Société

Québec: les femmes pourront voter voilées

Rédigé par Laila Elmaaddi | Mardi 11 Septembre 2007 à 10:05

Le directeur général d'Élections Canada, Marc Mayrand, maintient que les femmes intégralement voilées pourront voter aux élections partielles qui auront lieu le 17 septembre dans trois circonscriptions du Québec, en dépit d'appels de la classe politique et du Premier ministre appelant à faire marche arrière.



Je n’ai pas modifié la loi

Les autorités électorales canadiennes ont maintenu lundi leur décision permettant à des femmes voilées de voter le visage couvert.

Le directeur général des élections, Marc Mayrand, a défendu sa position faisant valoir que rien dans la loi électorale n'imposait aux femmes musulmanes portant un voile intégral de se dévoiler.

M. Mayrand a dit agir en conformité avec une loi de juin 2007 qui oblige les électeurs à présenter des pièces d'identité officielles en participant à des élections fédérales.

Cette nouvelle loi permet aux femmes qui se présenteraient au bureau de scrutin vêtues d'un niqab ou d'une burqa de voter, dit Marc Mayrand.

Il a indiqué avoir demandé au personnel électoral d'inviter toute personne dont on ne peut pas voir le visage à se dévoiler, tout en respectant ses croyances religieuses. Mais, a-t-il ajouté: "Je n'ai pas modifié la loi pour exiger qu'elle se dévoile".


Tollé au sein de la classe politique

Une décision qui a soulevé un tollé au sein de la classe politique. Le Premier ministre conservateur, Stephen Harper, est lui même intervenu, d'Australie où il assistait au sommet de l'Apec, exprimant "son profond désaccord", et accusant Elections Canada de ne pas respecter la nouvelle loi, qui vise à renforcer les exigences en matière d'identification des électeurs.

Le directeur des élections a lui rétorqué lundi qu'il respectait la loi, celle-ci prévoyant différentes façons de voter "dont plusieurs ne requièrent pas d'identification visuelle de l'électeur". Il a étayé sa démonstration en notant que quelque 80.000 personnes avaient voté par correspondance aux dernières élections, sans identification visuelle.

Le Bloc Québécois (indépendantiste) a pour sa part annoncé lundi qu'il allait déposer un projet de loi visant à garantir "que toutes les électrices et tous les électeurs voteront à visage découvert lors des prochains scrutins fédéraux".

Quant au Parti libéral du Canada, il a décidé de s'incliner devant la décision d'Élections Canada. Le chef Stéphane Dion a dit être toujours en désaccord avec la décision, mais qu'il allait la respecter.

Les raisons

Interrogé sur les raisons qui ont entraîné le débat actuel, le directeur général d'Élections Canada a dit comprendre la réaction des politiciens. « Je pense qu'ils sont sensibles à l'opinion publique, qui s'exprime très fortement au Québec. Dans ce sens-là, ça ne m'apparaît pas surprenant. À titre d'élus de la population, ils doivent être à l'écoute. »

Il invite les parlementaires qui contestent ces dispositions de la loi à la modifier. Il dit avoir demandé au personnel électoral d'inviter toute personne qui se présentera à un bureau de vote en vue des partielles du 17 septembre à se dévoiler, mais cette dernière pourra refuser.

M. Mayrand a en outre indiqué qu'il avait prévenu les partis politiques de ses intentions.

Il a aussi affirmé n'avoir reçu "aucune demande de traitement spécial" de la part d'électeurs ou d'organisations musulmanes. "Selon mes informations, il n'y aurait que quelques centaines de femmes voilées au Canada et la plupart accepteraient de se dévoiler dans un contexte approprié", a-t-il dit.

Elles n'ont jamais demandé d'accommodement

Sarah Elgazzar, porte-parole du groupe Canadian Council on American-Islamic Relations
Le site centpapiers.com rapporte que la porte-parole du groupe Canadian Council on American-Islamic Relations, Sarah Elgazzar, s’explique mal la controverse puisque ces femmes se dévoilent déjà le visage quand elles vont à la banque et les photos de leurs cartes d’identité montrent toujours un visage découvert : « Elles n’ont pas de problème à se dévoiler pour s’identifier, ça n’a jamais été un problème, a-t-elle estimé. Peut-être que le directeur général d’Élections Canada avait de bonnes intentions, mais le moment ou c’est sorti, la manière que c’est sorti, ce n’était pas une bonne idée. Ces femmes n’ont jamais demandé d’accommodement. Ca a été très mal géré ».

Le président du Congrès islamique canadien, le Docteur Mohamed Elmasry, croit pour sa part que le système électoral canadien devrait exiger que les femmes voilées montrent leur visage, mais devant une autre femme et à l’abri du regard des hommes : « Le Congrès est contre toute forme de discrimination, mais en même temps, les gens doivent être identifiés lors des élections », a-t-il dit, ajoutant qu’il s’agit là de la méthode utilisée dans plusieurs pays musulmans.

La première mise à l'épreuve de la loi interviendra lundi prochain, à l'occasion de trois élections partielles dans la province francophone du Québec.