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Monde

Le statut des réfugiés palestiniens en question

#WorldRefugeeDay

Rédigé par Fanny Miallet | Vendredi 22 Juin 2018 à 09:50

           

Depuis la guerre israélo-arabe de 1948, la question du droit au retour de ces réfugiés palestiniens est restée un sujet de désaccord profond entre dirigeants arabes et dirigeants israéliens. Les positions prises par le gouvernement de Netanyahu et l’administration Trump, durant ces derniers mois, ne préfigurent pas un règlement serein de la situation. Le point avec Fanny Miallet, en partenariat avec l’Observatoire Pharos du pluralisme des cultures et des religions.



A l’entrée d’Aida, camp de réfugiés palestinien situé en Cisjordanie, situé à deux kilomètres au nord de Bethléem. (photo : Mrbrefast)
A l’entrée d’Aida, camp de réfugiés palestinien situé en Cisjordanie, situé à deux kilomètres au nord de Bethléem. (photo : Mrbrefast)
Les violences qui ont éclaté ces derniers mois entre Israéliens et Palestiniens sont étroitement liées à la question des réfugiés. Les protestations côté palestinien ont commencé il y a plus de deux mois, à l’occasion de la commémoration de la Nakba (l’exode palestinien consécutif à la guerre israélo-arabe de 1948) et du début de la « marche du retour » symbolique, en revendication du droit au retour de ces réfugiés et de leurs descendants.

La question des réfugiés palestiniens est en effet l’une des pierres d’achoppement du conflit et l’un des principaux sujets de discorde entre dirigeants israéliens et dirigeants arabes depuis la guerre de 1948. Elle demeure aujourd’hui pour beaucoup d’observateurs l’un des principaux obstacles à la paix.

Les réfugiés palestiniens : une « question » vieille de soixante ans

La question des réfugiés palestiniens remonte à la guerre israélo-arabe de 1948, au cours de laquelle près de 750 000 Arabes palestiniens ont dû quitter leurs foyers. Certains sont des réfugiés internes et trouvent refuge dans la bande de Gaza ou en Cisjordanie, tandis que d’autres se dirigent vers les pays voisins, notamment la Syrie, le Liban, la Jordanie, l’Égypte et l’Irak. Afin de répondre aux besoins de ces populations, un Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) est créé en 1949.

Le statut de réfugié palestinien est défini dans les statuts de l’UNRWA comme pouvant être attribué à toute personne « qui a eu sa résidence normale en Palestine pendant deux ans au moins avant le conflit de 1948 et qui, en raison de ce conflit, a perdu à la fois son foyer et ses moyens d’existence, et a trouvé refuge, en 1948, dans l’un des pays où l’UNRWA assure ses secours ». À la suite de la guerre des Six Jours de 1967, environ 500 000 Palestiniens sont de nouveau déplacés. Malgré la définition qui porte spécifiquement sur le conflit de 48, l’UNRWA a également établi une dizaine de camps pour les accueillir.

Selon l’UNRWA, en 2017, les personnes remplissant ces critères étaient plus de 5,3 millions, dont une large majorité vivait à l’extérieur des territoires palestiniens. La Jordanie accueillait, à elle seule, 2,1 millions de réfugiés palestiniens, tandis que 1,3 million des 1,9 million de Gazaouis étaient des réfugiés internes.

Ces chiffres continuent d’augmenter chaque année car le statut s’applique également aux enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants des réfugiés. Par ailleurs, l’UNRWA ne décompte pas toujours les personnes décédées, ni celles qui ont quitté le pays où elles s’étaient d’abord enregistrées.

Un statut à part

Dès lors que l’UNRWA a été créée, les Palestiniens ont bénéficié d’un statut de réfugié particulier. Ils sont exclus de fait des instruments internationaux classiques de prise en charge des réfugiés, à savoir le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) et la Convention relative au statut des réfugiés de juillet 1951. Si ce statut particulier leur offre une plus grande visibilité auprès de l’opinion publique internationale, il comporte aussi des inconvénients, notamment le fait que leur statut juridique est décidé de façon discrétionnaire par les États d’accueil.

Cette particularité de traitement a été largement soutenue par les pays arabes et les Palestiniens qui y ont vu une garantie de leur droit au retour, mais elle a également été instrumentalisée par les pays d’accueil pour justifier une différence de traitement entre nationaux et réfugiés palestiniens.
Il existe donc de grandes disparités de situation selon le pays d’accueil. La Jordanie a, par exemple, fait le choix d’octroyer la citoyenneté aux réfugiés palestiniens, même s’ils restent exclus de certains postes de l’administration publique.

Au Liban, l’intégration est beaucoup plus difficile et la majorité des réfugiés vit encore dans des camps. Ils bénéficient seulement d’un droit de résidence temporaire et sont exclus de nombreux emplois. Seule une minorité a eu accès à la nationalité dans les années 1950, afin de maintenir l’équilibre confessionnel du pays. Pourtant, en décembre dernier, un recensement officiel a révélé que seulement 174 422 réfugiés palestiniens vivaient sur le sol libanais, soit quatre fois moins que les estimations les plus courantes et que les chiffres annoncés par l’UNRWA (écart qui s’explique sans doute par le fait que de nombreux inscrits à l’UNRWA depuis 1948 ont quitté le pays ou sont décédés). Ces nouvelles données pourraient permettre de relativiser le poids démographique de cette population, souvent utilisé comme prétexte pour ne pas leur accorder les mêmes droits qu’aux Libanais.

Enfin, il existe en tout 27 camps de réfugiés dans les Territoires palestiniens, dont huit à Gaza. Ces derniers font face à de nombreuses difficultés, notamment d’accès à l’eau et à l’emploi. La présence de l’armée israélienne, qui peut pénétrer dans les camps à tout moment, donne parfois lieu à des heurts et des violences.

Droit au retour et identité nationale

La question du droit au retour de ces réfugiés palestiniens a été, dès 1948, un sujet de désaccord majeur entre les dirigeants arabes et dirigeants israéliens, les premiers le posant comme une condition sine qua non à une paix éventuelle, les seconds refusant de l’accorder. La question est d’autant plus épineuse que pour Israël, en tant qu’État juif, il s’agit d’un enjeu existentiel sur le plan démographique.

En 1950, Israël adopte la « loi sur la propriété des absents » qui permet la cession des propriétés des réfugiés à l’État ou au Fond national juif. Selon les statuts de ce Fonds, « […] vente, affermage ou échange ne sont autorisés que si ceux-ci servent à l’implantation de Juifs dans le pays ». Par ailleurs, il existe bien une loi sur le « droit au retour », mais celle-ci ne s’applique qu’aux Juifs.

Les identités nationales israélienne et palestinienne sont donc étroitement liées à cette question et deux visions de l’Histoire s’opposent entre ceux qui pensent que les Palestiniens sont partis de manière volontaire, encouragés par les États arabes voisins qui leur faisaient miroiter un retour rapide et victorieux, et ceux qui estiment qu’ils ont en réalité été expulsés volontairement par l’armée israélienne. C’est le cas des « nouveaux historiens » israéliens qui ont ainsi mis en évidence dans les années 1980 le rôle de Tsahal dans l’exode des Palestiniens et la « planification » de ces expulsions.

Les évolutions récentes

Les évolutions récentes concernant les réfugiés palestiniens ne vont pas vers une amélioration de leur situation. En janvier dernier, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a réitéré son appel à fermer l’UNRWA qu’il juge anti-israélienne. Selon lui, « l'existence même de l'UNRWA perpétue le problème des réfugiés palestiniens ainsi que le narratif du soi-disant droit du retour dont l'objectif réel est la destruction de l’État d'Israël ».

Quelques jours plus tard, le président américain Donald Trump a mis à exécution sa menace de diviser par deux le budget américain octroyé à l’UNRWA. Cette coupe budgétaire est apparue comme une sanction à la suite du refus par l’Autorité palestinienne d’ouvrir des discussions sur le projet de paix américain, refus lui-même motivé par la décision du président Trump de [transférer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.]urblank:https://www.saphirnews.com/Les-Etats-Unis-celebrent-avec-Israel-le-transfert-de-leur-ambassade-a-Jerusalem_a25174.html

Les États-Unis, jusque-là premiers contributeurs de l’UNRWA, ont donc diminué leur participation de 125 à 60 millions de dollars. Face à cette situation, le responsable de l’UNRWA, Pierre Krähenbühl, en a appelé à la solidarité des pays arabes tout en précisant que la Russie et neuf pays européens avaient décidé de renforcer leur aide afin de combler le manque.

Face à ces annonces des gouvernements israéliens et américains, l’Autorité palestinienne et sa faction dirigeante, le Fatah, ont, quant à eux, réaffirmé le caractère sacré et non négociable de la question des réfugiés palestiniens et de leur « droit au retour ».

Prise de position des religieux

Récemment, certains responsables religieux ont pris clairement position sur la question des réfugiés palestiniens, notamment à la suite des affrontements à Gaza et en Cisjordanie depuis deux mois.

Ainsi, à la suite des décisions des Etats-Unis, l’ancien mufti de Jérusalem, le cheikh Ekrima Sabri a dénoncé lors d’un prêche à la mosquée Al-Aqsa une « conspiration contre Jérusalem et la question des réfugiés ». En réponse aux critiques formulées par Israël et les États-Unis contre l’UNRWA, le cheikh a rejeté toute modification du statut des réfugiés palestiniens et a réaffirmé la nécessité d’appliquer le statut de réfugié aux descendants, affirmant que « l’héritage protège les droits des descendants après la mort d’un réfugié. »

Plus largement, de nombreuses Églises à travers le monde ont condamné les décisions de l’administration américaine et les violences perpétrées à l’encontre des populations palestiniennes. On notera notamment la signature par quinze Églises et associations chrétiennes américaines d’une déclaration affirmant leur « soutien au peuple palestinien qui défend ses droits avec courage ». L’attitude des gouvernements américain et israélien y sont condamnés tandis qu’il est expressément demandé à l’administration Trump de « soutenir le droit des réfugiés, y compris les réfugiés palestiniens, sur la base du droit et des conventions internationales » ainsi que de reprendre le financement complet de l’UNRWA.

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Diplômée en Relations internationales et en Philosophie (Paris 1), Fanny Miallet s’intéresse particulièrement au rôle que jouent les religions dans les relations interétatiques. Elle prépare actuellement un projet de thèse qui portera sur les relations entre le consulat général de France à Jérusalem et les communautés religieuses en Terre sainte après 1967.

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