Société

Rentrée 2019 : ces universités qui n’appliqueront pas la hausse des droits d’inscription aux étudiants étrangers

Rédigé par | Jeudi 31 Janvier 2019 à 09:00

Depuis que le gouvernement a annoncé, en novembre 2018, sa volonté d'instaurer une hausse sans précédent des frais d’inscriptions à l’université pour les étudiants extra-européens, de nombreuses universités à travers la France ont publiquement fait savoir leur refus d’appliquer cette mesure si elle venait à entrer en vigueur à la rentrée 2019. Tour d’horizons de ces facs qui dénoncent un dispositif « discriminatoire ».



Sous l’ère Macron, la vague de mécontentement traverse aussi le milieu universitaire. En cause, le souhait du gouvernement français d’appliquer, dès la rentrée 2019, une hausse spectaculaire des droits d’inscription à l’université pour les étudiants extra-communautaires (hors Union européenne). Cette mesure a été annoncée en novembre 2018 dans le cadre d’un programme baptisé - non sans ironie pour ses opposants - « Bienvenue en France ».

La Conférence des présidents des universités en première ligne

La mesure gouvernementale prévoit, pour un étudiant non-européen, que le coût d’une inscription en licence passe de 170 à 2 770 euros (+ 1 629 %), tandis que l’inscription en master et en doctorat passe respectivement de 243 et 380 euros à 3 770 euros (+ 1 551 % et + 992 %). Ce projet a divisé le monde universitaire en France, beaucoup s'étant montrés préoccupés quant aux conséquences de cette hausse brutale des frais.

Ainsi, l’assemblée plénière de la Conférence des présidents des universités (CPU) s'est prononcée à l’unanimité, le 20 décembre 2018, en faveur d’une suspension de cette mesure. Dans un autre communiqué publié cette fois le 10 janvier, la CPU a réitéré sa position contre cette décision et a appelé son ministère de tutelle, celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, à ouvrir une « concertation (…) en vue d’élaborer des propositions visant à renforcer l’attractivité internationale de la France, à accroître le nombre d’étudiants internationaux accueillis et à améliorer la qualité de leur accueil ».

La ministre Frédérique Vidal a tenté d'apaiser la colère naissante en affirmant que la hausse ne s'appliquerait pas aux étudiants déjà présents en France et aux doctorants bénéficiant de contrats doctoraux. Cela n'a évidemment guère suffit. Par ailleurs, la ministre a bien lancé en janvier une concertation sauf que celle-ci n'a pas pour but de revenir sur l'augmentation des droits d'inscription mais, déclare-t-elle en décembre aux Echos, sur « les conditions d'accueil, sur leur amélioration et sur la politique d'exonération des établissements ».

Des universités prêtes à exonérer des étudiants des frais supplémentaires

En parallèle de la fronde menée par CPU, de nombreuses universités à travers la France ont annoncé publiquement qu’elles ne comptaient pas appliquer l’augmentation de frais pour les étudiants étrangers en septembre 2019 si la mesure est définitivement adoptée. Saphirnews a répertorié au moins 29 universités à travers la France (voir la liste plus bas) qui ont adopté des motions dénonçant le projet de l’exécutif.

Dernièrement, l’Université de Strasbourg s’est engagée, par la voix de son président Michel Deneken, à appliquer les mêmes droits d'inscription pour les étudiants étrangers que les étudiants nationaux. Elle a communiqué, mardi 29 janvier, son souhait de « soumettre au vote du conseil d’administration » du 12 mars la suspension de cette mesure afin que la motion votée le 18 décembre dernier contre cette hausse soit actée officiellement. « L'Université de Strasbourg est parmi les plus attractives de France sur le plan international. C'est sa richesse que d'être ouverte aux étudiants et aux chercheurs étrangers. Elle a été parmi les premières universités à accueillir des étudiants et chercheurs réfugiés », a-t-on fait savoir.

Juste avant Strasbourg, c’est l’Université de Montpellier qui a adopté une motion lundi 28 janvier contre une mesure qui « ne peut être appliquée en l’état ». L’Université Lyon 2 a annoncé, le 15 janvier, qu’elle n’appliquera pas la hausse afin de « permettre au plus grand nombre de poursuivre leurs études en France » et de contourner cette mesure qui « remet en cause le principe de l'université française ouverte à tou-te-s ».

« Une rupture de l’égalité de traitement de tous les étudiants »

Même son de cloche du côté de l’Université de Tours et l’Université de Franche-Comté. Cette dernière, dans une motion adoptée par le conseil d'administration le 11 décembre, a fait savoir que « cette mesure discriminatoire est un obstacle majeur à la démocratisation et à l’internationalisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Cette augmentation est une mesure de sélection par l’argent contraire aux valeurs humanistes portées par l’Université ».

Pour l’Université du Havre, le projet représente « une rupture de l’égalité de traitement de tous les étudiants (…), une mesure grave et sans précédent dans l’histoire de la Ve République française ». Quant à l’Université de Grenoble-Alpes, le projet est « potentiellement nuisible au rayonnement de la francophonie » et risque « de ne pas produire les effets bénéfiques pressentis, tant sur le budget des universités que sur leur attractivité à l’international ».

En région parisienne, ce sont au moins six universités qui ont affiché leur hostilité au projet (voir liste plus bas). L’Université de Lille a adopté le 22 novembre 2018 une motion désapprouvant la mesure, exprimant « son attachement à une université accessible à tou-te-s, sans condition de nationalité ». « Faute de dispositifs de compensation précis et suffisants, cette hausse viendra accroître les difficultés de nombre d'étudiant-e-s et hypothéquer leur réussite à l'université », a-t-elle notamment argué.

« L’accès au savoir doit être libre et sans frontières »

Un collectif d’universitaires et membres d’associations savantes et professionnelles opérant, entre autres, dans le champ des mathématiques, de l'astronomie, de l'anthropologie, de la sociologie, de la psychologie ou encore de la neurologie, a également dénoncé une mesure « discriminatoire et injuste » pour manifester sa franche opposition à l'application de cette mesure dans une tribune en date du 11 décembre 2018.

« La réforme est loin d'être anecdotique : 260 000 étudiants et étudiantes hors Union Européenne viennent chaque année rejoindre les bancs des amphithéâtres français. Avec cette annonce, c’est ainsi une nouvelle page de l’histoire de l’enseignement supérieur qui est en train de s’écrire, dans laquelle les principes fondamentaux d’égalité d’accès au savoir sont remis en question », signifie-t-on. « Des effets sur la venue pour études en France de ces étudiants et étudiantes sont à prévoir, qui toucheront d’abord les plus démunis, issus de pays en développement qui ne peuvent pas les soutenir suffisamment. L’accès au savoir doit être libre et sans frontières, et ne doit pas être réservé à celles et ceux qui peuvent payer plusieurs milliers d’euros de frais annuels pour apprendre et faire de la recherche. »

Voici les facultés s’opposant à la hausse des frais d'inscription pour les étudiants étrangers au travers d’une motion votée par leur conseil d’administration, ici répertoriés par Saphirnews en date du 30 janvier : les Universités d'Angers, d’Aix-Marseille, de Brest, de Bourgogne (Dijon), de Franche-Comté (Besançon), de Caen, de Clermont-Auvergne, du Havre, de Lille, de Lyon 2, du Mans, de Montpellier 3, de Nantes, d’Orléans, de Pau, de Paris-Est Créteil, de Paris 5 Descartes, de Paris Nanterre, de Paris 8-Saint-Denis, de Paris Sorbonne, de Paris 13 Villetaneuse, de Nancy-Vandoeuvre, de Poitiers, de Rennes 1 et Rennes 2, de Rouen, de Strasbourg, de Toulouse 2 et de Tours.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur