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Société

Les animateurs musulmans interdits de Ramadan en colonie

Rédigé par | Jeudi 15 Septembre 2011 à 09:07

           

Le droit de pratiquer le jeûne du Ramadan a été remis en cause en août par la mairie de Fontenay-sous-Bois. Celle-ci aurait empêché les animateurs musulmans de jeûner lors de leurs séjours sous peine d'être virés et aurait refusé d’embaucher des jeunes à des postes d'animation sur des critères religieux. Une plainte vient d'être déposée auprès de l’ex-HALDE. Abdelkader Lakhal, qui a alerté le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) sur cette affaire, témoigne pour Saphirnews.



Les animateurs musulmans interdits de Ramadan en colonie
La mairie de Fontenay-sous-Bois a demandé aux directeurs de centres de vacances de ne pas recruter d’animateurs pratiquant le jeûne du Ramadan cet été et a interdit ceux qui étaient déjà en poste de le faire sous peine d’un licenciement sur-le-champ. Des cuisiniers ont même été chargés d'espionner les animateurs et de les dénoncer à la direction. C’est ce qu'affirme dernièrement avec certitude le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), informé par plusieurs témoins de cette affaire.

Parmi eux, Abdelkader Lakhal, responsable d’une association sportive sur la ville de Fontenay. Il assure avoir pris contact avec une dizaine de jeunes qui ont été victimes de cette mesure lors de leurs entretiens d’embauche ou lors de séjours organisés par la mairie. « Je les ai mis en confiance sur les démarches à entreprendre et j’ai contacté le CCIF car il fallait des professionnels pour aiguiller ces jeunes, qui étaient déboussolés car ils ne savaient pas s’ils étaient dans leur droit de se plaindre », nous déclare-t-il.

Une plainte déjà à l’étude

Contrainte de rompre le jeûne lors d’un séjour organisé par la mairie en août dans le sud de la France, une animatrice de colonie a d’ores et déjà saisi le Défenseur des Droits avec l’aide du CCIF pour faire valoir ses droits.

« Cette jeune fille m’a contacté car on lui avait donné le choix entre arrêter de jeûner ou de rentrer de son séjour. En menant mon enquête, je me suis vite rendu compte qu’elle n’était pas la seule à avoir eu cette décision à prendre. Son directeur m’a confirmé qu’elle disait vrai mais que la consigne provenait de la Caisse des Ecoles (qui s’occupent des colonies et séjours organisés par la mairie, ndlr). La remplaçante du directeur a aussi confirmé ces dires en disant que les instructions venaient d’élus, dont la chargée de l’Enfance et de la Jeunesse Martine Antoine », raconte M. Lakhal.

« La consigne a été clairement donnée lors d’une réunion en amont de préparation des séjours entre les directeurs de centres de vacances, l’élu à la Jeunesse et le directeur de la Caisse des Ecoles », poursuit-il. Toutefois, aucune note ou circulaire interne n’a été rédigée pour asseoir cette décision. Difficile alors d’étayer le dossier du CCIF de preuves « sauf que maintenant, tout le monde à la mairie a l’air d’assumer ouvertement cette mesure, ce qui facilite les choses », estime M. Lakhal. « Des directeurs de vacances nous soutiennent, la plupart d'entre eux ont couvert des animateurs qui jeunaient. Mais ce sera difficile de les faire témoigner dans cette affaire car ils craignent aussi pour leurs postes. »

Une mesure discriminatoire flagrante

Le CCIF entend fermement dénoncer ce qu’elle considère être de véritables mesures discriminatoires passibles de trois ans de prison et 45 000 € d’amende. Le Code du travail précise également que, lors d’un entretien d’embauche, les informations ne peuvent avoir comme finalité que l’appréciation des aptitudes professionnelles du candidat et que le règlement intérieur « ne peut comporter de dispositions discriminant les salariés dans leur emploi ou leur travail notamment en raison (…) de leurs convictions religieuses », rappelle Dounia Bouzar à Saphirnews.

Du côté de la mairie de Fontenay-sous-Bois, dirigé par le communiste Jean-François Voguet, on rejette toutes les accusations de discriminations dont elle fait l’objet. Mais dans le même temps, elle parle de « contradictions » entre certaines pratiques religieuses et le bon déroulement d’une colonie de vacances pour justifier une telle décision.

Dans ces cas, pourquoi ne pas avoir logiquement interdit le jeûne les années précédentes ? « Les raisons pour justifier l’interdiction de jeûner ne sont pas claires. Pour l’un, c’est la laïcité, pour l’autre la sécurité ou des problèmes d’organisations. Il n’existe pas une version commune », selon M. Lakhal.

Cette affaire en rappelle une autre en juin 2010. La commission Jeunesse et Sports de la mairie de Roubaix avait envisagé d’empêcher les enfants jeûneurs d’intégrer les centres de loisirs avant de faire marche arrière.

En l’attente d’un prochain rendez-vous avec le maire qui va déterminer les suites pénales de l’affaire, le CCIF lance un nouvel appel à témoins pour étayer le dossier devant la justice.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur



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