Economie

Zakât el-Fitr : des millions d’euros pour les pauvres

Aïd el-Fitr 2009

Rédigé par | Samedi 19 Septembre 2009 à 08:00

Qui dit Aïd pense zakât el-Fitr. Cette aumône légale, fixée à 5 € par personne cette année, fait partie de ces obligations qui incombent à chaque musulman pendant le mois du Ramadan afin de permettre aux plus nécessiteux de célébrer l’Aïd dans les meilleures conditions. Habituellement collectée par les mosquées, la zakât el-Fitr est de plus en plus redirigée vers les ONG humanitaires musulmanes afin qu’elle soit redistribuée à l’étranger, notamment à Gaza. Trois responsables d’ONG se sont exprimés à ce sujet pour Saphirnews.



La zakât, l’aumône légale, constitue le troisième pilier de l’islam. Elle constitue une obligation du riche envers le pauvre et une règle de solidarité au sein de la communauté musulmane. Avec la zakât al-maal, une aumône prélevée chaque année sur l’argent épargné − c'est pourquoi l'on nomme aussi cette zakât « impôt social purificateur » −, la zakât el-Fitr est le second impôt obligatoire, dont chaque musulman, qui en a les moyens, doit s’acquitter avant la prière de l’Aïd afin que les nécessiteux puissent célébrer ce jour dans les meilleures conditions.

Fixée à 5 € par personne, la zakât el-Fitr est une forme de purification du fidèle et de ceux dont il a la charge* pour ce qui aurait pu entacher leur jeûne tels que les paroles futiles et indécentes. Pour Youcef Benderbal, chargé de la communication du Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens (CBSP), la zakât est un moyen de lutte contre l’exclusion. « On a beau dire que le montant en lui-même est modeste mais le don, peu importe sa somme, fait des merveilles. »

« Le Ramadan est associé aux notions de patience, du pardon et du vivre-ensemble mais aussi du partage. Un partage de compassion par l’abstention et un partage de générosité par le don. Pour valider toutes les actions du jeûneur, il y a la zakât el-Fitr. On observe ainsi une relation verticale entre le jeûneur et Dieu à travers cet acte d’adoration et une relation horizontale entre les hommes à travers cet acte solidarité », explique Ouahid Abassi, directeur de la communication et du développement du Secours islamique France (SIF).

Près de 25 millions d’euros en zâkat

Libre aux musulmans de céder cet argent directement à des nécessiteux. Pourtant, la plupart des donateurs préfèrent aujourd’hui remettre leur zakât aux mosquées et aux associations locales, du fait que les responsables jouissent d’une relation de proximité plus étendue avec les fidèles et sont à même de connaître les besoins des musulmans fréquentant ces lieux.

Si on compte 5 à 6 millions de musulmans en France, la zakât el-Fitr s’élèverait entre 20 et 30 millions d’euros. Tous ne donnent pas et tous ne sont pas forcément imposables mais le chiffre reste conséquent, surtout quand ils sont nombreux à donner plus que 5 €. Une tendance est cependant à noter. Pour des raisons de transparence ou de préférence, les ONG d’obédience musulmane sont de plus en plus chargées de redistribuer cette aumône en France et surtout à l’étranger.

Selon la FAO et le PAM, 25 000 personnes meurent de la faim chaque jour dans le monde. Plus de 1 milliard de personnes souffrent de la faim et de la malnutrition**. « C’est une source de motivation pour les humanitaires pour tenter d’éradiquer ce fléau. La zakât el-Fitr participe de manière très positive à réaliser ces objectifs de lutte contre la malnutrition et la pauvreté dans le monde », rappelle, à ce titre, M. Abassi.

Pour M. Benderbal du CBSP, qui se charge exclusivement des Palestiniens du Liban, de Cisjordanie, de Gaza et de Syrie, « le budget en lui-même est assez conséquent puisqu’on a débloqué 745 000 € uniquement pour la période du Ramadan, dont 350 000 € réservés pour la zakât el-Fitr ».

Gaza, prioritaire…

Les attaques israéliennes contre la bande de Gaza en début d’année n’a pas laissé insensibles les musulmans vivant dans d’autres contrées. « Les plaies sont encore ouvertes et nous essayons d’atténuer au mieux les souffrances de la population », déclare M. Benderbal. Comme le CBSP ou le SIF, Muslim Hands l’a aussi constaté.

« La majorité des souscripteurs aujourd’hui souhaitent donner aux Gazaouis. Pour ceux qui n’ont pas spécifié vers où devrait aller leur zakât, on la redistribue à d’autres populations de manière équitable », constate Kamel Zine, directeur de la communication de l’ONG.

L’an dernier, Muslim Hands International, alimenté par des dons qui proviennent essentiellement de la Grande-Bretagne, a distribué, pendant le Ramadan, « 350 000 repas pour un budget de 250 000 €. La zakât el-Fitr représente environ 20 % de ce montant, envoyé à nos bureaux de terrain ». Un chiffre encore bas, comparé aux deux autres ONG, mais ce chiffre est « en progression », selon M. Zine.

Du côté du SIF, près de 482 000 € ont été débloqués pour la campagne Ramadan et de l'Aïd el-Fitr. Mais plutôt que de faire des aides directes, « on traduit le plus souvent la zakât par la distribution de colis alimentaires auprès des familles nécessiteuses », fait savoir M. Abassi.

… face aux autres

« Les gens sont mobilisés pour Gaza, car c’est une région sinistrée mais le SIF souhaite aussi sensibiliser autour d’autres causes comme la lutte contre le paludisme au Sénégal ou le problème de l’eau au Tchad. Il faut aider le peuple palestinien mais aussi d’autres peuples sans distinction de races, de religion ni de culture », souligne le directeur de communication du SIF.

Comme souvent, le but des donateurs aux ONG est de faire profiter les populations autres que française. Pourtant, « la pauvreté est aussi une réalité en France », explique ce dernier, qui est le seul à avoir mis en place un programme, pendant le Ramadan, de distribution de colis alimentaires aux détenus et dans les foyers de travailleurs étrangers en partenariat avec des aumôniers ou des associations. Quant à Muslim Hands France, qui n’existe que depuis deux ans, il reste encore peu actif sur le territoire. Cependant, « on prévoit de nous en charger dans les années à venir », conclut M. Zine.

Que la zakât aille en France ou ailleurs, la récompense après de Dieu ne diffère pas pour les responsables associatifs, et le geste reste fort pour celui qui la reçoit. Aux jeûneurs qui n’ont pas encore accompli ce devoir de solidarité, il ne leur reste plus que deux jours avant la fin du Ramadan. Sollicités de toutes parts, les donateurs restent maîtres de leurs choix.


* La zakât el-Fitr est redevable de la part de chaque musulman, qu’il soit mineur ou majeur, homme ou femme. Par exemple, le chef de famille ayant deux enfants doit s'acquitter de 20 € (deux adultes et deux enfants).
** Chiffres 2009 de l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et du Programme alimentaire mondiale (PAM).



Site du Secours islamique France
Site du CBSP
Site de Muslim Hands


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur