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Trois Générations de Femmes Musulmanes Pour Un 8 Mars Français

Rédigé par Bamba Amara | Vendredi 7 Mars 2003 à 00:00

Qui se soucie encore aujourd’hui de la condition de la Femme en France ? Elles ont chacune un lave-linge, presque toutes ont un lave-vaisselle. Les couches-culottes ne font-elles pas le bonheur des mères-cadres-dynamiques ? Certaines ont volé dans l’Espace, d’autres jouent au football, fument le cigare, obtiennent le divorce pendant que quelques autres se font élire à l’Assemblée quand elles ne sont nommées Ministre de la Défense à la tête de nos troupes bien mâles ! Il y a de quoi oublier le chemin parcouru depuis le moyen âge où un concile ecclésial Catholique se demandait : « Habet mulier animam ? » (« La femme a-t-elle une âme ? »).



Qui se soucie encore aujourd’hui de la condition de la Femme en France ? Elles ont chacune un lave-linge,  presque toutes ont un lave-vaisselle. Les couches-culottes ne font-elles pas le bonheur des mères-cadres-dynamiques ? Certaines ont volé dans l’Espace, d’autres jouent  au football, fument le cigare, obtiennent le divorce pendant que quelques autres se font élire à l’Assemblée quand elles ne sont nommées Ministre de la Défense à la tête de nos troupes bien mâles ! Il y a de quoi oublier le chemin parcouru depuis le moyen âge où un concile ecclésial Catholique se demandait : « Habet mulier animam ? » (« La femme a-t-elle une âme ? »).

Neuf siècles auparavant, les musulmans avaient réponse à cette question : ' Certes, Nous assurerons une Vie Agréable à tout croyant, homme ou femme, qui fait le bien '(Coran,16 ;97). Dans son dernier discours à la Nation, son ' testament politico-social ', le Prophète de l’Islam s’est voulu explicite : ' Le meilleur d’entre vous est celui qui se comporte le mieux envers sa femme ' dit-il avant d’interroger la foule : ' ai-je bien fait parvenir le message ? ' Au VIIe siècle déjà, la musulmane avait le devoir de s’instruire, le droit de divorce, le droit à l’héritage, le droit de choisir son époux, le droit d’accéder à tous les champs de lutte y compris la lutte armée. Et pourtant… le statut de la Femme en général et le statut de la Musulmane en particulier demeurent un sujet d’actualité, surtout à l’approche du 8 mars...

Banlieues de l’Islam, Espaces de ' Tournantes '
Le 8 mars 1910 à Copenhague, une confédération internationale de femmes socialistes décide d’une journée annuelle pour la femme. Objectif : le droit de vote pour les femmes. Objectif atteint en Allemagne, le 12 novembre 1918. Le 21 avril 1944, une ordonnance accorde le droit de vote aux femmes françaises, presque un siècle après les hommes qui votaient déjà depuis 1848. Les Nations Unies attendront le 8 mars 1975 pour célébrer la Journée Mondiale de la Femme. Et l’Etat français, en 1982, dans la vague de 'reformes mittérandiennes ' fait un clin d’œil vers les femmes et un geste de la tête en direction des urnes en donnant un caractère officiel à la célébration de la Journée de la Femme.
Les effluves de cette nouvelle émancipation féminine ont embaumé le Monde Musulman jusque dans ses régions réputées les plus traditionnelles et conservatrices en même temps qu’un certain parfum de démocratie. Au Qatar en 1999, puis au Bahreïn en 2002, pour la première fois, les filles, les sœurs, les épouses et les mères ont pu voter pour leurs maires.

Dans la France du XXIe siècle, en certains quartiers mis au banc des lieux qu’il est convenu d’appeler 'la banlieue ', où l’Islam est un Serpent de Mer, des femmes ont pris les devants pour hurler en chœur qu’elles ne sont ' Ni Putes, Ni Soumises '… Qui avait dit le contraire ? Levez le doigt s.v.p. !
' Les tournantes ' envahissent le plateau et biaisent le débat inévitable. Ce sont des pratiques sexuelles amorales de groupe qui rappellent les cercles orgiaques des salons huppés dont l’on ne s’offusque plus depuis que la morale du sexe a été sacrifiée sur l’autel de la liberté individuelle. Sous leur forme de rituel initiatique des bandes de jeunes, ces viols collectifs brisent des adolescences depuis de longues années. Les filles sont les victimes attitrées, certifiées et reconnues. Les garçons sont les bourreaux. Maudit soit celui qui voudrait douter de leur culpabilité et de leur violence congénitales. Ces jeunes gens sont tous nés de femmes. Ils furent généralement éduqués par des femmes. Mais l’on nous explique qu’' ils ont une mauvaise image de la femme. ' Comment est ce possible? L'énigme reste posée.

Ceux qui connaissent ' la banlieue ' savent que ces ados sont aussi prompts à jurer  'Sur la tête de ma mère' tant elle leur est chère, que 'Sur le Coran', tant ils le mystifient ou 'Sur La Mecque', tant ils la mythifient. Qu’est ce qui explique donc leur attitude de débauche ? Le Serpent est dans la mer. Il nage en eaux troubles.
La démarche de celles qui ne sont ' Ni Putes, ni Soumises ' n’élucide pas ces discordances. Le bourreau pourrait tomber sa cagoule et revêtir la tunique de la victime. Il faudrait dans ce cas lui trouver un bourreau… Flou artistique, amalgames et voici que les interrogations se tournent vers la musulmane, pudiquement coi derrière son hijab. En attendant de pouvoir traduire les gazouillis de la quatrième génération de musulmanes en France, nous avons voulu entendre les trois premières...

Première, Deuxième, Troisième Génération…de Musulmane
Fatima aura bientôt soixante ans. Elle est cinq fois mère, trois fois grand-mère. Venue d’Algérie en 1967 elle vit en Ile de France. Son expérience et son regard sur la condition de la musulmane en France rappellent la mesure des progrès souvent oubliés : ' c’est beaucoup mieux maintenant dit-elle. Avant, je ne pouvais pas sortir. Il n’y avait pas beaucoup de femmes avec le voile. Il n’y avait pas beaucoup de mosquées. Pour les musulmans tout était difficile. Pour les musulmanes c’était encore plus dur. Maintenant c’est vraiment mieux, il y a beaucoup de mosquées et les femmes peuvent même sortir et aller à la prière du vendredi '.
Naïma est musulmane de la 2nd génération. La trentaine, le hijab stylé, elle a la répartie facile. Cette enseignante de lettres modernes estime que ' les femmes musulmanes en ont ras le bol. Elles en ont ras le bol que les personnes extérieures à la communauté musulmane pensent qu'elles souffrent et qu'ils faut les ' déspiritualiser pour enrayer le mal '. Elles en ont aussi ras le bol qu'au sein de la communauté les gens pensent qu’elles sont des houris. Que tout est au top parce qu'elles portent le hijab, vont aux conférences ou font la prière. Il y a de quoi devenir schizophrène '.
Maryam, 23 ans, 3eme génération, n’en a pas aussi gros sur le cœur. Epouse au foyer, mariée à un franche comtois converti à l’Islam, elle relève ' une contradiction autour de la femme musulmane en France. Ma grand-mère me dit avec amertume que les femmes se sont battues pour que nous ayons le choix. Et maintenant nous portons le voile ! Pourtant ce n’est pas une contradiction, puisque le voile pour moi est justement mon choix. C’est mon choix librement consenti. C’est une manière de vivre ma foi musulmane '.
Dans la petite ville de province où elle vit avec son époux, non loin de la frontière suisse, Maryam estime que les regards sont souvent pleins d’interrogations. ' Mais dit-elle, dans les grandes villes comme Paris, les gens ont l’esprit plus ouvert sur le monde et cela doit poser moins de problèmes '. Pour cette jeune dame née en France et éduquée à l’école française, l’adoption du hijab fut une démarche progressive : ' un jour, je me suis demandée ce que je dirais à Dieu si je venais à mourir dans mon état. Alors j’ai commencé par me mettre un béret, puis un turban et finalement le hijab. Les gens, certains dans ma famille, le prennent comme une forme d’extrémisme. Mais ce n’est pas le cas. Pour moi, ce hijab c’est moi, telle que je me perçois '.

Le 8 Mars de la Femme Musulmane
Le 8 mars ? Fatima ne connaît pas. Elle n’ira donc pas manifester. Mais Naïma qui est en poste, depuis quelques mois, à l'étranger estime que ' ce n’est pas tout de manifester. Il faut plus. Le 8 mars est symbolique, mais il reste beaucoup d'efforts et de révolutions à faire pour améliorer les conditions de la femme. Une telle journée est pédagogique pour sensibiliser les gens. Même si je ne défilerais pas avec les femmes, je me sens solidaire.  Ici,  j'essaye de 'secouer le cocotier' de mes étudiantes qui n'ont d'autres objectifs existentiels que de se marier. J’essaye d’enseigner les vraies valeurs de la Révolution Française et son idéal républicain qui s'opposent à toute forme d'apartheid ethnique ou religieux. '
De l’avis de Maryam, le 8 mars est un jour qui commémore le combat de la femme pour ' son émancipation, sa liberté d’exercer un métier, de pouvoir faire ses choix personnels '.

Quel Combat Pour la Musulmane Aujourd’hui ?
Plus que toutes les victoires du passé, l’accès au savoir occupe une place centrale dans les préoccupations de ces trois musulmanes. Leurs approches et leurs motivations sont néanmoins divergentes.
' A cinquante ans passés, explique Fatima, je ne savais pas lire. Mon mari ne me laissait pas sortir de chez moi. C’est ma troisième fille qui m’a prise par la main et qui m’a conduit à la ' Maison Pour Tous ' où j’ai appris à lire. Mon mari ne le savait pas. Je ne lui ai rien dit. Ce n’était pas facile d’apprendre mais c’était bien. Il y avait d’autres femmes de mon âge et même des plus âgées. En été, ma maîtresse me disait : 'Fatima, retires ton voile, il fait chaud'. Mais je n’ai pas retiré mon voile parce qu’il y avait des hommes parmi les élèves… Maintenant mes enfants sont grands. J’ai demandé le divorce. J’ai pris un studio pour moi toute seule. Je vis à nouveau. Et les enfants peuvent venir me voir comme ils veulent. Je peux sortir. Je peux lire les numéros et les noms des rues. Je peux parler en français sans effort et les gens me comprennent. Quand je suis arrivée en France, je ne savais même pas acheter une baguette dans une boulangerie '.
Naïma estime qu’il est urgent que ' les femmes musulmanes aient accès à la vie culturelle, sociale et professionnelle sans discrimination. C’est la prise en charge personnelle et intellectuelle au sein de la communauté musulmane qui mettra fin au paternalisme envers la femme. C’est ce qui fera qu’elle ne sera pas à la merci ou à la botte des frères qui souvent font plus cas, dans leur attitude, de valeurs traditionnelles liées au Maghreb qu'à la dimension spirituelle de l'Islam '.
Maryam, donne de son temps au sein d’un groupe de soutien scolaire. Comme ses deux aînées, elle accorde une place de choix à l’instruction et au savoir : ' parce que la femme doit donner la vie, dit-elle, parce qu’elle doit éduquer ses propres enfants, elle doit faire des études. Elle doit être au top dans ses connaissances personnelles et ne jamais cesser d’évoluer. ' Puis elle ajoute : ' Cette quête de savoir ne doit pas la distraire de ses autres responsabilités par ailleurs, tant au niveau du couple, de la famille que de la société. '

Regards Croisés sur le Conseil Français du Culte Musulman (CFCM)
Fatima est bien loin des querelles autour du CFCM. ' C’est déjà bien qu’il y ait beaucoup de mosquées dit-elle. On peut aller prier à côté comme on veut '. Naïma est laïque. Elle le revendique bien fort. Selon elle, ' la laïcité veut dire pas de religion en politique. Elle signifie aussi pas d'intrusion du politique dans la religion. Le CFCM est une affaire islamico-musulmane et M Sarkozy ne doit pas s'ingérer s'il respecte vraiment la laïcité de l'Etat. C’est une question de principe. Donc pas de néo-colonialisme pour diriger la communauté de l'Islam et lui donner un représentant qui, dès qu'il éternuerait, ferait s'enrhumer tous les musulmans de France et de Navarre.'  Maryam veut pouvoir voter pour ses représentants au CFCM. ' Néanmoins, explique-t-elle, la communauté est très diverse et très dispersée. Il fallait bien avancer. C’est déjà une bonne chose que le CFCM existe. Mais chacun de nous est responsable devant Dieu, quelles que soient les personnes qui dirigent le Conseil '.

Pour Fatima, Naïma et Maryam, le bonheur s’appelle évidemment ' famille '. Une famille 'avec des enfants' ajoutent-elles dans un joyeux chœur. Il semble qu’en démocratie ça compte un peu! Demain, ces enfants, garçons et filles, auront à voter.