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Points de vue

L’occidentalisme islamique

Rédigé par Adel Taamalli | Mercredi 18 Septembre 2013 à 23:26

           


En ce début du XXIe siècle, nous sommes un certain nombre d’adeptes de l’islam à étudier, travailler et vivre en Occident, la civilisation qui a le plus accueilli des personnes provenant d’autres sphères culturelles majeures pendant les Trente Glorieuses (1945-1973), cela du fait de sa richesse inégalée, de ses énormes besoins de main-d’œuvre, mais aussi d’une inclination de sa population à la tolérance.

Or, même si des politiques de fermeture de la « Citadelle Europe » face à l’extérieur sont de plus en plus assenées, nous sommes aussi une forte propension à l’intérieur de ce groupe de migrants ou d’enfants de migrants musulmans à pouvoir questionner librement la place qu’occupe l’Occident (majeure) et l’Islam (mineure) dans le façonnage du monde.

Et à en être désolés tant – comme le disait Muhammad Assad sur le monde musulman des années 1920-1930, mais qui reste valable pour notre temps – s’il y a « une grande puissance spirituelle » née de l’Appel reçu par le Prophète Muhammad, elle ne fait que « braver les décadences politiques » de la civilisation islamique (Le Chemin de La Mecque, trad. 1976).

Dieu ne décidant pas des choses par hasard, et régentant de manière souveraine les destins individuels comme collectifs, tels qu’ils se déploient sous nos yeux durant l’Histoire, il convient de s’interroger sur la raison profonde de cet état de choses.

Autrement dit, à l’heure de la mondialisation qui est ce phénomène mettant en connexion instantanée des franges croissantes de l’humanité, quel est le rôle que nous, musulmans français, avons à jouer dans l’évolution de la pensée islamique ?

La force du destin et la vacuité du hasard

À l’heure où le sang est facilement répandu au sein du monde musulman (nous avons les exemples syrien et égyptien récents), il n’est question, chez un certain nombre de musulmans qui pensent le monde, que de manipulation extérieure ayant permis cela. Le Moyen-Orient et le Golfe possédant d’énormes réserves de matières premières, dont sont dépendantes les grandes puissances, comment, de leur propre avis, en serait-il autrement ?

Si incontestable que cette vérité puisse être, comme souvent dans l’Histoire (ainsi du cas de la création de l’Irak en 1921 née de la manipulation britannique), une donnée fondamentale échappe à leur analyse, certes très au fait de la précision des différents événements survenant lors de ces crises, mais ne semblant pas intégrer l’un des éléments métaphysiques majeurs de notre religion, l’islam.

Dieu étant Absolu et ayant créé le temps, Il a voulu que cela soit, que cette Histoire ait lieu car Il sait, à l’avance et avec Sagesse, tout ce qui se passera. « Rien de ce qu’il y a sur la terre ou dans les cieux n’est caché à Dieu » [Coran, s. 3, v. 5]. Ou encore, dans le verset du Trône considéré comme étant le plus important du Coran car il décrit, de manière édifiante, le pouvoir de Dieu sur l’Univers : « Il connaît ce qu’il y a entre leurs mains (leur passé) et ce qu’il y a derrière eux (leur futur) » [Coran, s. 2, v. 255].

Cela étant dit quant à l’absence totale du hasard dans nos vies, je me pose simultanément une série de questions : la culture, la tradition ou la nation dans lesquelles Dieu m’a placé, est-ce un hasard ? Ne doit-on pas plutôt comprendre la raison de cela ? Et construire notre identité musulmane et, partant, notre action dans ce monde, en intégrant notre sphère culturelle immédiate qui a son mot à dire dans toute pensée musulmane sincère et juste, si l’on recherche le rapprochement d’avec Dieu ?

L’occidentalisme islamique, une solution ?

Tentons de répondre à ces questions. Nous sommes nombreux, en France, à vivre de loin ces événements (crises syrienne et égyptienne), à nous en horrifier sans rien y pouvoir faire, si ce n’est prier pour que cela cesse.

Pourtant, en prenant de la distance d’avec la tragédie des événements et en comptant sur notre réflexion raisonnée, il nous est possible de nous élever intellectuellement et spirituellement afin de trouver les modalités à mettre en œuvre pour que plus jamais aient lieu ces conflits atroces au sein du monde musulman.

Cette distance, elle ne peut être que de l’ordre de la pensée, qui, par son pouvoir de pénétration des esprits qu’elle peut avoir, peut empêcher les hommes de tomber dans l’escarcelle de la violence. Dieu ne faisant décidément pas les choses par pur hasard, c’est dans le terreau qui nous a vus naître, grandir et être formés sur tous les plans de l’esprit que nous pouvons trouver les réponses à nos multiples interrogations.

Car, de deux choses l’une :
– soit l’existence d’un musulman français n’est qu’une mise à l’épreuve de Dieu pour voir quels sont Ses adeptes qui Lui resteront le plus fidèles possible dans un milieu parasitaire dont il ne faudrait tirer aucune influence ;
– soit Dieu a voulu que l’existence de cet être soit effective afin d’imprimer une nouvelle impulsion à l’Histoire, ici de la pensée.

Je penche pour la seconde des propositions, car, considérant qu’il n’y a pas de hasard et que Dieu n’impose à aucune âme au-delà de sa capacité (Coran, s. 23, v. 62), je ne peux croire que je ne doive faire cas du milieu qui m’environne si je veux me rapprocher de Dieu.

Je pense que si je suis là, c’est pour servir de pont entre les bords culturels. Bref, que nos buts, à nous penseurs musulmans français, c’est de faire de l’« occidentalisme », comme il y a eu un « orientalisme ».

Et l’occidentalisme serait un courant de pensée devant se penser exclusivement par le prisme islamique. Nous sommes en Occident pour le connaître, avec respect. Dieu ne dit-il pas : « Nous vous avons répartis en peuples et en tribus, pour que vous fassiez connaissance entre vous » [Coran, s. 49, v. 13] ?

Tendre notre esprit vers un avenir prometteur

Ainsi, sur la base de cette connaissance de l’essence même de l’Occident, ne nous-est-il pas alors possible de participer de l’éclosion d’une science que nous, les musulmans, nous sommes capables de produire, car, en tant que tels, nous avons la distance nécessaire de l’analyse, puisque nous sommes étrangers à l’évolution de la pensée occidentale classique, alors qu’en tant que francophones nous avons accès à cette même pensée ?

Il serait par conséquent pensable d’imiter le Japon qui, en 1868 (ère Meiji), décida de tourner le dos aux pratiques et coutumes anciennes en copiant systématiquement ce qui se faisait alors en Occident. Et ce, avec un succès tel que le pays devint la seule nation de tradition non chrétienne à participer à la compétition pour l’hégémonie mondiale durant le premier XXe siècle. Ce qui eut pour résultat décisif que le Japon est, aujourd’hui encore, partie intégrante de la classe des pays dominants et riches, réunis au sein de la Triade.

C’est pourquoi nous pouvons dire que grâce à l’occidentalisme islamique, il est souhaitable de tourner le dos au passé quand il n’offre plus de solution sauf une rétrospection nostalgique d’une grandeur révolue, et de tendre notre esprit vers un avenir prometteur, créant ainsi les conditions afin qu’il n’y ait plus jamais de crises syrienne, égyptienne ou autre…






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