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Un CFA sanctionné pour discrimination

Rédigé par Fouad Bahri | Lundi 3 Juillet 2006 à 16:37

Le tribunal correctionnel de Créteil vient de condamner en première instance le Centre universitaire de formation par apprentissage SUP 2000 de Saint-Maurice pour discrimination religieuse. Une jeune étudiante, dont l’inscription à un master était validée, s’était vue refusée l’accès aux cours, en septembre 2005, à cause de son foulard.
Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) se félicite de la décision. Le CFA s’est pourvu en appel.



Pour Boutaïna Benkirane, tout est bien qui finit…presque bien ! Cette jeune étudiante, diplômée en finance de l’Ecole Supérieure du Commerce et des Affaires de Casablanca, a visiblement de quoi se réjouir, pour le moment.

Inscrite en septembre dernier à une formation Master 2 audit comptable et financier au Centre universitaire de formation par apprentissage SUP 2000 de Saint-Maurice, elle s’était vue subitement refoulé des locaux, après une procédure expédiée en trois jours. La direction lui reprochait de porter un foulard et de violer en conséquence l’interdiction stipulée par le règlement intérieur de tout « port des insignes à caractère religieux ».

Jugé en première instance par le tribunal de Créteil, le CFA a été condamné, pour discrimination, à une lourde amende. Si la décision se confirme, il devra verser la somme de 10 000 €uros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la victime, à 2 000 €uros d’amende avec surcis et à 1.500 €uros au titre des frais exposés par la victime pour faits de discrimination à raison de l’appartenance à une religion déterminée.

Rappel des faits

Inscrite l’an dernier en Master 1 en administration économique et sociale à l’université d’Evry Val d’Essonne, Boutaïna décide de poursuivre son cursus en finance par une inscription au CFA SUP 2000 pour bénéficier d’un master 2. Disposant d’une bonne réputation sur le marché du travail, le CFA lui répond par courrier le 20 juillet pour lui annoncer que son dossier a été accepté. Les seules conditions posées étant d’avoir moins de 26 ans, posséder un titre de séjour permettant de travailler et trouver une entreprise d’accueil.
Boutaïna est alors aux anges. Pas pour longtemps.

« Toutes ces conditions étant réunies, j’ai contacté en septembre un numéro de téléphone qui figurait sur la lettre, et Mr Christophe Clément (qui fait partie du CFA) a pris mon dossier en main et puis il est rentré en contact avec mon entreprise d’accueil. Le lundi 19 septembre, j’ai passé un entretien téléphonique (non attendu) avec Mr Weydert, responsable du Master. Après une heure, j’ai reçu un second appel m’informant que je suis définitivement acceptée pour ce Master. Cet entretien se passe généralement en tête à tête, mais pour mon cas, puisque le dernier délai des inscriptions était très proche, je pense que le responsable pédagogique a préféré me le faire passer par téléphone. »
Son contrat de professionnalisation et sa convention signés le 22 septembre, Boutaïna Benkirane s’inscrit dans les locaux de l’université Paris 11 le lendemain, et le jour même reçoit de la part du CFA une convocation lui annonçant le début des cours le 26 septembre.

Le jour J, après deux heurs de cours, elle est convoquée par le responsable pédagogique du Master, qui lui demande de retirer son foulard à l’entrée des locaux. « Il m’a dit : « la loi est de votre côté mais moi je ne suis qu’un intermédiaire et maintenant je vous demande une faveur : d’enlever votre voile à l’entrée des locaux, … vous n’avez que 2 jours par semaine à passer au CFA ». Boutaïna refuse. Un rendez-vous est pris deux jours plus tard pour en reparler.

Le voile, un handicap ?

Le mercredi 28 septembre, accompagné du Président du centre de perfectionnement, Boutaïna se voit lire le règlement intérieur dans le bureau de la directrice. On lui demande de présenter sa carte d’étudiante. « Une fois que j’ai montré ma carte d’étudiant, la directrice me l’a prise soudainement pour aller en faire photocopie sans demander mon autorisation et, entre nous, j’ai eu peur qu’elle la détruise tout simplement. »

Précisant qu’il existe une distinction entre l’université et le CFA, la directrice reproche à l’étudiante sa malhonnêteté du fait d’avoir présenté des photos non voilées dans son dossier.

« Elle a ajouté qu’en général les étudiants qui ont un handicap doivent toujours se présenter avant le début du cours et c’est ce que moi je devais faire. J’ai répondu que mon voile me permettait de suivre les cours sans aucun handicap, et que l’enlever serait pour moi un vrai handicap.

Le Président du centre de perfectionnement a déclaré qu’effectivement ils avaient commis l’erreur de ne pas avoir informer les étudiants dès le début de ce règlement, mais que ce n’était pas si grave parce que pour lui il était évident que je devais normalement me présenter sans voile. »


Bien qu’un délai de réflexion lui soit accordé, un courrier en date du même jour est envoyé au cabinet ICA, l’entreprise où Boutaïna accomplit son stage, l’informant de son exclusion pour violation du règlement intérieur. Contacté par notre rédaction, le CFA a souhaité ne pas s’exprimer sur cette affaire.

Soutenue par le CCIF, Boutaïna Benkirane obtient donc gain de cause, en attendant l’appel. Elle perd néanmoins, outre une année scolaire, le bénéfice de son cursus en finance, son exclusion l’ayant contrainte à se réinscrire en ressources humaines, ce qui ne correspond pas à ses objectifs professionnels. Une victoire certes au goût amer mais qui pourrait faire jurisprudence. Les administrations sont averties…