par sa simplicité, son comportement avenant, son élégance et son respect des codes culturels de la société où il évolue.  

Cette intelligence sociale et cette maîtrise des codes culturels ne sont pas le signe d’un laxisme, mais la preuve d’une maturité intellectuelle et spirituelle.

« Malheur aux rigoristes », a déclaré le Prophète Muhammad, pour nous mettre en garde contre une façon de vivre sa foi non apaisée, obsessionnelle et perturbée. Dans ce cas de figure, la religiosité se plaque sur des traits de caractère grossiers et non dominés par une profondeur intellectuelle, une véritable éducation et une authentique spiritualité. Elle donne lieu à une islamité de pacotille.

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Abderrahmane Aknou est membre de Participation et Spiritualités Musulmanes (PSM). Première parution de l’article sur le site de PSM.




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