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Points de vue

S’ils pouvaient se la fermer sur l’islam

Rédigé par | Vendredi 18 Décembre 2009 à 00:45

           

Nadine Morano associe islam, chômage, casquette et verlan. De la part d’un ministre français, ce n’est q’un raccourci de plus qui, s’il n’est pas raciste, ne fait qu’élargir la gamme déjà étendue du discours réducteur sur l’islam en France.



S’ils pouvaient se la fermer sur l’islam
Le racisme est idéologie déterministe qui juge l’individu à ses attributs génétiques. Je n’en vois point dans les propos de notre ministre de la Famille. Nadine Morano ne fréquente pas de mosquée, mais elle suit les médias. Elle m’apparaît donc comme une victime ordinaire de l’égrégore médiatique qui a fini par faire oublier que l’islam est une voie spirituelle aux valeurs universelles.

On ne peut s’empêcher cependant de penser au travail de séduction mené par les sarkozystes pour arracher des voix à l’extrême droite. Quand la gauche boudait la bravitude, les sarkozystes affrontaient les idées lepénistes au corps-à-corps et sans états d’âme. On peut difficilement descendre dans de telles poubelles et continuer à sentir bon. Depuis les présidentielles, les sarkozystes ont besoin de karcheriser leur langage afin de le délepéniser. Les propos de Nadine Morano confortent cette opinion. Car la France a beaucoup changé.

En France, on ne peut plus blaguer qu’un jeune camarade politique est arabe. On pourrait retrouver sa vidéo sur Internet comme Brice Hortefeux. On ne dit plus qu’un Africain est Noir. Mieux vaut dire « Black », cela vous évite un procès comme celui du préfet Paul Girot. Même sous l’uniforme, le bizutage ne permet plus aux gradés de dramatiser quelques propensions racistes, car les gendarmes savent écrire. Ils peuvent saisir la HALDE… Il faut reconnaître que la France a bien changé. Mais il reste encore du chemin à faire.

Car, pour l’heure, on peut encore, dans la burqa, enfermer l’islam et tenir des propos dont la violence n’a souvent d’égale que l’ignorance qui les inspire. Le « je suis un peu islamophobe » de Claude Imbert est désormais une boutade à côté des fantasmes d’un Robert Redecker, dont les délires schizophréniques sur l’islam peuvent désormais s’exercer avec la caution du CNRS qui, dans le même temps, se déchaîne contre Vincent Geisser dont les travaux ont permis, y compris aux musulmans, de réinterroger la nature véritable de l’islamophobie en France.

Une certaine France a peur parce qu’elle aborde l’avenir les yeux rivés au rétroviseur. Cette France veut récrire l’Histoire, elle veut plomber le présent pour faire mains basse sur notre avenir commun.

Loi antifoulard, immigration sur ADN, bienfaits de la colonisation, ministère de l’Immigration, Aristote au mont Saint-Michel, musée de l’Histoire de France, débat sur l’identité, mission anti-burqa... Sur le quai de la République, le musulman regarde passer ces trains bruyants et se demande lequel prendre, lequel est le moins hypocrite sur sa religion.

Jacques Myard a comparé femmes en burqa et femmes prostituées parce qu’il croit qu’elles sont toutes deux contraintes. Il est député. Nicolas Sarkozy a associé musulmans et « moutons dans la baignoire ». Il fut élu président. Jacques Chirac a proposé la superstitieuse « main de Fatma » comme insigne de l’islam. En accolant islam, chômage, casquette et verlan, Nadine Morano est dans la même tradition d’ignorance. Elle dit ce que beaucoup pensent.

Dérapages verbaux ou lapsus révélateurs, le discours politique sur l’islam n’a pas fini de choquer. La saga continuera tant que le citoyen français n’aura pas décolonisé et dépolitisé son regard sur notre religion. Ce sera long ; certes, mais c’est indispensable. En attendant, si nos politiques pouvaient se la fermer sur l’islam, cela nous rendrait drôlement service.



Diplômé d'histoire et anthropologie, Amara Bamba est enseignant de mathématiques. Passionné de... En savoir plus sur cet auteur



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