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Religions

L'islam et les musulmans dans l'Europe d'aujourd'hui

La formation d'un islam européen ?

Rédigé par Assmaâ Rakho Mom | Samedi 20 Octobre 2007 à 12:09

           

Intitulé « l’islam et les musulmans dans l’Europe d’aujourd’hui », un colloque s’est tenu mercredi 17 et jeudi 18 octobre 2007 à l’auditorium de l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris. Intellectuels, universitaires et historiens venus aussi bien du monde arabe que d’Europe étaient présents, traitant ainsi de différentes facettes et avec parfois des points de vue complètement opposés de ce vaste sujet. Voici pour vous lecteurs un aperçu des interventions de la journée de mercredi.



L'islam et les musulmans dans l'Europe d'aujourd'hui

Instances de sagesse

C’est naturellement, et en tant que président de l’IMA, que Dominique Baudis a ouvert le colloque avec un mot de bienvenue à l’assistance et aux intervenants, dans la « maison du dialogue », comme il définit son établissement, avant de laisser place à une journée durant laquelle trois séances ou tables rondes se sont succédées.

Présidée par Abdelaziz al-Tuwaijri, directeur général de l’ISESCO, l’Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture, la première séance a vu intervenir tour à tour Redwan Essayed, professeur d’études islamiques à l’université libanaise de Beyrouth et Claude Geffré, professeur à l’institut catholique de Paris. Pour le premier des deux, les difficultés auxquelles font face les musulmans en Europe proviendraient principalement d’un « durcissement », aussi bien de la part des citoyens européens musulmans - la troisième génération se considèrerait plus musulmane que ses pères et leurs revendications porteraient plus, fait nouveau, sur la Palestine ou l’Irak -, que de leurs concitoyens d’autres confessions ou philosophies, les populations européennes ayant tendance à se droitiser.

Au contraire, pour Claude Geffré, nous serions en face d’un événement historique considérable, à savoir l’émergence d’un islam européen, un islam confronté à la mondialisation et à la laïcité, une « laïcité à la française » devenue « une quasi religion ». Même si pour lui, les droits de l’homme restent restrictifs dans beaucoup d’états arabo-musulmans, selon Claude Geffré, « christianisme et islam sont des instances de sagesse pour préserver les qualités de l’Humain », et les héritages aussi bien chrétiens que musulmans d’Europe devraient être inscrits dans les Constitutions.

Michel Dousse, philosophe et historien des religions
Michel Dousse, philosophe et historien des religions

Connaître sa religion

Débutée aux alentours de 14h30, la deuxième séance, présidée par Mohamed Métalsi, le directeur des actions culturelles de l'IMA, a vu se succéder au micro respectivement Abdelaziz al-Tuwaijri, Michel Dousse, philosophe et historien des religions et Pablo Beinito, professeur à l'université de Séville.

Pour al-Tuwaijri, "ce qui est sûr, c'est que la minorité intégriste prend beaucoup de place dans les médias et autres centres de recherches et fait oublier la majorité qu'il n'est pas possible de stigmatiser ou de montrer du doigt". Et pour venir en aide aux musulmans d'Europe, qui selon lui ne connaîtraient pas suffisamment leur religion, il faudrait une "sensibilisation religieuse par une approche sage et rationnelle, l’éducation et l’enseignement selon les méthodes pédagogiques modernes, l’appui financier pour la construction de mosquées et d’institutions éducatives et culturelles".

Même s'il reconnaît que le sujet qui lui a été soumis est "périlleux", à savoir "ce qui est essentiel dans le monothéisme", Michel Dousse a défini le monothéisme comme "reconnaissant un seul Dieu, à la différence des philosophies, qui restent abstraites, la religion a une démarche fondée sur la Révélation". Pour M. Dousse, le "monothéisme présenté par le Coran" se définirait ainsi : "Rien ne saurait définir Dieu, l'insasissabilité menant à l'ouverture et à la notion de 'fitra' : la créature porte la marque du Créateur et naît avec une inclination vers l'Unique".

Malgré l'amusante approximation de son français, Pablo Beinito, professeur à l'université de Séville, à travers une approche journalistique, s'est improvisé pour l'assistance porte-parole de la Junta Islamica d'Espagne à travers la voix et les mots de Abdennour Prado, un des cadres de l'organisation de représentation des musulmans d'Espagne. Dénuée de tous complexes, M. Prado revendique le retour d'un islam en Andalus, une chose qui pour lui ne constitue aucun danger pour la société égalitaire espagnole, l'islam étant parfaitement compatible avec la démocratie.
En dépit d'une situation juridique très favorable pour les musulmans d'Espagne, la situation réelle reste loin d'être enviable (absence de régulation du halal, difficultés d'obtention de lieux de prières, etc.). Précisons aussi que la Junta Islamica ne voit pas d'un mauvais oeil l'imamat féminin et milite pour la transformation de la mosquée-cathédrale de Cordoue en temple oecuménique au sein duquel juifs, chrétiens et musulmans pourraient prier et se reccueillir. L'idée, soumise au Vatican, a été rejetée.

François Zabbal, philosophe rattaché à l'IMA
François Zabbal, philosophe rattaché à l'IMA

Rendez-vous raté entre foi et raison

Après une petite pause café, la troisième et dernière séance de la journée s'est déroulée sous la présidence de Taj Eddine el-Houssaïni, professeur à l'université Mohamed V de Rabat (Maroc). C'est François Zabbal, philosophe, qui d'abord a pris la parole avant de la céder à Mohammed Aafif, professeur à l'université Mohamed V de Rabat.

Pour François Zabbal, le rendez-vous entre l'islam et l'Europe a été raté car il y a eu échec d'une rencontre entre foi et raison à la manière andalouse. De plus, des revues telles que Esprit ou Le Débat ne font pas spécialement de place aux intellectuels musulmans. M. Zabbal s'est par ailleurs interrogé sur la valeur d'une confrontation entre des personnes ayant les mêmes valeurs et qualifiant de manière floue les intellectuels du Sud, souvent présentés approximativement comme "intellectuels musulmans". Le dialogue des cultures en est devenu un rituel où on communie sur l'apport de la civilisation islamique à l'Europe. En France, "l'état laïc en est venu à s'octroyer le droit d'encadrer la religion musulmane, induisant par la même une homogénéité du dogme, malékite en l'occurrence".

Ayant vécu plusieurs années aux Etats-Unis et y ayant enseigné, Mohammed Aafif a présenté au public une comparaison entre musulmans d'Europe et des USA, la présence de ces derniers au pays de l'Oncle Sam étant beaucoup plus récente, d'où un conflit tout aussi récent, dû au 11 septembre 2001 ou encore à la guerre en Irak entre autres. Effectivement, l'immigration musulmane, si l'on peut la nommer ainsi, date des années 80. Et à la différence de l'immigration européenne, les immigrés musulmans aux Etats-Unis sont pour une grande partie "bien lotis financièrement" : pour plus de 50% d'entre eux, leurs revenus sont de 50 000$ annuel par famille. 58% ont fait des études universitaires, 22% sont des commerçants, 10% des médecins, 10% des professeurs et enseignants, et très peu sont ouvriers. N'oublions pas, nous rappellera M. Aafif, l'islam des Blacks muslims tels que Nation of Islam ou autres, un islam qui n'a rien à voir ni avec le sunnisme ni avec le chiisme et qui se vit encore d'une autre manière.






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