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Points de vue

Sainte-Sophie reconvertie en mosquée : une indignation sélective

Rédigé par Charles Saint-Prot | Mercredi 19 Août 2020 à 09:00

           


Sainte-Sophie est passée en juillet 2020 de musée à mosquée après une décision judiciaire prise par le Conseil d'Etat turc. © Pixabay/Falco
Sainte-Sophie est passée en juillet 2020 de musée à mosquée après une décision judiciaire prise par le Conseil d'Etat turc. © Pixabay/Falco
La réaffectation des lieux de culte est fort ancienne. De très nombreux temples païens furent par exemple annexés par l’Église lorsque l’Empire romain est passé au christianisme. Cette réaffectation a souvent suivi le déplacement des frontières politiques. Dès lors, on ne peut que s’étonner de l’indignation sélective qui a suivi la décision de la Turquie de rétablir le culte musulman à Sainte-Sophie (Ayasofya) d’Istanbul.

Pourtant, Sainte-Sophie n’est pas passé brusquement du rang de basilique orthodoxe à celui de musée. Ayasofya est devenue mosquée sous Mehmet II à la suite de la chute de Constantinople (aujourd’hui Istanbul) en 1453. À cette époque, le bâtiment était très délabré et le sultan ordonna sa réparation. Il fut ensuite restauré à plusieurs reprises par les sultans, notamment au XVIe et au XIXe siècle. Ce n’est qu’en 1934 que Sainte-Sophie perdit son statut de lieu de culte pour devenir un musée, sur décision d’Atatürk.

Depuis 2012, plusieurs campagnes ont visé à demander que le musée redevienne un lieu de culte musulman. Le 10 juillet 2020, un décret du Conseil d’État a eu pour effet de rétablir le culte musulman dans la mosquée et, le 24 juillet 2020, jour du 97e anniversaire du Traité de Lausanne qui lave l’humiliation du Traité de Sèvres et fixe les frontières de la Turquie moderne, la prière musulmane y fut célébrée en présence du président Recep Tayyip Erdogan.

Lire aussi : Une foule massive pour la première prière du vendredi à Sainte-Sophie depuis 1934 (vidéo)

En même temps, le chef de l’État turc a précisé que Sainte-Sophie « restera ouverte à tous, Turcs et étrangers, musulmans et non-musulmans ». En somme, très peu de choses changeront et on peut se demander si certains n’organisent pas une tempête dans un verre d’eau.

Une réaffectation religieuse parmi d’autres dans l’Histoire

Par ailleurs, on peut également constater que le cas de Sainte-Sophie n’est pas unique. Ce lieu de culte n’est pas le seul à avoir changé d’affectation religieuse

La mosquée almohade de Séville, la fameuse Giralda, mosquée sœur de la Koutoubia de Marrakech et de la Tour Hassan de Rabat, érigée au 12e siècle par le sultan marocain Yacoub El Mansour, fut le monument central de l’Espagne musulmane, Al Andalus. La Giralda de Séville fut transformée en église après que les troupes de Ferdinand de Castille eurent pris possession du site en 1248.

La grande mosquée de Cordoue, qui a été édifiée par les califes omeyyades entre les VIIIe et XIe siècles, fut le monument le plus emblématique de l’art musulman des Omeyyades de Cordoue. La mosquée fut transformée en église au XIIIe siècle. La Commission islamique d’Espagne ainsi que la Ligue arabe réclament depuis 2004 la levée de l’interdiction de pratiquer le culte musulman au sein de cette mosquée-cathédrale de Cordoue.

Ne disons rien de la mosquée historique d'Al-Ahmar (la mosquée rouge) bâtie en 1276 en Palestine, à Safed (occupée en 1948), qui faisait partie du patrimoine de l’humanité, et a été transformée en bar par la municipalité israélienne en 2019 !

À vrai dire, il semble que les islamophobes et certains milieux occidentaux perdent tout sens de la mesure quand il s’agit de l’islam en général, et de la Turquie en particulier. Souvenons-nous que le rôle de de la France fut d’être un médiateur entre les deux religions, un initiateur des deux mondes comme l’écrit Jules Michelet.

Célébrant l’accord franco-turc conclu en 1536 entre le Roi François 1er et le Sultan Soliman le Magnifique, l’historien écrit : « Acceptons hautement, au nom de la Renaissance, le nom injurieux que Charles-Quint et Philippe II nous lancèrent tant de fois. La France, après Venise, fut le grand renégat, qui, le Turc aidant, défendit la chrétienté contre elle-même, la garda de l'Espagne et du roi de l'Inquisition. Saluons les hommes hardis, les esprits courageux et libres qui, d’une part, de Paris, de Venise, d’autre part de Constantinople, se tendirent la main par-dessus l’Europe et, maudits d’elle, la sauvèrent. »

*****
Charles Saint-Prot est directeur général de l’Observatoire d’études géopolitiques (OEG) de Paris.




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19.Posté par Premier Janvier le 01/09/2020 23:08 | Alerter
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Merci François. Smack. Smack. Smack.
Abonder est rare chez vous.
A tel point que j'avais pensé de vous que vous étiez la contradiction incarnée. Lol.

18.Posté par François Carmignola le 29/08/2020 10:02 | Alerter
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Une personne ne peut se construire sans son identité, elle est d'abord relation et positionnement avec cette identité, et elle en a donc besoin... Par contre, elle n'est pas cette identité, là vous avez raison.

Je crois qu'il ne faut ni nier, ni dépendre de ses ancêtres, ils sont là pour ça: pour qu'on les respecte et qu'on s'en différencie.
Alors bien sur il y a la politique, mais c'est la même situation je crois.

17.Posté par Premier Janvier le 28/08/2020 23:23 | Alerter
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Vous parlez ainsi parce que vous confondez votre personne et sa prétendue identité.
Mes ailleuls sont pourtant de ceux qui ont subi.
Pourtant je n'arrive pas intégrer le fameux logiciel qui dit tu es un passé. Une période. un temps.
Tu es tes ancêtres. Dont moi même je ne connais d'ailleurs rien. Que leurs noms. Ces inconnus sont à moi est ce que la société si je l'écoutais me dicte.
J'ai plutôt l'impression qu'elle en dit qu'ils sont à elles. Mais que pour pouvoir le dire elle a nécessairement besoin de moi.
Le terme qui sert à le dire est le mot politique.

16.Posté par François Carmignola le 28/08/2020 06:56 | Alerter
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Je vous accorde que vous futes allusif, mais votre chiffon était un peu rougeatre, reconnaissez le...
Nous pauvres anonymes avons non pas un devoir de mémoire, mais un devoir de remémoration informée (elle devrait vous faire rire, celle là). Mieux: cela nuit gravement à nos rapports avec les turcs (j'en connais) qui très sincérement croient au bourrage de crane qu'on leur impose depuis l'enfance et qui confusément réalisent que leurs familles, leur monde ment honteusement sur le sujet du génocide.
Cela est aussi source de traumatisme. Il faut aider les turcs à se libérer des crimes de leurs grands parents, c'est pour leur bien !

Par exemple, les allemands, en grande partie l'on fait.

15.Posté par Premier Janvier le 26/08/2020 16:47 | Alerter
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Mais ce que nous autres anonymes pouvons bien dire n'est pas l'Histoire.
Purée vous alors vous êtes quelqu'un. Peut être estimez-vous de ce que vous même pouvez dire que c'est l'Histoire et vous transposez vos dires sur d'autres. Mais veuillez s'il vous plaît ne pas me coller vos propensions et prétentions. Lol.

14.Posté par François Carmignola le 24/08/2020 21:22 | Alerter
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@premierjanvier
Cela vous intéresse assez pour que vous rapportiez la position d'Erdogan, en plus légèrement tronquée: il ne reconnait absolument pas les faits (une déportation meurtrière qui a causé un million de morts) mais reconnait des morts arméniens du fait de la guerre...

Reconnaissez que je lui ai donné une raison (c'est ce qui "justifie" l'inacceptable déni turc, qui gangrène toute leur société depuis le drame).

13.Posté par Premier Janvier le 24/08/2020 16:16 | Alerter
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Vous êtes très bizarre vous. Je dis ce qu'il a pu mettre donné de lire, rien de plus.
Ne prenez pas la posture d'un professeur d'Histoire. C'est ridicule. Ca ne m'intéresse absolument pas. Après que vous puissiez dire votre intérêt pour la matière est parfait, mais ça ne m'intéresse absolument pas.

12.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 24/08/2020 05:48 | Alerter
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Mon cher premierJanvier vous adoptez une position que l'on appelle le "négationnisme", et qui consiste en jouant sur les mots à nier des réalités historiques afin de préserver des conceptions nationalistes obsolètes, ici celles de l'ex empire ottoman, défendues mordicus par ses successeurs dont le semi dictateur actuel.

Car le gouvernement des jeunes turcs de 1915-1916 a bien mis en oeuvre un génocide, celui de prés d'un million et demi d'arméniens, par une déportation de population meurtrière qui n'est absolument pas, comme le prétend encore la thèse turque, une "conséquence malheureuse de la guerre". La très cynique thèse parle même de morts "de part et d'autre", alors que le monde entier s'accorde pour reconnaitre le génocide.
Le concepteur du génocide, Talaat Pacha, qui l'a reconnu explicitement, a toujours un boulevard à Ankara (Talat Pasa Blv).

Cette négation forcenée peut s'expliquer par le fait que la reconnaissance du génocide pourrait donner lieu à des compensations, notamment territoriales. Mais la Turquie pourrait dans un avenir proche avoir à les faire de toute façons, tant les risques pris en ce moment par son président actuel pourrait avoir des conséquences néfastes pour son pays.

11.Posté par Premier Janvier le 22/08/2020 19:40 | Alerter
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Ben tiens. Les riches propriétaires ne payaient pas mais l'Etat n'oubliait pas de faire payer des impots aux travailleurs. Pour Erdogan il ne remet pas en question les événements, c'est le terme génocide qu'il conteste.

10.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 22/08/2020 07:46 | Alerter
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Non non, la pauvre Grèce n'a jamais eu de cadastre pour mieux se protéger de l'empire. Le peuple qui a inventé la démocratie, opprimé cinq siècles, a perdu le gout de l'Etat, considéré à raison comme spoliateur sans contreparties. Toutes les colonisations produisent ces destructions là, hélas...

Vous parlez de "réfugiés" ? Ignoreriez vous qu'il s'agit de misérables manipulés comme du bétail humain par un spécialiste des déportations de populations, héritier de ceux qui installèrent à Chypre des paysans anatoliens pour mieux l'occuper, de ceux qui firent traverser l'anatolie aux arméniens, et aux grecs qui y vivaient depuis des siècles.

Au fait, tant qu'Erdogan n'aura pas reconnu que le pays des janissaires esclaves, l'ennemi héréditaire de l'Europe, a effectivement organisé le premier génocide du XXème siècle, on ne lui passera rien.

9.Posté par Premier Janvier le 21/08/2020 20:47 | Alerter
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L'oppression ottomane. Vous en connaissez beaucoup vous des ottomans.
Vous alors, vous êtes extraordinaire.
Le tort de la Grèce est qu'elle n'a pas récolté assez d'impôt parce qu'elle n'avait pas de cadastre. L'aide aux réfugiés ce n'est pas un Etat qui donne pour un autre Etat. C'est un pot commun destiné à ces derniers.

8.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 21/08/2020 19:46 | Alerter
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Après avoir, par gout pour son héritage antique, sauvé la Grèce d'un millénaire d'impitoyable oppression ottomane, l'Europe a bien sauvé la Grèce de la banqueroute en 2008 en lui donnant (vous avez bien lu , "donnant") des sommes d'argent énormes en contrepartie d'une réduction de l'ampleur de ses fraudes fiscales élaborées pour tromper l'autre empire.
Les migrants qu'elle a accumulé dans ses îles voisines de la Turquie furent réduits en nombre grâce à l'argent de l'Allemagne directement versé à un caïd moustachu dont il va bientôt falloir s'occuper sérieusement.
Là où vous avez raison, c'est que Merkel et Trump ont bien des indulgences pour Erdogan, et que Macron n'a pas les moyens d'empêcher qu'on l'insulte. Mais tout cela n'aura qu'un temps. Erdogan delenda est.

7.Posté par Milouda le 20/08/2020 23:20 | Alerter
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François arrêtez de vous prendre pour François je vous prie.

6.Posté par Premier Janvier le 20/08/2020 23:04 | Alerter
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François arrêtez de foutre de la gueule du monde. L'Europe a laissé tombé la Grèce. Elle lui a incombée de s'occuper seule de gérer les migrants. Par dessus le marché, quant à ses difficultés financières elle l'a humiliée et saignée. Ellel'a en même temps méprisée (ignorée) et utilisée (profitée).
D'un coup la Grèce devient nous l'Europe. Pauvre petite chose a considérer, secourir et sauver. La sauver de quoi de rien. Juste d'une prétendue puissance et identité menacée.
Aujourd'hui encore on se la joue moderne mais on n'est en vérité pas sorti des logiciels d'antan. Puissances, empires, identités et tout le bordel.
Un monde de fous, d'arriérés, d'abrutis.

5.Posté par francois.carmignola@gmx.com le 19/08/2020 22:22 | Alerter
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Voilà qui jure avec les appréciations peu flatteuses voire carrément insultantes que l'actuel dirigeant de la Turquie porte en public contre le président français actuel...

Pour l'instant, en France, on n'est pas vraiment à l'alliance de revers avec le grand turc pour limiter un peu le pouvoir de Charles Quint, on en est même disons-le à l'exact contraire, le grand turc voulant à nouveau prendre pied en méditerranée et en Europe pour des raisons mystérieuses.

Pays en grande difficulté économique, relativement isolé, la Turquie se lance dans des aventures militaires qui pourraient bien couter sa place à son dictateur, un douteux footballeur stambouliote corrompu et vindicatif qui semble abuser de la cocaïne.

En espérant que la Grèce n'en profite pas pour remettre en route une "grande idée" qui est le projet finalement assez justifié de récupérer non seulement Chypre, mais aussi la rive est de la méditerranée, Constantinople compris, ce qui réglerait avantageusement le triste sort de la basilique Sainte Sophie abusivement détournée du rôle prévu à l'origine de sa construction. Après tout, les ponts qu'Erdogan a construit sur le bosphore pourraient servir à conquérir l'Asie...

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