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Chroniques du Ramadan

Islam et arabité : une vision de la nation islamique

Chroniques du Ramadan

Rédigé par | Mercredi 13 Mars 2024 à 17:00

           


Islam et arabité : une vision de la nation islamique
L'islam est une religion, une voie spirituelle mondiale dont les dogmes concernent la relation avec la transcendance autant que les rapports humains. L'arabe est une langue, un outil culturel, ethnique, de communication. La comparaison serait futile s'il n'y avait une forte coïncidence historique qui va lier cette religion et cette langue.

La coïncidence est que l'islam apparaît dans la péninsule arabique au moment où l'alphabet l'arabe est à ses balbutiements. Le père du Prophète de l'islam est de la première génération qui voit arriver l'écriture de leur langue. Comparé aux populations juives, le retard de l'islam est immense.

Comme la majorité de sa génération, le Prophète n'apprend pas à lire dans l'enfance. Il mémorise la révélation et met un soin particulier à la consigner par écrit et à la codifier. Ce fait s'avère important dans la mesure où le Coran est le dernier message de Dieu à l'humanité ; dernier au sens qu'il n'y en aura plus du tout après.

À ce concours de circonstance s'ajoute la nature singulière du Coran. Qu'il soit en arabe est normal, dit-il au verset 4 de la sourate 14 : « Nous n'avons envoyé de Messager qu'avec la langue de son peuple, afin de les éclairer. » Autrement dit, si le Prophète avait été Français, le Coran aurait été dans sa langue. Le Prophète était Arabe et ne parlait qu'arabe, le Coran est donc en arabe comme le Livre d'Abraham était dans sa langue et le Livre de Moïse dans sa langue.

La langue arabe n'est qu'un véhicule de communication pour porter un message de guidance à chacun

Pour le musulman, la singularité du Coran n'est donc pas la langue arabe. Sa vraie particularité est que le Coran n'est pas une parole humaine. Les idées du Coran, les mots pour les exprimer et le message qu'il diffuse, rien de tout cela n'est attribué à un être humain qu'il soit de culture arabe ou non.

Le point de vue musulman sur le Coran est que ce Livre n'appartient à personne d'autre qu'à Dieu qui informe l'humanité. Ce message divin se présente, lui-même, comme une guidance offerte à toute l'humanité. Donc la guidance est l'objectif du message coranique ; la langue arabe est le moyen de l'exprimer, le véhicule de communication, pour porter ce message de guidance à chacun.

On n'aura jamais insisté sur ce point de vue musulman parce qu'il est dénaturé, perverti pour faire du Coran un objet de distraction publique, un objet d'adoration sinon un prétexte ethnique. Mais, à mon avis, le plus gros tort fait au Coran est de l'avoir réduit pour en faire « le livre des musulmans ». A la sourate 72, on apprend qu'il s'adresse au monde djinns, en plus du monde des humains.

Une confusion perverse entre la religion islam et la langue arabe

Trois observations sont possibles à ce niveau sur l'islam et l'arabité. Le premier est l'alliance sacrée qui lie ainsi la religion islam et la langue arabe. C'est une alliance de fait que cela plaise ou non. Le seul Coran qui soit est le « Coran arabe », tout autre Coran n'étant qu'une traduction du vrai Coran. Et, aussi juste soit-elle, une traduction reste une œuvre humaine quand le Coran est divin.

La deuxième observation concerne la préservation du Coran, un message divin après lequel il n'y en aura pas d'autre. Cette préservation est un acte religieux qui, de fait, comprend la préservation de la langue arabe puisqu'il n'y a pas de Coran sans langue arabe. C'est un privilège accordé à une langue d'être protégée par une communauté mondiale, une communauté spirituelle, multi-ethnique.

À supposer que les Arabes renoncent à parler leur langue, les musulmans continueront de l'aimer, de l'apprendre et de l'enseigner à leurs enfants. Ils continueront d'admirer toute personne qui parle cette langue parce qu'elle peut lire et comprendre la Parole de Dieu par elle-même. Ce sentiment échappe certains Arabes habitués à voir leur langue dans sa pleine dimension culturelle. Ils n'imaginent pas qu'on puisse se passionner pour leur langue sans éprouver le moindre intérêt pour leur culture.

Cela amène à observer que l'arabe est la langue de l'islam. Dans les pays du monde arabe comme en dehors, l'élite de la religion islamique est arabophone à des niveaux divers. En Europe, en Afrique ou en Asie, partout dans les mosquées, il est courant de trouver un référent qui parle l'arabe classique, l'arabe du Coran. Un imam fait fonction de successeur du Prophète. Le Prophète étant l'intermédiaire entre les fidèles et le Coran, il est souhaitable que l'imam le soit aussi.

La convergence de tant de facteurs associant la religion islam et la langue arabe crée une confusion perverse. D'une part, le bon arabisant est considéré bon connaisseur du Coran. Cette erreur serait ridicule si elle n'était pas très courante. De manière prosaïque, le Coran est un avec des données, des informations structurées en phrases pour délivrer des messages, etc. Donc il ne suffit pas de parler la langue d'un si vieux livre pour en maîtriser le contenu.

D'autre part, il survit l'idée qu'il faut être de culture arabe pour comprendre les subtilités du Coran. Cela est certes un vieux préjugé mais il a la peau dure. Sans être Arabe, sans parler l'arabe, lorsqu'on suit les enseignements de nos Maîtres, on accède à une gamme de subtilités bien plus raffinée qu'un Arabe qui n'a pas étudié Le Livre.

Quand l'arabité devient un instrument de domination

Au final, parce que l'islam et l'arabe sont très liés dans l'histoire, par le Coran et par le Prophète leur lien ouvre la voie à des confusions et méprises. Dans certains mouvements islamiques et associations musulmanes, l'arabe est un puissant outil de pouvoir, un instrument de domination pour asseoir son autorité au motif de l’arabité. C'est une source de complexes multiples, complexes d'infériorité et de supériorité qui remontent à l'époque du Prophète et qui trouvent moyen de survivre encore.

L'historien Bernard Lewis surfe sur la thèse infâme disant que les Arabes n'étaient pas racistes, mais le racisme apparaît dans le monde arabe à partir des succès de l'islam et des conquêtes musulmanes. Dans Noir et couleur en terre d'islam, cette soupe idéologique est servie dans un emballage scientifique pour décrire les rapports entre l'islam et l'arabité. Vision simpliste, à la limite de la caricature, qui considère que l'islam est un phénomène accidentel, un succès fortuit qui serait dû à des stratagèmes aléatoires. Le Professeur Muhammad Hamidullah, porte la réflexion à un autre niveau avec l'idée que Dieu est le même pour les Arabes et les non-Arabes.

Dieu connaît toutes les langues, Son message s'adresse à l'ensemble de l'humanité. Pour Son dernier message, Muhammad Hamidullah estime que la langue arabe est une langue très stable qui offre les garantis de préservation du message divin. Pour lui, si le Prophète reçoit le message dans sa langue maternelle, il est du « devoir des générations de ses disciples de le traduire dans les diverses langues (des peuples) qui ne connaissent pas cette langue propre au dernier des Prophètes ». C'est dans cet esprit que Hamidullah va traduire le Coran dans plusieurs langues européennes.

Une plaisanterie du professeur est que « les épouses du Prophète sont les mères des musulmans. Et les épouses du Prophète sont Arabes. Donc l'arabe est la langue maternelle de tout musulman ». Et son apprentissage est devenu très pratique avec les nouvelles technologies. La pédagogie a énormément évolué pour prendre en compte le besoin des élèves qui peut ne pas être culturel mais spirituel, voire religieux. Sur YouTube, la chaîne « L'arabe simplement » illustre cette évolution avec d'excellents résultats. Un cours d'arabe gratuit que je recommande sans hésitation.

Que Dieu accepte notre jeûne. Que Sa guidance nous illumine le chemin et nous unissent dans la fraternité et le partage en ce mois de ramadan. Rendez-vous dans nos dou'a à l'heure de l'iftar !

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Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de... En savoir plus sur cet auteur



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