Finance éthique

Premier forum sur la finance islamique à Alger

Entretien avec Zoubeir Ben Terdeyet, fondateur d'Isla-Invest et organisateur du forum

Rédigé par Propos recueillis par Anissa Ammoura | Mardi 4 Novembre 2008 à 17:14

Encore peu développée en Algérie, la finance islamique tient pourtant son premier forum à Alger le mardi 4 novembre. Organisé par la société française Isla-Invest, il réunira notamment banquiers, financiers et juristes pour débattre des perspectives de la finance islamique sur les sols africain et européen. Son organisateur Zoubeir Ben Terdeyet présente à Saphirnews la situation algérienne dans ce domaine.



Saphirnews.: Il n’existe actuellement que deux banques islamiques en Algérie, pourquoi ?

Zoubeir Ben Terdeyet : La banque Al Baraka d’Algérie a été la première banque privée dans le pays en 1991 mais les événements qui ont touché l’Algérie, ont freiné durant plusieurs années le développement du secteur bancaire Algérien dans son ensemble.
Ce n’est que très récemment que de nouvelles banques ont commencé à s’implanter dans le pays car il suscite de grands intérêts pour les banques étrangères, du coup les demandes sont aujourd’hui trop nombreuses et il existe un syndrome « Khalifa » qui pousse la banque d’Algérie à être très prudente dans ces attributions d’agréments. D’autres banques islamiques ont fait des demandes d'agrément (Abou Dhabi Islamic Bank et Koweït Finance House, ndlr) , il faut attendre tout simplement les réponses mais nous pensons que ce marché se développera rapidement. La question est de savoir si des acteurs locaux lanceront un jour une banque islamique avec des capitaux à 100 % algériens.

Quels sont les freins internes au développement de la finance islamique ?

Z.B.T. : Les freins sont d’ordres psychologiques car il n’est pas évident d’accepter un nouveau système quand vous pensez que l’existant est unique et parfait. Aujourd’hui, la crise financière a remis en cause la suprématie du système conventionnelle.
Il faut ensuite que l’environnement réglementaire et fiscal soient adaptés. Il faut envoyer des signaux positifs aux investisseurs étrangers en essayant de mettre en place un système bancaire aux normes internationales. Car la finance islamique c’est avant tout de la finance classique mais avec le respect des critères de la charia et l’Algérie accuse un certain retard sur ses voisins Maghrébins. La bourse est quasi inexistante, le private equity* et l’asset management** sont peu pratiqués, enfin la non convertibilité de la monnaie est un frein.

Comment se développe la finance islamique dans le Maghreb ?

Z.B.T: Doucement mais sûrement. Au Maroc, on a pour l'instant proposé des produits alternatifs mais rien de plus. En Tunisie, Best Bank existe depuis 1983, Best Ré depuis plusieurs années, Noor vient d’y installer un bureau de représentation et une demande d’agrément vient d’être faite pour une banque universelle.
Des fonds d’investissement tel que GFH (Gulf Finance House, banque d'investissement islamique basée à Bahrein, ndlr) ont également de très grands projets au Maghreb tel que le projet de centre d’affaires pour 3 milliards de dollars à Tunis.

Si l’Algérie est en retard, pourquoi et comment faire d’Alger, le « hub de la finance islamique » ?

Z.B.T. : Le Maroc est le pays le plus en retard et non l’Algérie. La Tunisie est certes en avance mais son secteur bancaire conventionnel est très développé, la finance islamique ne sera pas stratégique au développement du secteur bancaire national.
Alors que l’Algérie avec ses deux banques et éventuellement deux autres, à une longueur d’avance en terme de banques 100% islamiques et pourrait créer de toute pièce un marché inter bancaire islamique.
Le pays doit construire un système financier de toute pièce, il serait beaucoup plus facile de construire deux systèmes en parallèle.
Si elle le décide, l’Algérie à les moyens financiers de construire un " hub " (centre, ndlr) financier à l’image de Bahrein car il s’agit de créer de tout pièce une zone financière, ce qui nécessite de lourds investissements financiers or seul elle au Maghreb aurait les moyens financiers de ses ambitions.


A qui profitent actuellement les deux banques islamiques présentes sur le territoire algérien, El Barak Bank et Al Salam Bank Algeria, et à qui vont-elles profiter ?

Z.B.T. : La banque Al salam n’a pas encore commencé son activité mais le modèle choisi est celui d’une banque universelle qui est tournée vers les particuliers et les entreprises. Al Baraka s’adresse également aux deux types de clientèles. Petite info qui a son importance, Al Baraka va se lancer avec FIDES dans le micro financement afin de stimuler l’entreprenariat.




* Private equity :participations dans le capital de petites et moyennes entreprises généralement non cotées.
** Asset management : gestion d'actifs.

Plus d'infos sur : http://www.forumalgerienfinanceislamique.com/