Psycho

Wafae : « J’ai l’impression de ne compter pour personne »

Rédigé par Sabah Babelmin | Jeudi 14 Avril 2016 à 08:00



Salam alaykoum,

Je m’appelle Wafae, j’ai 32 ans, je suis mariée et maman de deux enfants et je ne travaille pas.
Je suis croyante et pratiquante.

J’ai fait des longues études de droit et je suis frustrée de ne pas avoir de travail, je me sens comme une looseuse.

J’ai passé des examens, fait des allers-retours de 5 heures de route pour aider les enfants des proches, etc., pour pouvoir réviser et y assister ! J’avais tout réussi, sauf un oral !

J’ai ressenti une douleur qui m’a fait très mal ! Et j’ai eu du mal à m’en remettre, je me suis révoltée car je ne comprenais pas pourquoi Allah ne m’a pas destiné cet examen alors que j’étais presque au bout du tunnel ! J’ai eu vraiment mal !

Mon mari me dit de le repasser cette année mais, moi, je ne veux pas car je pense qu’il ne m’est pas destiné : si c’était le cas, je l’aurai eu l’année dernière... C’est ce que je pense.

Par ailleurs, je souffre de complexes, je n’arrive pas à accepter le temps qui passe j’ai l’impression qu’on n’est rien a 30 ans, je me sens vraiment vieille, moche et sur la touche !

Mon beau-frère va se marier avec une jeune alors qu’il en a 40. Même cela me complexe, car je me dis que mon mari me verra comme une vieille...

Je suis constamment en train de me poser des questions sur le passé, mes erreurs : je n’avance plus, je n’ai plus confiance et plus de gout à rien !

Un rien m’affecte. Je culpabilise pour tout ! Ma mère me fait culpabiliser de ne pas assez la voir (elle habite à 4 heures de chez moi et je rentre toutes les 3 semaines).

Je me prends la tête avec mon mari pour des futilités. Je suis touchée car sa famille m’a fait des remarques sur mes origines. Sa sœur laisse entendre qu’une fille de 27 ans est forcément pas vierge et ça m’a affectée et j’ai du mal avec eux. Ses parents ne me voulaient pas... Et là ils sont très heureux d’aller demander une fille de leur village... C’est peut-être rien mais tout cela me touche aussi !

J’ai toujours été rien pour les autres. La cinquième roue du carrosse ! J’ai l’impression de ne compter pour personne ! Les personnes en qui j’ai vraiment fait confiance m’ont trahie...
Même ma sœur m’a beaucoup déçue.

Mon mari me dit que je suis trop exigeante et que je n’accepte pas les autres comme ils sont. Il me dit que je me prends trop la tête pour rien et que je vais le regretter plus tard et qu’après tout le plus important c’est l’au-delà.

Masha Allah, il fait ce qu’il peut pour me soutenir mais rien ne me rend heureuse ! Je n’ai aucune estime pour moi-même. J’ai l’impression de penser comme une athée parfois, alors que j’aime ma religion et je suis fière d’être musulmane, al hamdoulillah.

J’aimerai tellement me surpasser, aller au bout de mes rêves et combler ma famille, mes enfants, me battre pour être une maman au top et une vraie FEMME !

Je m’en sens incapable et je me bloque avec mon âge, ma période de congé qui dure depuis deux ans. Je pense que je suis hors course et que personne ne s’arrêtera sur mon CV : 32 ans, maman musulmane, etc.

Voilà... En gros car il y a tellement de choses à dire !
Merci. Barak Allah oufik. Wafae

Sabah Babelmin, psychothérapeute

Chère Wafae,

Vous avez 32 ans et êtes maman, cela est un bonheur que beaucoup de femmes, parfois encore célibataires ou qui ne peuvent pas avoir d’enfants, souhaiteraient vivre ! Il est important de remercier et d’apprécier ce que Dieu nous a donné. Qu’en pensez-vous ?

Vous avez passé un diplôme mais raté l’oral, ce sont des choses qui arrivent. Je sais que cela peut être très frustrant et dur à supporter, mais il est important d’utiliser cet échec pour rebondir… et repasser cet examen si vous vous sentez prête. « Aide-toi et Dieu t’aidera » : comme vous le savez, l’effort est très important en islam ; la recherche du savoir est toujours recommandée, de même que la persévérance et la patience sont encouragées.

Et puis vient la confiance en Dieu (at-tawakul). Échouer à un examen (ou toute autre épreuve de la vie…) ne veut pas forcément dire que les portes vous sont définitivement fermées : l’être humain est capable de trouver l’énergie et le potentiel en soi pour parvenir à ses objectifs si tant est qu’il le souhaite, avec l’aide de Dieu.

Je pense que votre mari a raison quand il vous encourage à repasser cet examen. Là aussi, c’est important de prendre conscience de ce soutien. Vous-même dites qu’il « fait ce qu’il peut pour (vous) soutenir », mais avouez immédiatement que cela « ne (vous) rend pas heureuse » parce que vous n’avez « aucune estime pour (vous)-même ». Vous dites être « déçue » par vos proches, avoir été « trahie »

Or, souvent, ce que l’on reproche aux autres provient de ce que l’on reproche à soi-même mais qu’on n’ose se l’avouer… Vous dites vouloir « aller au bout de (vos) rêves » et aimeriez être une « vraie femme ». Mais qu’est-ce qu’une « vraie femme » pour vous ? Ne serait-ce pas une femme idéalisée (par votre éducation, votre histoire familiale, les injonctions sociales…) qui, au fond de vous-même, ne correspond pas à votre personnalité profonde ? Que sont vos « rêves » ? Est-ce de là que proviennent ce sentiment de frustration et ce manque de confiance en soi ?

Il me semble que vous donnez trop d’importance au regard des autres et gagnerez en confiance et en estime de vous-même en verbalisant auprès d’un professionnel. Plutôt que de ressasser tout dans votre tête…

En vous faisant accompagner par un professionnel, vous pourriez comprendre par vous-même vos difficultés et aller vers un mieux-être, qui, il me semble, vous apportera paix et sérénité et surtout espoir et confiance en l’avenir. Parvenir à un mieux-être intérieur vous aidera alors dans vos activités (la poursuite de vos études, votre recherche d’emploi…) mais aussi dans vos relations humaines (avec votre mère, votre belle-famille, votre époux…) et, surtout, vous réconciliera avec vous-même.

Dieu est avec les patients et les persévérants. Bon courage.

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Des psychologues et psychanalystes répondent à vos questions. Musulman(e)s du Maghreb ou de France, professionnel(le)s actif(ve)s exerçant en cabinet, ils réfléchissent à votre problématique et tentent de vous éclairer à travers leur expérience professionnelle et leur pratique spirituelle. Ils peuvent vous aider à y voir plus clair en vous-même ou à mieux décrypter le comportement des personnes de votre entourage.
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