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Points de vue

Quelle école de la République ?

Question aux candidat(e)s au poste de président de la République française

Rédigé par Iyad Abbara | Samedi 21 Avril 2007 à 13:12

           


Madame la candidate, Monsieur le candidat au poste de président de la République française,

En France il y a l’école publique, l’école de la République, et des écoles privées ayant différentes raisons d’être : religieuse, culturelle, linguistique etc. Parmi celles à spécificité religieuse que j’appellerai écoles confessionnelles pour faciliter leur désignation, on trouve des écoles catholiques, protestantes, juives, une seule école musulmane sous contrat à l’île de la Réunion et d’autres projets en cours.

L’on pourrait avancer le sérieux de l’école, sa rigueur et ses bons résultats comme motifs d’inscrire son enfant dans une école confessionnelle. Mais la raison principale, me semble-t-il, reste de permettre à des enfants issus des familles partageant la même confession, des traditions, des convictions et des valeurs communes, de se retrouver entre eux dans un cadre scolaire et éducatif respectueux de leur religion et œuvrant vers la préservation des traditions et la transmission des convictions et des valeurs, en renforçant le sentiment d’appartenance à une communauté solidaire. Ce rôle là de l’école confessionnelle facilite le travail éducatif des parents et leur donne l’impression que leurs enfants sont entre de bonnes mains.

Ceci est tout à fait naturel et humain et pourrait avoir un rôle positif en créant un sentiment de sécurité et un esprit de solidarité et de partage. En revanche, il y a un risque de repli sur soi et de manque d’ouverture et par conséquent d’absence de dialogue et de compréhension entre les jeunes de différentes communautés à spécificité religieuse, alors que ces jeunes sont destinés à être des acteurs de la même communauté nationale de demain.

L’école publique a le devoir d’assurer un égal accès à l’enseignement à tous les jeunes quelque soit leur origine ou leur confession. L’école de la République forme les citoyens de demain et assure l’unité nationale. Elle s’occupe de l’éducation civique des jeunes et de leur apporter une morale « laïque ».

Je suis citoyen français père de trois enfants. Je suis aussi un musulman convaincu. Et c’est ma conviction religieuse qui m’encourage à envoyer mes enfants à l’école publique, car je crois que les êtres humains, dès la jeunesse, sont faits pour se rencontrer, se connaître et se reconnaître et pour apprendre à vivre ensemble et à travailler ensemble dans la paix et le respect mutuel.

Cependant, il y a un bémol. L’école publique d’aujourd’hui ne se préoccupe pas du fait religieux. Elle semble même ne tolérer aucune expression d’aucune spécificité religieuse et d’aucun besoin spirituel, aussi légitimes soient-ils, en son sein. Dès qu’on franchit la porte de l’école, le jeune ne peut garder comme spécifique que son nom et la couleur de sa peau. Tout le reste, en dehors de la culture dominante, doit rester enfoui jusqu’à la sortie de l’école.

A titre d’exemple, et je parle là d’une pratique de la religion musulmane, la prière est un pilier principal de l’Islam, et un(e) fidèle se doit de la faire cinq fois par jour pendant des intervalles de temps déterminées en fonction du soleil. Aujourd’hui, il est très difficile, voire presque impossible, pour un(e) jeune musulman(e) de trouver un coin tranquille pour faire sa prière en quelques minutes à son école. Pourtant je peux assurer que ce n’est pas l’esprit de la laïcité, qui assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice de culte même dans les lieux publics !

La loi de 1905 sur la séparation entre les églises et l’état dit dans ses deux premiers articles :

Article 1 :
La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.
Article 2 :
La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes.
Pourront toutefois être inscrites aux dits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.


Cette loi prévoit clairement l’existence d’aumôneries dans les lieux publics tels que lycées et collèges entre autres. Des lieux simples aménagés au sein de ses établissements pour que tout jeune, tout citoyen et toute citoyenne, qui le souhaitent, puissent se recueillir et prier sans être inquiétés. Or, force est de constater que ces aumôneries sont quasi inexistantes !

Et que dire du climat de suspicion et de stigmatisation qu’ont connu les jeunes filles musulmanes portant le foulard et leurs familles depuis qu’on avait commencé à agiter l’épouvantail du danger intégriste avec la première affaire dite du foulard islamique dans un collège à Creil en 1989 jusqu’à l’adoption de la loi contre les signes religieux ostensibles à l’école publique en mars 2004.

On avait le droit à toute une panoplie d’accusations et de procès d’intention contre ces jeunes filles et leurs environnements familial et communautaire : le foulard signe de soumission imposée et de discrimination envers les femmes, le foulard porte-drapeau d’allégeance à des mouvements islamistes et intégristes etc. Alors que ce que disaient beaucoup de jeunes filles que c’était tout simplement un choix et un acte de foi, cette parole a été renvoyée d’un revers de main comme on envoie d’un simple clic de souris un fichier à la poubelle.

Pourquoi a-t-on mis tout le monde dans le même sac ? A-t-on réfléchi à l’humiliation quotidienne que vivaient et que vivent toujours beaucoup de jeunes filles quand elles se sentent obligées d’enlever leurs foulards à la porte de l’école. Quelle citoyenne de demain est-on en train de construire ? Pense-t-on vraiment qu’un extrémiste « intégriste » enverrait sa fille à l’école de la République étudier la révolution française, le siècle des lumières, les droits de l’Homme, lire Zola, Voltaire, Hugo ?!!

L’ironie dans cette affaire est que les jeunes de l’école savent très bien que leur camarade porte un foulard et qu’elle est obligée de l’enlever à la porte de l’école. Leur camarade ne change pas. Elle reste elle-même et ils s’en fichent qu’elle soit avec ou sans foulard. C’est son problème. Mais il semble que cela gène avant tout les enseignants, qui, eux, ont le devoir de neutralité !

J’ai deux filles de 13 et 16 ans. Aucune ne porte le foulard et il est hors de question pour leur maman et pour moi-même de leur imposer son port. C’est à elles de réfléchir et de décider de le faire avec conviction et sans aucune contrainte. C’est un signe d’amour envers Dieu qui ne peut être imposé, tout comme la prière, le jeûne du mois de Ramadan ou de toute autre pratique musulmane. En revanche elles font déjà la prière et je voudrais qu’elles puissent effectuer leurs prières à leurs écoles en toute sérénité. Je pense que c’est leur droit élémentaire comme pour tout(e) autre citoyen(ne) quelque soit sa confession.

Oui, j’ai une préférence pour l’école de la République mais à condition tout de même que cette école reconnaisse l’existence légitime des besoins et des spécificités religieuses chez les jeunes, et qu’au lieu de les négliger ou de tenter de les gommer, elle accepte de leur accorder un minimum de respect et de visibilité en son sein, sans crier au loup et sans intenter un procès d’intention à ces jeunes et à leurs parents. Cela semble se faire dans d’autres démocraties occidentales et européennes sans poser de problèmes.

Ma question est simple, Madame la candidate, Monsieur le candidat. Elle est de savoir, au cas où vous seriez élu comme président de la République française, si vous êtes pour que l’école de la République se montre plus tolérante, plus ouverte et plus respectueuse de ces besoins religieux, comme la laïcité dans son esprit le laisse entendre, ou si vous considérez que ces besoins doivent s’effacer aux portes de l’école publique, et donc, par conséquent, vous êtes pour que chaque communauté, n’ayant pas d’autre alternative et de plein droit, développe de plus en plus ses propres écoles et sa propre infrastructure avec tous les risques que cela pourrait induire !

En vous remerciant par avance pour une réponse sincère et sans langue de bois.

Avec mes salutations respectueuses.




Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Une femme ... simplement, musulmane soit!!! le 22/04/2007 10:10 | Alerter
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Cher monsieur,
"Les autres communautés" juives/catholiques/protestantes ne se sont pas posées la question quant à la supposée "communaurarisation scolaire" de leurs enfants, en les mettant dans des écoles privées, fut-elles libres ou confessionnelles! leur préoccupation majeure est de donner le meilleur enseignement à leurs enfants pour leur assurer un avenir valorisant de futurs citoyens français! Et je peux vous dire que ça a porté ses fruits :taux de réussite au bac le plus élevé! Il en existe des milliers, catholiques, des centaines, juives....créees, ouvertes sans tambour ni bruit et leurs enfants n'en souffrent aucunement, avec la technologie actuelle, tout est possible, aucune crainte d'isolement, i lsuffit de mettre les moyens financiers necessaire, c'est tout !!!
Alors pourquoi ce serait différent pour les petits musulmans... Agissons pareillement et voyons les résulats dans quelques années, d'autant que vous ne semblez pas voir le danger qui menacent ceux "issus de.. d'origine: tous jetés en fin de classe de 5èmevers le contrat apprentissage: une main d'oeuvre assurée de la nouvelle "immigration choisie"!

Quand à "celle que l'on désigne comme portant le foulard" c'est nous-même qui tombons dans le piège de la stigmatisation ! que signifie "portant le foulard"? Il y a mille et une façon de le porter, mais inconsciemment l'on prête notre flanc à battre , en obligeant, voir en contraignant l'autre, par la visuation imaginaire de voir en elle une "femme voilée"! ce n'e...  

2.Posté par Adam Chaabane le 23/04/2007 17:56 | Alerter
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En ce qui concerne les aumôneries, elles ne peuvent être créées que si des parents en font la demande (voir : http://www.protestants.org/textes/aumonerie_lycees/creer.htm ). Est-ce que vous avez fait la démarche auprès du chef d'établissement ?

3.Posté par Happywiseman le 24/04/2007 00:13 | Alerter
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Cher frère Adam,

Merci pour cette information. Cela montre que dans la loi il y a un espace de liberté, que nous n'arrivons pas à bien l'utiliser pour le moment. C'est vrai que le climat créé par la loi contre le foulard n'encourage pas à faire une démarche individuelle ou à trouver quelqus familles pour le faire par peur d'être étiqueté. La balle est dans notre camp et à nous de bien la jouer quelque soit la résistance exercée contre nous.

4.Posté par farid le 24/04/2007 18:21 | Alerter
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Bonjour, salam,

Je pense que votre choix de l'école publique est fondé et vos arguments convainquants.
Je voudrait revenir sur quelques propos :
"Cependant, il y a un bémol. L'école publique d'aujourd'hui ne se préoccupe pas du fait religieux. Elle semble même ne tolérer aucune expression d'aucune spécificité religieuse et d'aucun besoin spirituel, aussi légitimes soient-ils, en son sein. Dès qu'on franchit la porte de l'école, le jeune ne peut garder comme spécifique que son nom et la couleur de sa peau. Tout le reste, en dehors de la culture dominante, doit rester enfoui jusqu'à la sortie de l'école."

"La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte"
Il est important de revenir sur ce terme de reconnaissance. D'après les préscripteurs de cette loi "ne reconnait" signifie que la république ne fais pas de différence entre les diverses religions. Ce terme ne renvoie pas à la négation de la religion. c'est dans ce sens qu'il faut interpréter ...

Dans les écoles, la laïcité s'applique au professeur fonctionnaire au programme et à l'établissement mais ne s'applique pas à la culture de l'élève. Savoir pour un professeur la religion ou une particularité culturelle d'un élève ne pose aucun probleme dans la transmission des savoirs ... Au contraire permetre à l'élève de s'exprimer à partir de sa propre référence culturelle s'est permetre son épanouissement.
Dans différentes matières comme la philosophie les élèves sont amenés à parler de religion ...
La différence es...  

5.Posté par farid le 24/04/2007 18:34 | Alerter
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Si aucune autre limitation n’a été inscrite dans la loi par les fondateurs de l’école laïque, si les lois de 1880-1886 demeurent silencieuses sur la « neutralité » de l’élève, si par conséquent elles autorisent chez ce dernier l’expression des convictions religieuses et politiques, c’est précisément parce que la construction d’une conscience libre nécessite que l’élève fasse usage de son libre-arbitre, et qu’il formule ses opinions afin de les confronter à la contradiction et d’évoluer. L’émancipation est une pratique, et c’est dans le langage que nous pensons : on ne saurait donc concevoir d’émancipation réelle sans liberté de parole. Cette liberté de parole doit être maximale, elle doit inclure y compris le droit d’exprimer des absurdités ou des préjugés : car pour que des préjugés soient dépassés, il faut qu’ils aient été contredits, et pour être contredits il faut qu’ils aient au préalable été dits. propos de Tevenian

6.Posté par farid le 24/04/2007 18:39 | Alerter
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Je suis professeur en lycée, et que le foulard soit interdit ou pas, rien n’empêchera que je sache ce que sont mes élèves. Ils ont mille manières de l’exprimer - et je ne crois pas que cette expression « identitaire » soit en elle même un mal. J’ai même tendance à penser qu’il est bon qu’un professeur connaisse ses élèves, qu’il sache qui ils sont - en d’autres termes qu’il connaisse leurs identités, qu’il s’agisse d’identité religieuse ou d’autres traits identitaires. Ce n’est pas l’expression identitaire qui est dangereuse, mais seulement l’imposition aux autres d’une norme identitaire.

Mais surtout : le fait de connaître une « différence », de savoir par exemple que les uns croient et les autres pas, que les uns sont musulmans et les autres autre chose, ne m’a jamais empêché de les traiter en égaux. Si le fait de connaître une différence entre deux personnes vous empêche de les traiter de manière égale, le problème n’est pas ce que l’élève porte sur sa tête, c’est ce qu’il y a dans la vôtre. Et cela s’appelle le racisme. Propos de Pierre Tevanian

7.Posté par Happywiseman le 26/04/2007 11:26 | Alerter
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Cher Farid,
Je souscris avec vote point de vue mais j'ai une remarque quand tu dis "L'islam est une religion souple les salariés sur leur lieu de travail ou les élèves pratiquants, pour le moment peuvent regrouper leur prière avant d'aller à l'école ou au travail ... ".

C'est vrai qu'il y a une tolérance pour regrouper certaines prières ensemble en cas de besoin selon des règles d'horaires bien définies. Mais vous savez bien qu'en hiver la journée est courte et il peut y avoir impossibilité de regrouper les prières correctement.

D'autre part, pourquoi regrouper alors que la loi de notre pays nous garantit le libre exrecice du culte en lieux pulics et prévoit l'existence d'aumôneries. Il nous faut collectivement réclamer le respect de ce droit et convaincre que ceci va dans le sens du rapprochement entre les citoyens pour une vie commune basée sur la tolérance, la confiance et des actions citoyennes participatives.

8.Posté par Meymona le 26/04/2007 14:23 | Alerter
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Salam,
salam,

La loi du 15 mars 2004 sur les signes ostensibles à l'école (pour ne pas dire une loi spéciale "musulmans")est une loi ani-constitutionnelle, en contradiction avec l'article 1 de la Constitution française qui garantit et protège la liberté de culte et de conscience, renforcée par la loi DEBRE n° 59-1557 du 31 décembre 1959 , paru dans le journal officiel en 1960 qui stipule : b[L’article 1 de la loi rappelle que la création d’un enseignement public est un devoir de l’Etat : “Suivant les principes définis dans la Constitution , l’Etat assure aux enfants et adolescents i[dans les établissements publics d’enseignement la possibilité de recevoir un enseignement conforme à leurs aptitudes dans un égal respect de toutes les croyances […]. Il prend toutes les dispositions utiles pour assurer aux élèves de l’enseignement public la liberté des cultes et de l’instruction religieuse]i.”]b
A bon entendeur , méditation !!!!


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