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Quand les musulmans lisaient la Bible, de Jean-Louis Déclais

Reçu à Saphirnews

Rédigé par | Vendredi 22 Décembre 2017 à 13:00



« L'auteur n'est pas un érudit seulement pour lui-même, c'est un enseignant dans l'âme qui n'aime rien de moins tant que partager son savoir, toujours prêt à se mettre au niveau de connaissance de son interlocuteur », décrit l’évêque d'Oran Jean-Paul Vesco de Jean-Louis Déclais, lui-même au service du diocèse d’Oran, en Algérie, dans la préface de Quand les musulmans lisaient la Bible.

Celui-ci, qui étudie notamment ce qu’est devenue la tradition biblique dans la littérature islamique des histoires des prophètes, invite chacun à une relecture des écrits bibliques à l'aune des textes et exégèses coraniques et vice-versa. Un travail titanesque auquel il s'est attelé de longue date et qu’il compile dans cet ouvrage. Un recueil d'articles captivant à se procurer et qui rappelle que, « en matière de religion, il est des détours qui rapprochent et des raccourcis qui éloignent » des uns et des autres.

Présentation de l’ouvrage par l’éditeur

Dans le judaïsme, le christianisme et l’islam, les narrateurs héritent des mêmes récits. Ils demandent aux mêmes pages de la Bible de leur fournir des images et des mots pour exprimer leurs identités respectives. Le texte des uns peut vous entraîner dans la maison des autres pour une visite qui permet au moins de faire connaissance.

Un ouvrage qui incite à ne pas oublier qu’en matière de religion, il est des détours qui rapprochent et des raccourcis qui éloignent, car se laisser guider par un texte, c’est parfois suivre des itinéraires qui ne figurent pas au programme des voyages organisés, franchir des frontières et passer d’un territoire à un autre.

L’auteur

Jean-Louis Déclais a enseigné l’exégèse biblique dans les séminaires de Normandie et participé à la Traduction oecuménique de la Bible. Sa rencontre avec Alfred-Louis de Prémare lui donne le goût des écritures musulmanes avec la même exigence intellectuelle qu’il était entré dans les écritures bibliques. Après des études d’islamologie, il entre au service du diocèse d’Oran (Algérie) en 1978.

Extrait de l’ouvrage

Les articles ici rassemblés et déjà publiés dans diverses revues n’ont pas été écrits en fonction d’un projet préétabli. Ils sont le fruit de lectures faites un peu au hasard et des étonnements qu’elles ont suscités.

Comme tout le monde en effet, je savais que le Coran est, à sa manière, un rappel de la tradition biblique, de sorte que ma mémoire biblique recouvrait inconsciemment telle ou telle page et la complétait le cas échéant. Mais un jour je m’aperçus que le scénario de la page inaugurale de la Bible avait été modifié. Dans leur paradis, Adam et Ève vivaient confortablement et décemment habillés et c’est pour les mettre nus que le Satan prit l’initiative que l’on sait. Étonné, je regardai l’histoire des textes et de leur interprétation et je me retrouvai au milieu de Juifs et de chrétiens qui débattaient d’une question grave : Les hommes ont-ils besoin d’un « nouvel Adam » (c’est-à-dire le Christ) pour être sauvés ? Ou leur suffit-il d’être d’honnêtes « fils d’Adam » ? Bref, les textes cédaient la place à des communautés qui s’affrontaient sur des questions vitales.

Ce fut le point de départ. Il suffisait ensuite de s’arrêter chaque fois qu’au hasard de la lecture, je découvrais qu’une phrase appartenant à ce que j’estimais être mon patrimoine avait émigré et trouvé un emploi dans le territoire d’en-face. Ainsi la parole de Jésus en croix : « Père, pardonne-leur… »

Méditer sur la parabole des Ouvriers de la dernière heure en restant entre chrétiens (que ce soit avec la première église de Matthieu ou avec toutes celles des premiers siècles), c’est bien, et sans doute édifiant. Mais sortir de l’église et aller écouter ce qu’on en disait dans la synagogue et dans la mosquée du quartier, c’est l’occasion d’apprendre bien des choses sur les stratégies intercommunautaires. On n’est jamais seul quand on parle. Il peut toujours y avoir quelqu’un qui entend et qui répondra.

D’aucuns pourraient penser que ces promenades d’un texte à l’autre sont un luxe (ce que je reconnais sans remords) pour amateur d’antiquités. Pourtant, il se trouve qu’en percevant l’écho de l’oracle de Jacob à son fils Juda (Gn 49, 10 : (… ) jusqu’à ce que vienne shilôh) dans de vieux textes de l’islam, on entre de plain-pied dans la question explosive du statut de Jérusalem aujourd’hui. Quant au sang de Zakarie dont parlait Jésus (Lc 11, 50- 51), il n’a pas été le dernier versé ; celui de ‘Uthmân a pris le relais et, dit le poète irakien Ahmed Matar, il ne cesse de couler.

En général, je ne me contente pas de livrer au public les commentaires que peuvent m’inspirer les textes que j’ai lus. Autant que possible, je donne à lire ces textes eux-mêmes. Certes, ils sont les traces fragiles et partielles d’un monde disparu ; mais ces traces sont précieuses car, par-delà les siècles, elles donnent la parole à quelques-uns de ceux qui ont vécu « en ce temps-là » et sont ainsi un bon contrepoids à tant de généralités qui ont cours « en ce temps-ci ».

Jean-Louis Déclais, Quand les musulmans lisaient la Bible , Editions du Cerf, juin 2017, 336 p., 24 €.


Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur