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Riay Tatary, une figure historique de l'islam en Espagne, mort du coronavirus

Rédigé par | Mardi 7 Avril 2020 à 08:30

L’Espagne perd une grande figure de l’islam en la personne de Riay Tatary. Le charismatique président de la Commission islamique d’Espagne, l’institution représentative des communautés musulmanes, est décédé du Covid-19 lundi 6 avril. Des hommages officiels ont très vite afflué, tant de représentants des cultes chrétiens et juifs que du gouvernement, qui saluent unanimement sa mémoire. Retour sur le parcours de l’homme à qui les musulmans d’Espagne doivent la reconnaissance officielle du culte musulman par l’Etat.



Riay Tatary, président de la Commission islamique d'Espagne, est décédé du Covid-19 lundi 6 avril 2020.
Avec plus de 13 000 morts du Covid-19 au compteur, l’Espagne est le deuxième pays le plus endeuillé au monde après l’Italie, hors Chine, accusée d’avoir sous-estimé son bilan officiel. Dans les rangs des défunts se trouve Riay Tatary Bakry, une figure historique de l’islam en Espagne. Le président de la Commission islamique d’Espagne (CIE) est décédé à Madrid, lundi 6 avril, à l’âge de 72 ans. Il était hospitalisé depuis plusieurs jours avec son épouse qui, selon l’agence de presse espagnole EFE, se trouve dans un état grave.

La CIE, fondée en 1992, est reconnue par les autorités espagnoles comme l’interlocuteur officiel de l’Etat s’agissant des questions d’organisation du culte musulman. L’instance, qui se donne pour mission de favoriser l’intégration des communautés musulmanes dans la péninsule ibérique, était dirigée par Riay Tatary depuis sa création.

L’homme de la reconnaissance institutionnelle de l’islam en Espagne

Riay Tatary, né en 1948 à Damas, en Syrie, s’est installé en Espagne au début des années 1970 en tant qu'étudiant. Ce docteur en médecine, naturalisé espagnol, s’est très tôt impliqué dans l’organisation du culte musulman en participant dès 1971 à la création de l'Association musulmane d'Espagne (AME). Cette organisation est à l’origine de la construction de la Mosquée centrale de Madrid, aussi appelée mosquée Abu Bakr, dans le quartier de Tetuán. Inauguré en 1988, Riay Tatary en est devenu l’imam.

C’est en sa qualité de président de l'AME que Riay Tatary devint membre en 1980 de la Commission consultative relative à la liberté religieuse, créée sous l’égide du ministère de la Justice après la promulgation de la loi sur la liberté religieuse en juillet de la même année.

En juillet 1989, l'AME obtient du gouvernement que l’islam soit inscrit comme une religion minoritaire ayant un « enracinement notoire » en Espagne, ouvrant la voie vers une reconnaissance officielle du culte musulman dans le pays.

Un accord de coopération est signé en avril 1992 entre l’Etat et la toute nouvelle Commission islamique d’Espagne, qui regroupe la Fédération espagnole des entités religieuses islamiques (FEERI), fondée en 1989, et l’Union des communautés islamiques d’Espagne (UCIDE). Celle-ci, créée en 1991, est elle-même dirigée par Riay Tatary, distingué de l’Ordre du mérite civil en 1998 en vertu de ses services considérés comme remarquables rendus à l’Etat.

Des hommages unanimes des organisations représentatives des cultes chrétiens et juif...

Riay Tatary était aussi particulièrement impliqué dans le dialogue interreligieux. A l'annonce de sa mort, de nombreuses personnalités et organisations religieuses ont ainsi rendu hommage à l'homme qu'il fut. « Je déplore la mort de Riay Tatary. C'était un grand ami et un homme de foi qui cherchait ce qui unit les hommes, toujours prêt au dialogue interreligieux. Je transmets à ses proches toute mon affection et ma proximité, ainsi que ma prière », a fait savoir sur Twitter Carlos Osoro Sierra, archevêque de Madrid et vice-président de la Conférence épiscopale espagnole (CEE).

L'institution catholique a également adressé un message fort touchant en ce sens : « Nous demandons à Dieu le Très-Haut, le Clément et le Miséricordieux de l’accueillir au Paradis, de le récompenser et de lui donner la paix, tandis que nous implorons réconfort et espérance pour sa famille, ses amis et pour l’ensemble de la communauté musulmane. »

Riay Tatary aux côtés de représentants de cultes en février 2020. © FEDERE
« Le départ du président Tatary représente une grande perte non seulement pour la communauté islamique d'Espagne mais pour l'ensemble des confessions religieuses avec lesquelles il a forgé au fil des ans des liens de loyauté institutionnelle, de camaraderie et d'amitié sincère par son caractère tolérant, affable et conciliant », a signifié, pour sa part, la Fédération des entités religieuses évangéliques d'Espagne (FEREDE), qui a rendu un hommage très appuyé à Riay Tatary dans un communiqué, en le présentant comme un « acteur clé pour la lutte en faveur de la liberté religieuse en Espagne ».

Pour la Fédération des communautés juives d'Espagne (FCJE), Riay Tatary « était un homme de paix, de dialogue et de défenseur du facteur religieux dans la société. Respectueux, discret et collaboratif, il a activement participé aux négociations préalables à la loi organique sur la liberté religieuse promulguée en 1980. Fidèle porteur du message de paix de l'islam, Tatary faisait partie de la Commission consultative de la liberté religieuse à laquelle il a activement participé avec notre institution ».

...auxquels le gouvernement espagnol se joint

Le gouvernement, par le biais du Département ministériel chargé des relations institutionnelles, a fait savoir qu’il « déplore profondément la mort du président de la Commission islamique d'Espagne, Riay Tatary Bakry, et présente ses condoléances à la communauté musulmane de notre pays. Notre reconnaissance et notre hommage à sa figure et à son combat pour la coexistence en Espagne ».

Le ministère de la Justice a également salué la mémoire de Riay Tatary, « un exemple dans la lutte pour la coexistence et la tolérance » en Espagne.

La Commission islamique d’Espagne, désormais orphelin de son président, a assuré ses fidèles qu’elle « continuera de travailler avec le même enthousiasme et état esprit de son défunt président afin de coopérer et de collaborer avec toutes les institutions, comme cela se faisait jusque là, au profit de la société dans son ensemble ».


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur