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Points de vue

Football, le miroir de la conquête du monde

Par Pascal Boniface*

Rédigé par Pascal Boniface | Lundi 14 Juin 2010 à 00:01

           


Pascal Boniface, directeur de l'IRIS.
Pascal Boniface, directeur de l'IRIS.
Pour la première fois, une épreuve sportive mondialisée et la plus importante va être organisée sur le continent africain. Celui-ci a, dans le passé, donné beaucoup de champions au sport. Mais il n’avait jamais été jugé digne de pouvoir être l’hôte d’une compétition majeure. Est-ce le signe d’un nouveau départ pour ce qui apparaît, pour certains, comme le continent oublié de la mondialisation ?

Pendant très longtemps, on a jugé que l’Afrique n’était pas en mesure, car elle n’avait pas les infrastructures nécessaires de recevoir une telle compétition. Certes, l’Afrique du Sud est un pays à part. Elle représente plus de 40 % de la richesse du continent africain. Il faut voir dans le choix du pays qui a gagné la compétition contre le Maroc, dont on peut juger que le dossier technique était meilleur, un choix avant tout politique.

C’est bien sûr Nelson Mandela, sa personne, la politique qu’il incarne, qui a permis à l’Afrique du Sud d’être désignée pour recevoir la Coupe du monde 2010. Le démantèlement de l’apartheid de façon pacifique, la politique de réconciliation que Mandela a menée, saluée unanimement, ont été récompensés par la FIFA. Nelson Mandela est très certainement l’homme politique le plus populaire dans le monde.

Il est vrai qu’il y a un certain désenchantement en Afrique du Sud. S’il y a des progrès avec la montée en puissance et la création d’une bourgeoisie noire, la construction d’une véritable démocratie, l’accès à l’eau et au logement pour une grande partie de la population, 40 % des Noirs sont toujours au chômage et la violence est endémique. Les Blancs possèdent encore 80 % des terres agricoles, seules 5 % des terres ont été redistribuées, le démantèlement de l’apartheid n’a pas débouché sur la création d’une réelle égalité sociale et les inégalités sociales sont encore largement liées aux différences raciales.

Il serait illusoire de croire que la seule organisation de la Coupe du monde permettra au continent africain de décoller et de faire mentir René Dumont qui, dès 1962, publiait son livre choc L’Afrique est mal partie. On voit néanmoins que l’Afrique a été le continent oublié des années 1990 ; délaissé après la fin de la compétition Est-Ouest, il fait aujourd’hui l’objet de beaucoup d’assiduité des pays extérieurs.

Les grandes problématiques de la mondialisation, qu’il s’agisse d’émigration, de la protection de l’environnement, de la lutte contre les pandémies, des questions démographiques, de la fracture Nord-Sud sont au cœur de l’Afrique. La Chine y organise des sommets sino-africains, qui réunissent près de 50 pays. Son offre politique met en avant que, contrairement aux pays occidentaux, elle ne pratique pas l’ingérence. Le Japon, à la recherche d’un siège de membre permanent du Conseil de sécurité, ne néglige pas les plus de 50 voix africaines à l’ONU. Le Brésil semble vouloir renouer avec ses racines africaines, tandis que les États-Unis, bien avant les élections d’Obama, se réintéressent au continent, ne serait-ce que pour les aspects pétroliers et la lutte anti-terroriste.

L’organisation de la Coupe du monde est un test. Si elle est réussie, c’est la crédibilité de l’Afrique du Sud, et au-delà celle du continent africain, qui sera renforcée. S’il y a échec, les afro-pessimistes verront leurs préjugés confirmés. C’est pourquoi l’Afrique du Sud a à cœur d’être à la hauteur de l’événement, et le sera très certainement.


* Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, vient de publier La Coupe du monde dans tous ses États…, coécrit avec Hervé Mathoux (Éd. Larousse, 2010), et Football et mondialisation (Armand Colin, 2e éd. 2010). Première parution de cet article dans Salamnews n° 16 - juin 2010.





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