Présentation de l'éditeur
Fatwa, jihad, charia, islamisme... Simple, efficace et didactique, cet ouvrage accessible à tous présente douze notions clés de l'islam, actuellement devenues sujets de controverses : des mots essentiels, d'abord revendiqués, puis incriminés... des gros mots !
Des mots aux maux, Ghaleb Bencheikh retrace la destinée historique de chacun de ces douze termes. En s'appuyant sur des exemples vivants, il revient sur leur étymologie et leurs sources coraniques d'une part, et il relate les principales étapes qui ont marqué l'évolution de leur usage d'autre part. Un ouvrage constructif, porteur d'espérance.
Des mots aux maux, Ghaleb Bencheikh retrace la destinée historique de chacun de ces douze termes. En s'appuyant sur des exemples vivants, il revient sur leur étymologie et leurs sources coraniques d'une part, et il relate les principales étapes qui ont marqué l'évolution de leur usage d'autre part. Un ouvrage constructif, porteur d'espérance.
Extraits de l'introduction
Il est des mots dont les sens sont emprisonnés par des usages erronés dans leur propre langue ou suite à une opération de traduction ; ils accentuent la divergence des avis, gauchissent l’incompréhension des interlocuteurs et altèrent l’intention des auteurs. Parfois, ces mots sont pris tels quels, légèrement francisés, puisqu’il s’agit du français comme langue d’étude dans cette aimable commande des éditions Eyrolles.
La particularité de cet essai est de prendre la forme d’un pseudo-dictionnaire avec un ensemble d’articles sans structure linéaire ni vocation encyclopédique. Les « entrées » sont, le plus souvent, des arabismes qui sont définis dans des articles rassemblés dans ce livre sans souscrire à la logique d’un abécédaire. Ils constituent un matériel empirique qui répond à des points de vue mal définis et contradictoires à cause de leur méconnaissance et de l’impéritie des analyses qui leur sont consacrées. Il y aurait comme un passage de l’autopsie – l’observation faite par soi-même – à l’inscription dans l’histoire – l’observation faite par les autres et rapportée par écrit –, tel un élément versé dans ce grand dossier de l’islam.
Dès lors que le sens de ces mots est encagé dans des usages biaisés et fallacieux, la présentation qui suit s’apparente à un travail de type archéologique pour reconstituer la généalogie des concepts et démystifier la manipulation idéologique. Cette entreprise est d’autant plus nécessaire que nous sommes dans une ère d’addiction, de polarisation, d’indignations multiples, d’emportements faciles, de radicalisation et de violence qui enflent.
Le religieux est de retour, telle « une revanche de Dieu » qui n’aurait pas apprécié qu’on parlât de lui en termes de mort ou d’éclipse. Aussi cette résurgence du divin « revanchard » est-elle coupée de son véhicule culturel et de ses humanités. C’est d’autant plus vrai pour l’islam dont l’irruption dans des sociétés sécularisées, devenues indifférentes au fait religieux, pose une question épineuse et appelle une analyse froide. Une de ses manifestations, celle qualifiée d’extrémiste, ne fait aucun cas de l’humanisme d’expression arabe, qui a prévalu dans sa civilisation impériale, ni de l’apport des Lumières et encore moins des exigences de la modernité politique et intellectuelle.
La complexité de cette équation est décuplée, en France, par les ressentiments dus notamment à une décolonisation non soldée à cause d’une idéologie suprémaciste et colonialiste prégnante qui, elle non plus, n’a fait aucun cas des Lumières. Ce passif vient nourrir le trouble ferment de particularismes dont se nourrissent les marchands de peur et promoteurs d’une guerre des différences. Ces deux mâchoires de la fameuse tenaille identitaire que sont l’islamisme radical et l’identitarisme exacerbé se rapprochent et parachèvent de blesser une société déjà très éprouvée par le terrorisme abject. Alors, comment protéger nos libertés et notre avenir ? Quel rôle pour l’éducation et la culture dans la réponse aux oracles de malheur qui nous prophétisent une conflagration généralisée ? Les antagonistes naissent sous nos yeux, même si leur filiation remonte loin dans le temps.
La particularité de cet essai est de prendre la forme d’un pseudo-dictionnaire avec un ensemble d’articles sans structure linéaire ni vocation encyclopédique. Les « entrées » sont, le plus souvent, des arabismes qui sont définis dans des articles rassemblés dans ce livre sans souscrire à la logique d’un abécédaire. Ils constituent un matériel empirique qui répond à des points de vue mal définis et contradictoires à cause de leur méconnaissance et de l’impéritie des analyses qui leur sont consacrées. Il y aurait comme un passage de l’autopsie – l’observation faite par soi-même – à l’inscription dans l’histoire – l’observation faite par les autres et rapportée par écrit –, tel un élément versé dans ce grand dossier de l’islam.
Dès lors que le sens de ces mots est encagé dans des usages biaisés et fallacieux, la présentation qui suit s’apparente à un travail de type archéologique pour reconstituer la généalogie des concepts et démystifier la manipulation idéologique. Cette entreprise est d’autant plus nécessaire que nous sommes dans une ère d’addiction, de polarisation, d’indignations multiples, d’emportements faciles, de radicalisation et de violence qui enflent.
Le religieux est de retour, telle « une revanche de Dieu » qui n’aurait pas apprécié qu’on parlât de lui en termes de mort ou d’éclipse. Aussi cette résurgence du divin « revanchard » est-elle coupée de son véhicule culturel et de ses humanités. C’est d’autant plus vrai pour l’islam dont l’irruption dans des sociétés sécularisées, devenues indifférentes au fait religieux, pose une question épineuse et appelle une analyse froide. Une de ses manifestations, celle qualifiée d’extrémiste, ne fait aucun cas de l’humanisme d’expression arabe, qui a prévalu dans sa civilisation impériale, ni de l’apport des Lumières et encore moins des exigences de la modernité politique et intellectuelle.
La complexité de cette équation est décuplée, en France, par les ressentiments dus notamment à une décolonisation non soldée à cause d’une idéologie suprémaciste et colonialiste prégnante qui, elle non plus, n’a fait aucun cas des Lumières. Ce passif vient nourrir le trouble ferment de particularismes dont se nourrissent les marchands de peur et promoteurs d’une guerre des différences. Ces deux mâchoires de la fameuse tenaille identitaire que sont l’islamisme radical et l’identitarisme exacerbé se rapprochent et parachèvent de blesser une société déjà très éprouvée par le terrorisme abject. Alors, comment protéger nos libertés et notre avenir ? Quel rôle pour l’éducation et la culture dans la réponse aux oracles de malheur qui nous prophétisent une conflagration généralisée ? Les antagonistes naissent sous nos yeux, même si leur filiation remonte loin dans le temps.
La question islamique, épineuse donc, est obsédante en France depuis des décennies. Elle est aussi présente de par le monde dans des problématiques politiques et géostratégiques. Sa résolution est déterminante, tant elle est cruciale, au centre d’enjeux nationaux et internationaux. Nous en voulons pour preuve la profusion éditoriale foisonnante qui décrit une gamme de sujets importants et variés en lien avec l’islam et l’islamisme. Mais le vocabulaire utilisé n’est pas maîtrisé et la confusion règne et embrouille les esprits. Les notions abordées ne sont pas précisées ni expliquées. Elles sont présentées par des termes à l’emporte-pièce avec un traitement médiatique superficiel qui aggrave le sentiment d’incompréhension, de trouble et de désordre. Et pourtant, les mots ont leur importance et doivent avoir leur juste application. Ainsi le malheur du monde est-il accru, selon la formule camusienne, à cause des choses qui sont mal nommées…
(…) Dans l’actualité brûlante, des termes inflammables deviennent très vite explosifs dans les débats. Ces derniers, hystérisés, dégénèrent à cause des difficultés d’études sereines induites par les acceptions divergentes de ces mots-comburants – voilà encore une autre catégorie de mots que les chercheurs en sciences du langage doivent intégrer à leur discipline lorsqu’ils étudient les champs sémantiques. Et, le plus souvent, nous assistons à des controverses déchaînées ; parfois nous concourons à des polémiques emportées et stériles lancées avec des gerbes de voix ardentes et acrimonieuses, ou consignées par un libelle fielleux à cause d’une sémantique non-maîtrisée et une lexicographie hasardeuse. (…) Il est de notre devoir, dans ce travail de clarification et d’apaisement, de trouver surtout des antidotes aux mots-poison.
Les langues et les mots qui les constituent ont une histoire – comme les groupes humains qui les manient, ce sont des êtres linguistiques vivants subissant la contingence, l’aventure et l’usure du temps. Ce ne sont pas des objets immuables. Les usages qu’ils sous-tendent montent parfois très rapidement et subissent une usure accélérée. Ils vieillissent terriblement vite, en ayant occasionné de sérieux dégâts dans la psyché collective.
La psychosociologie, avec l’expérience des mots et l’appel du temps long pour aplanir les difficultés du temps présent, est indispensable à la conscience qu’une société peut avoir d’elle-même. À cet égard, l’histoire des mots contribue largement à en fonder la cohérence du sens. Les mots naissent, vivent et connaissent la mort et l’oubli. Dans certaines situations, un même mot, utilisé dans une même langue, n’est pas compris de la même façon par des interlocuteurs de bonne foi, désireux simplement d’échanger et de dialoguer. Alors, ils divergent dans leurs perceptions et se trouvent avec des pensées différentes, voire antagoniques. Le cas du français et de l’arabe, deux univers linguistiques différents avec des génies propres, est encore patent.
Nous devons résoudre ce problème en essayant de le trancher par la mobilisation du riche patrimoine linguistique de la langue arabe, génératrice des arabismes étudiés dans le présent ouvrage. Néanmoins, le recours à l’étymologie, à défaut d’autres moyens, est un procédé à relativiser. Parce que nous savons très bien que ce n’est pas tant l’origine des mots, seule, qui valide leur sens, mais que ce sont leurs maniement et usage évolutifs dans le temps qui les consacrent. Et cela en conformité avec l’idée que les mots ont moins un sens que des usages. Néanmoins, le sens, aussi étroit soit-il, doit être explicité et rappelé car il devient de plus en plus vague à mesure que le mot qui le porte évolue en terme polémique.
(…) Parfois, par crainte et appréhension, souvent par idéologie, on tord le sens d’un mot dans l’acception qui lèverait un peu le « mystère » menaçant, ou bien dans celle qui pourrait corroborer l’argument militant. Il est aussi des cas où, de bonne foi, on reformule certains vocables dans une signification ayant cours dans des univers idéels et théologiques différents. Certaines thèses sont soutenues et exprimées dans la théologie islamique avec des mots qui persistent à ne pas avoir le même sens dans d’autres transpositions. Ainsi la compréhension risque-t-elle d’être déformée par des catégories de pensée philosophique ou religieuse distinctes.
C’est pour tout cela qu’un travail d’assainissement et de discernement est nécessaire. Il répondra à la relation inversement proportionnelle entre la défiance, l’ignorance et l’hostilité croissante et la connaissance. À commencer par la maîtrise de la sémantique, elle-même se veut un préalable indispensable pour la remise en ordre de tout le fatras conceptuel concernant le fait islamique. Pour que les paroles puissent avoir un pouvoir d’action positif, il faut bien que les mots qu’elles profèrent aient un sens précis pour que les écrits puissent avoir un impact éclairant. C’est la meilleure façon de lutter contre les poncifs et les idées reçues. Ce sera le début de l’apaisement, prélude à la reconnaissance requise pour la paix civile, la concorde nationale et l’amitié civique.
Les limites et le format du présent ouvrage imposent des choix. Or, qui dit choisir dit renoncer. Forcément, des mots importants et tout aussi problématiques ont été mis de côté. Ceux qui ont été retenus obéissent à une logique, celle de leur caractère sulfureux et anxiogène. Les douze mots qui seront déclinés dans les pages qui suivent vont chacun donner lieu à un chapitre ad hoc. Ce sera une définition générale sous forme d’un article dédié. Il s’agit de sept arabismes, de trois « systèmes » religieux ou politico-religieux et de deux concepts polémiques. Les chapitres consacrés aux arabismes auront une trame relativement commune : une approche étymologique suivie de l’évolution du sens complétée par l’étude des usages qui en sont faits.
(…) Dans l’actualité brûlante, des termes inflammables deviennent très vite explosifs dans les débats. Ces derniers, hystérisés, dégénèrent à cause des difficultés d’études sereines induites par les acceptions divergentes de ces mots-comburants – voilà encore une autre catégorie de mots que les chercheurs en sciences du langage doivent intégrer à leur discipline lorsqu’ils étudient les champs sémantiques. Et, le plus souvent, nous assistons à des controverses déchaînées ; parfois nous concourons à des polémiques emportées et stériles lancées avec des gerbes de voix ardentes et acrimonieuses, ou consignées par un libelle fielleux à cause d’une sémantique non-maîtrisée et une lexicographie hasardeuse. (…) Il est de notre devoir, dans ce travail de clarification et d’apaisement, de trouver surtout des antidotes aux mots-poison.
Les langues et les mots qui les constituent ont une histoire – comme les groupes humains qui les manient, ce sont des êtres linguistiques vivants subissant la contingence, l’aventure et l’usure du temps. Ce ne sont pas des objets immuables. Les usages qu’ils sous-tendent montent parfois très rapidement et subissent une usure accélérée. Ils vieillissent terriblement vite, en ayant occasionné de sérieux dégâts dans la psyché collective.
La psychosociologie, avec l’expérience des mots et l’appel du temps long pour aplanir les difficultés du temps présent, est indispensable à la conscience qu’une société peut avoir d’elle-même. À cet égard, l’histoire des mots contribue largement à en fonder la cohérence du sens. Les mots naissent, vivent et connaissent la mort et l’oubli. Dans certaines situations, un même mot, utilisé dans une même langue, n’est pas compris de la même façon par des interlocuteurs de bonne foi, désireux simplement d’échanger et de dialoguer. Alors, ils divergent dans leurs perceptions et se trouvent avec des pensées différentes, voire antagoniques. Le cas du français et de l’arabe, deux univers linguistiques différents avec des génies propres, est encore patent.
Nous devons résoudre ce problème en essayant de le trancher par la mobilisation du riche patrimoine linguistique de la langue arabe, génératrice des arabismes étudiés dans le présent ouvrage. Néanmoins, le recours à l’étymologie, à défaut d’autres moyens, est un procédé à relativiser. Parce que nous savons très bien que ce n’est pas tant l’origine des mots, seule, qui valide leur sens, mais que ce sont leurs maniement et usage évolutifs dans le temps qui les consacrent. Et cela en conformité avec l’idée que les mots ont moins un sens que des usages. Néanmoins, le sens, aussi étroit soit-il, doit être explicité et rappelé car il devient de plus en plus vague à mesure que le mot qui le porte évolue en terme polémique.
(…) Parfois, par crainte et appréhension, souvent par idéologie, on tord le sens d’un mot dans l’acception qui lèverait un peu le « mystère » menaçant, ou bien dans celle qui pourrait corroborer l’argument militant. Il est aussi des cas où, de bonne foi, on reformule certains vocables dans une signification ayant cours dans des univers idéels et théologiques différents. Certaines thèses sont soutenues et exprimées dans la théologie islamique avec des mots qui persistent à ne pas avoir le même sens dans d’autres transpositions. Ainsi la compréhension risque-t-elle d’être déformée par des catégories de pensée philosophique ou religieuse distinctes.
C’est pour tout cela qu’un travail d’assainissement et de discernement est nécessaire. Il répondra à la relation inversement proportionnelle entre la défiance, l’ignorance et l’hostilité croissante et la connaissance. À commencer par la maîtrise de la sémantique, elle-même se veut un préalable indispensable pour la remise en ordre de tout le fatras conceptuel concernant le fait islamique. Pour que les paroles puissent avoir un pouvoir d’action positif, il faut bien que les mots qu’elles profèrent aient un sens précis pour que les écrits puissent avoir un impact éclairant. C’est la meilleure façon de lutter contre les poncifs et les idées reçues. Ce sera le début de l’apaisement, prélude à la reconnaissance requise pour la paix civile, la concorde nationale et l’amitié civique.
Les limites et le format du présent ouvrage imposent des choix. Or, qui dit choisir dit renoncer. Forcément, des mots importants et tout aussi problématiques ont été mis de côté. Ceux qui ont été retenus obéissent à une logique, celle de leur caractère sulfureux et anxiogène. Les douze mots qui seront déclinés dans les pages qui suivent vont chacun donner lieu à un chapitre ad hoc. Ce sera une définition générale sous forme d’un article dédié. Il s’agit de sept arabismes, de trois « systèmes » religieux ou politico-religieux et de deux concepts polémiques. Les chapitres consacrés aux arabismes auront une trame relativement commune : une approche étymologique suivie de l’évolution du sens complétée par l’étude des usages qui en sont faits.
L'auteur
Docteur ès sciences, diplômé de Sorbonne-Université, Ghaleb Bencheikh est un islamologue de double formation scientifique et philosophique. Travaillant sur la « refondation de la pensée théologique islamique », il a été élu en décembre 2018 président de la Fondation de l'islam de France et a animé l'émission « Islam » sur France 2 entre 2000 et 2019. Il produit également sur France Culture l'émission hebdomadaire « Questions d'islam ». Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Le Coran expliqué », aux éditions Eyrolles.
Ghaleb Bencheikh, Les mots (et les maux) de l'islam. Réparer le présent et préparer l'avenir, Eyrolles, novembre 2023, 184 pages, 16,90 €
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