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Points de vue

Rien ne te gouverne autant que l’illusion ! Une sagesse de notre temps

Conscience soufie

Rédigé par | Lundi 5 Juillet 2021 à 11:00

           


Rien ne te gouverne autant que l’illusion ! Une sagesse de notre temps
Originaire d’Alexandrie, Ibn ‘Ata’ Allah (1259-1309) se forme d’abord en droit musulman. Il nourrit alors de forts préjugés à l’égard du soufisme, mais sa rencontre, en 1275, à l’âge de 17 ans, avec le cheikh Abû l-‘Abbas Al-Mursi bouleverse sa vie : cet Andalou a succédé à Abu l-Hasan al-Shadhili, le maître éponyme de la tariqa (voie initiatique) Shadhiliyya, mort en 1256. Il lui apprend la réalité cachée de la vie, de l’islam, de lui-même… Désigné par la suite par Al-Mursi comme son successeur en 1287, Ibn ‘Ata’ Allah devient le troisième maître de la voie. Son œuvre témoigne à quel point il sait distiller la métaphysique soufie dans un discours simple et imagé. C’est pourquoi son œuvre continue de toucher les humains à travers le monde, bien au-delà des cercles soufis.

Les extraits sont issus de deux ouvrages : Les touches subtiles de la grâce, testament spirituel du maître,* et de son recueil de « Sagesses » (Hikam), qui propose sous forme de sentences lapidaires une pédagogie initiatique.

Le propos des Hikam est d’amener l’homme à connaître son âme, prolongeant ainsi une parole parfois attribuée au Prophète : « Celui qui se connaît soi-même connait son Seigneur ». Ce n’est donc pas un soufisme théorique qui est mis en œuvre ici, mais une école de vie au quotidien. L’objectif premier est de se libérer de son ego – « le plus grand ennemi » selon le Prophète – de ses prétentions, de ses illusions, de ses projections… Seuls cette ‘‘désidentification’’, ce déconditionnement de ce que nous croyons faussement constituer notre être, permettent à l’âme de connaître sa vraie nature spirituelle. Les « Sagesses » restent d’une étonnante actualité pour tout chercheur de vérité.

*Texte traduit en français par Eric Geoffroy sous le titre La sagesse des maîtres soufis, Grasset, Paris, 1998.

Rien ne te gouverne autant que l’illusion ! Une sagesse de notre temps

Les sagesses

« L’existence de l’homme est cernée par le néant qui précède cette existence ainsi que par celui qui la suivra, disait le cheikh (Al-Mursi, maître d’Ibn ‘Ata’ Allah) ; l’être humain est donc lui-même pur néant. » En effet, les créatures ne détiennent en aucune manière l’Être absolu, lequel n’appartient qu’à Dieu. Les mondes, quant à eux, n’existent que dans la mesure où Il les dote d’un être relatif. Or, celui dont l’existence puise sa source chez autrui n’a-t-il pas pour attribut foncier le néant ?

« Le soufi,]i affirmait le cheikh Abu l-Hasan al-Shadhili (maître d’Al-Mursi), i[est celui qui, en son être intime, considère les créatures comme la poussière qui se trouve dans l’air : ni existantes ni inexistantes; seul le Seigneur des mondes sait ce qu’il en est ». « Nous ne voyons aucunement les créatures, assurait-il également : y a-t-il dans l’univers quelqu’un d’autre que Dieu, le seul Réel ? Certes les créatures existent, mais elles sont telles les grains de poussière dans l’atmosphère : si tu veux les toucher, tu ne trouves rien ».

Lorsque tu regardes les créatures avec l’œil de la clairvoyance, tu remarques qu’elles sont totalement comparables aux ombres ; or l’ombre n’existe aucunement si l’on considère l’ensemble des degrés de l’être, et on ne peut davantage la ramener à aucun des degrés du néant. Les « traces » que constituent les créatures revêtent donc l’aspect d’ombres, mais elles se réintègrent dans l’unicité de Celui qui imprime ces traces (Dieu) : les choses, tu le sais, s’accouplent à leur semblable et prennent sa forme. (1) De même, celui qui perçoit le caractère d’ombres des êtres n’est pas pour autant coupé de Dieu ; en effet, l’ombre des arbres dans le fleuve n’empêche pas les bateaux de s’y mouvoir.

Il ressort de ceci que le voile qui se dresse entre Dieu et toi n’a pas d’existence réelle, car cela impliquerait que ce voile est plus proche de toi que Lui ; or il n’y a rien de plus proche de toi que Dieu. (2) C’est l’illusion qui te fait croire que le voile a une réalité ; ce qui te voile de Dieu n’est pas l’existence d’une entité qui partagerait l’être avec Lui – ceci est impossible – mais simplement ton illusion qu’il existe autre chose que Lui !

Que comprendre de ces sagesses ?

L’auteur vise ici à nous faire prendre conscience du caractère illusoire de notre mode de perception ordinaire et, au-delà, de notre existence même… Selon la doctrine soufie de « l’unicité de l’Être », l’être (al-wujud) appartient à Dieu seul. En manifestant les créatures, Dieu dote celles-ci d’une existence qui a une valeur relative, mais nulle du point de vue de l’Absolu.

Or, nous vivons dans l’illusion d’avoir un être propre, autonome par rapport à l’Être de Dieu – et séparé des autres créatures : c’est cela qui constitue le leurre suprême ! L’illusion de l’individualité humaine doit tomber, disait déjà Junayd (m. 911), afin que « disparaisse ce qui n’a jamais existé ». Cette illusion est à la fois ontologique et psychologique. Elle a pris pied en nous depuis la petite enfance, par notre accoutumance progressive à une vision subjective, irréelle, du monde :

« Rien ne te gouverne autant que l’illusion ! » (Sagesse d’Ibn ‘Ata’ Allah)

Se nourrissant de diverses images (la poussière, l’ombre, la trace…), Ibn ‘Ata’ Allah ébranle par le paradoxe notre conscience léthargique : Dieu, l’Être réel, est tellement proche de nous qu’Il se voile par Sa proximité même ! En se manifestant, Il se voile et se dévoile à la fois ; c’est là une thématique soufie majeure :

« Ce n’est pas un être existant avec Dieu
Qui te Le voile – car rien n’existe avec Lui !
Mais c’est ton illusion que quelque chose existe avec Lui ! »

(Sagesse d’Ibn ‘Ata’ Allah)

« Ce qui te voile le Réel (Dieu),
C’est l’excès même de Sa proximité !
Il Se voile par Sa manifestation trop intense
Et Se cache aux yeux par l’intensité de Sa lumière. »

(Sagesse d’Ibn ‘Ata’ Allah)

(1) La « similitude » entre Dieu et Sa création vient du fait que celle-ci est l’ombre de Dieu; or toute ombre est strictement conforme à celui qui la produit.

(2) En référence au verset coranique : « Nous (Dieu) sommes plus près de lui (l’homme) que sa veine jugulaire. » (Sourate 50, verset 16)

*****
Première parution de la contribution sur le site de Conscience soufie. Pour voir la vidéo de l’intervention dédiée aux sagesses d’Ibn ‘Ata’Allah, c’est ici.

Voir aussi la vidéo de La Casa del Hikma : le soufisme, une secte hors de l'islam ?


Éric Geoffroy
Président de l'association Conscience soufie, Éric Geoffroy est islamologue, spécialiste du... En savoir plus sur cet auteur


Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Premier Janvier le 07/07/2021 16:52 | Alerter
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Je commente sans avoir lu.
Le titre contient l'un de mes mots préférés. Illusion.
Une chanson du groupe téléphone la décrit admirablement.
Cette chanson est wahou, canon.
Juste une illusion elle s'appelle.

2.Posté par Premier Janvier le 08/07/2021 18:00 | Alerter
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Lorsque j'étais très petit je sentais déjà qu'il y avait un truc qui ne tournait pas rond.
J'ai été élevé par une famille athée, ma perception n'a donc rien à voir avec le religieux.
Mais très petit déjà, j'avais compris que l'on attendait de moi était de me conformer à une illusion. Lorsque j'étais tout petit, tout me semblait être bizarre, faux, je pressentais de mes proches que j'aimais qu'ils se trompaient.
Que ce qu'ils m'expliquaient était qu'il fallait que je vive de façon factice.
Tout petit déjà j'ai compris qu'ils ne faisaient que relayer le seul modèle qu'il connaissaient. Qu'ils ne savaient rien que leur modèle et qu'ils n'avaient que ça à quoi se raccrocher. Je pleurais d'ailleurs énormément, non pas parce que j'étais malheureux, mais parce que je ne savais pas quoi faire de ce que j'avais compris.

3.Posté par Premier Janvier le 08/07/2021 20:52 | Alerter
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Il dit aussi (Jean Louis Aubert) très bien ce qu'est le bonheur.
Il se construit pas en dur dit t'il entre autre.
Il a titré son texte Du bonheur. Chanson magnifique.
Il dit décidément tout très bien ce monsieur.
La classe. Si vous ne la connaissez pas vous manquez quelque chose. Je crois.

4.Posté par Premier Janvier le 08/07/2021 21:05 | Alerter
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... il dit il faut faire soi même tout le boulot.
Ivrogne comme je suis j'entendais au départ il faut boire tout au goulot. Lol.
Ca m'avait plu ma fois. Lol.

5.Posté par Premier Janvier le 08/07/2021 21:08 | Alerter
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Pardon. ... foi.

6.Posté par Premier Janvier le 08/07/2021 21:13 | Alerter
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Au fait quel rapport avec la foi. Mais surtout pourquoi la mienne.
Souvent on dit les choses comme il faut les dire sans comprendre pourquoi.
Ma foi. Lol.
Généralement j'évite d'utiliser les termes dont je ne comprends pas le sens.
A faire donc. Je coche. Rechercher d'ou vient cette expression et quel en est le sens. Lol.


7.Posté par Premier Janvier le 09/07/2021 16:54 | Alerter
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On a pas d'autre choix que de croire que ce que l'on croit est vrai.
Autrement on bascule dans la folie.
Exemple. La météo me dit il fait 30° aujourd'hui.
J'ai juste pensé on ne le dirait pas mais à part cela je lui faisais confiance.
Il fait vraiment 30°.
Puis je me rends compte que selon mon anti virus je suis sensé être à New York.
La météo est des météos et ainsi de suite pour toutes les choses.
Il n'y a que les choses elles mêmes qui puissent dire ce qu'elles sont.
Nous autres ne faisons que les décrire.
Elles ont leurs vies bien à elles, elles ne sont pas seules puisque l'on a dit qu'elles étaient quelque chose. Puisqu'elles sont sensées être quelque chose, elles ne peuvent que contenir ce qu'elles ne sont pas.
Ce qui fait des choses qu'elles ne savent pas elles même qui elles sont.
Ce qu'elles disent est juste qu'elles ne sont vraies qu'au moment ou elles le disent.
Et pourtant ce que l'on recherche c'est savoir ce que sont les choses. Une quête impossible.

8.Posté par Premier Janvier le 09/07/2021 17:44 | Alerter
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Il y a une vieille secte chiite qui disait, rien n'est vrai. C'est vrai. Je sais que c'est vrai.
J'ai trouvé cette formule exceptionnelle.
Vrai est le contraire du faux.
1+1 par exemple est juste, correct mais n'est pas un vrai.
Personne n'a jamais vu 1.
La chute de la formule était, si rien n'est vrai tout est permis.
Là je n'ai pas trouvé quoi en penser. Enfin si pleins de choses. Mais je n'ai pas trouver une seule chose qui pourrait la nier ou la conforter.
La phrase commence par si, une condition.
La première partie de la phrase affirme, elle dit je sais que c'est vrai, puis la deuxième partie dit si.
C'est très étrange. Il semble qu'elle suggère de trouver la condition. Quelle avance une énigme plus qu'elle n'affirme avec le défi d'en trouver la réponse.
Le vrai est le contraire du faux.
Rien n'est vrai dit t'elle. Et que c'est vrai. Que rien n'est vrai.
Rien dit t'elle. Rien c'est tout.
Il y a une négation. Rien n'est vrai. Ce tout n'est pas vrai.
Il ne peut pas ne pas être. Ni non plus être deux choses en même temps.
Il reste vrai et faux sont synonymes. Identiques.
Il devient ensuite un tout. Tout est permis.
Le contraire d'un bloc donc, puisque tout est permis, possible.
Cette phrase est une énigme de fou. Surement son secret se trouve dans le choix des mots.
Rien. Tout. Savoir. Si. Vrai. Négation. Possible. Ils se contredisent et dans un même temps ne peuvent être niés.
Cette phrase est vraiment exceptionnelle.

9.Posté par Premier Janvier le 09/07/2021 18:16 | Alerter
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La secte c'était assassin's.
Les mecs protégeaient leur chef, personne ne pouvait l'approcher et ils allaient
jusqu'à se sacrifier pour lui. Ils ne se voyaient pas d'autre chef que lui, le mec est mort à la fin mais tant il été protégé il a duré un moment.

10.Posté par Premier Janvier le 10/07/2021 14:37 | Alerter
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Le mec est obligé de dire si rien n'est vrai.
S'il dit puisque rien n'est vrai, il dit de ce qui est vrai qu'il ne l'est pas donc il est obligé de dire si.
Il est vrai à condition que ce soit vrai, qu'il est vrai, le vrai.
Seul ce qui est vrai, à la condition qu'il le soit, peut tout permettre.
Rien n'est vrai si plusieurs vrais sont vrais. Une femme qui serait toutes les femmes par exemple une impossibilité. Une femme n'est pas vraie mais est un vrai. Toutes les femmes sont une femme.
Seul le vrai lui même peut être le vrai. Sa quantité, sa forme, sa couleur, sa nature etc. Qui il est.
Et donc rien n'est vrai. Il n'y a que le vrai lui même qui puisse être le vrai, partout, nulle part et les deux en même temps.
Si rien (tout) est vrai et donc faux tout est permis.
J'ai trouvé ça. Qu'en pensez-vous?

11.Posté par Premier Janvier le 10/07/2021 16:41 | Alerter
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Les choses ne peuvent que se toucher sans séparation.
Le vide et moi ne peuvent que se toucher. Ou une table ou n'importe quoi.
Lorsque je me déplace je suis toujours au même endroit, dans du vide.

12.Posté par Premier Janvier le 11/07/2021 18:56 | Alerter
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Je me souviens que dans la bible dieu souffle comme réponse à une question je ne sais plus laquelle, tu connais toutes les choses c'est toi qui sait.
Aujourd'hui je connais toutes les choses. Demain je connaitrais aussi toutes les choses.
Puisque les autres je ne sais pas, que je ne sais pas que ne les connais pas.
Savoir que l'on ne sait pas que l'on ne sait pas. Je me demande comment ça se pense.


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