Culture & Médias

Patrimoine : quels sont les sites en péril dans les pays musulmans ?

Rédigé par | Mardi 6 Décembre 2016 à 15:05

Abu Dhabi a accueilli les 2 et 3 décembre une conférence internationale, chapeautée par la France et l’Unesco, sur la protection du patrimoine culturel en péril, une question des plus sensibles à l’heure où les conflits armés se multiplient, particulièrement au Moyen-Orient. Saphirnews vous propose un panorama de différents sites déclarés patrimoine en péril par l’Unesco dans des zones de conflits actuels, du Mali à la Syrie, en passant par l'Irak et le Yémen.



Ancienne ville de Shibam (Yémen) et son mur d'enceinte. © Unesco/Editions Gelbart
Organisée par l’émirat d’Abu Dhabi, la conférence internationale autour du patrimoine culturel en péril a réuni des délégations issues du Mali, du Sénégal, de la Libye, de la Grèce, du Koweït, du sultanat d'Oman et de la France. La Syrie, qui n’a plus de relation diplomatique avec Paris, n’a pas été invitée au rassemblement.

L’objectif de la rencontre était de trouver les financements et les moyens de logistique de protection de sites et œuvres d’arts. A l’issue du sommet, la Déclaration d’Abu Dhabi a établi la création d’un nouveau Fonds international pour la protection du patrimoine. La France, par l’intermédiaire de son président François Hollande, a décidé de déposer une contribution initiale de 30 millions de dollars sur les 100 millions à collecter.

Des fondations privées ont annoncé qu’elles sont prêtes à contribuer au fonds ainsi que plusieurs monarchies du Golfe et la Chine. La conférence a également abouti à la création d’un réseau international de « refuges » qui abriteront de façon temporaire les œuvres menacées par les conflits armés ou le terrorisme. Le président du Louvre Jean-Luc Martinez, à l’origine de cette idée, a proposé de mettre à disposition son antenne du Pas-de-Calais.

En islam, les destuctions assimilées à « un crime majeur contre le monde entier »

Pour Al-Azhar, « les monuments historiques sont un héritage humain qu’il faut préserver et protéger ». A l'occasion de la conférence, le grand imam de l'institution islamique Ahmed al Tayyeb a dénoncé « les actes commis par certaines organisations terroristes visant à démolir le patrimoine civilisationnel et à effacer l’Histoire des peuples », des destructions qui sont « naturellement en contradiction avec l’enseignement de l’islam qui considère ces actes comme un crime majeur contre le monde entier ».

Pour Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco, « cette initiative et la création de ce Fonds pour la protection du patrimoine culturel représentent un signal puissant d'espoir et j'y vois le point de départ d'une ambition plus vaste encore - un nouvel engagement pour la culture, l'éducation, la dignité humaine ». Sur les 55 biens inscrits par l'Unesco dans la liste du patrimoine en péril, la grande majorité se trouve en Afrique et au Moyen-Orient, deux berceaux de l'humanité. Voici un panorama - non exhaustif - de divers sites menacés déclarés en terres d'islam, en particulier ceux situés dans des zones de conflits actuels.

Afghanistan – Minaret et vestiges de Djam

Classé en péril par l'Unesco en 2002.

Le Minaret de Djam a été érigé en 1194 par le sultan ghoride Ghiyas-od-din. Mesurant 65 mètres de hauteur, il est représentatif de l’architecture et l’ornementation de la période islamique en Asie centrale et témoigne de la puissance de la civilisation ghoride dans la région aux XII et XIIIe siècles.
Minaret de Djam (Afghanistan).

Egypte – Abou Mena

Classé en péril par l'Unesco en 2001.

Cette cité paléochrétienne a été construite autour du martyr Ménas d’Alexandrie décédé en 296 après Jésus-Christ. Elle possède encore des vestiges de son église, son baptistère, ses basiliques et ses monastères.
Abou Mena (Egypte), © Our Place The World Heritage Collection/Geoff Stevens.

Irak – Samarra

Minaret de Samarra (Irak), © Jim Gordon.
Classé en péril par l'Unesco en 2007.

La ville archéologique de Samarra datant de 836-892 est un héritage laissé par le califat abbasside. Il s’agissait de la seconde capitale après Bagdad et est le dernier vestige du califat. Les palais de Qasr al-Khalifa, d'al-Ja’fari ou d'al Ma’shuq figurent parmi les plus prestigieux du monde islamique. Depuis la guerre d’Irak déclenchée en 2003, elle est fragilisée par les multiples opérations militaires en cours dans la région.

Libye – Tadrart Acacus

Peintures rupestres de Tradrart Acacus (Libye), © Luca Galuzzi.
Classé en péril par l'Unesco en 2016.

Le massif rocheux du Tadrart Acacus abrite des peintures rupestres dont les plus vieilles remontent à 12 000 ans avant Jésus-Christ. Elles reflètent selon l’Unesco « les modifications profondes de la faune et de la flore, ainsi que les divers modes de vie des populations qui se sont succédé dans cette partie du Sahara ».

Mali – Tombouctou

Classé en péril par l'Unesco en 2012.

La ville de Tombouctou au Mali était aux XVe et XVIe siècle, une des capitales intellectuelles et spirituelles de l’islam. Grâce à l’université de Sankoré et autres madrassa, la ville a servi de centre de réflexion et de propagation de l’islam en Afrique. Mise en danger par l’occupation d’extrémistes islamistes en 2012 elle reste aujourd’hui menacée par l’avancée du sable.

A noter, le site de Djenné a également été classé en péril en 2016. Aux XVe et XVIe siècles, la ville a été un foyer de diffusion de l'islam. Ses maisons traditionnelles, dont près de 2 000 ont été préservées, sont bâties sur des petites collines et adaptées aux inondations saisonnières.
Tombouctou (Mali), © Unesco/Francesco Bandarin.

Syrie – Alep

Classé en péril par l'Unesco en 2013.

La vieille ville d'Alep est placée au carrefour de routes commerciales depuis 2 000 ans avant Jésus-Christ. Elle a tour a tour été sous le contrôle des Hittites, des Assyriens, des Akkadiens, des Grecs, des Romains, des Omeyyades, des Ayyoubides, des Mamelouks et des Ottomans. Elle possède une citadelle et une grande mosquée qui remontent au XIIe siècle mais aussi des palais et des bains publics qui datent du XVIe siècle.

Le conflit syrien a frappé de plein fouet la vieille ville d'Alep qui est devenu un véritable champs de ruine. Le minaret de la mosquée des Ommeyyades s'est effondré en 2013. Les bombardements et les barils d'explosifs occasionnées par les combats en l'armée régulière et l'armée syrienne libre pour le contrôle de la ville provoquent d'importantes destructions.
La Citadelle d'Alep.

Syrie – Palmyre

Classé en péril par l'Unesco en 1980.

Située sur un oasis, la cité antique de Palmyre est célèbre pour ses ruines monumentales. On retrouve des mentions d’elle datant d’il y a également 2 000 ans avant Jésus-Christ. Sa position stratégique en pleine route commerciale utilisée par les caravaniers en a fait un lieu témoin de plusieurs civilisations notamment romaine à partir de la moitié du Ier siècle après Jésus-Christ. La cité est marquée par une chaîne de colonnes s’établissant sur près d’un kilomètre.

La prise de Palmyre par les terroristes de l'Etat islamique avait suscité l'émotion à travers le monde en mai 2015. Les images de destructions des vestiges antiques ainsi que la décapitation de Kaled Al-Assad, directeur du site âgé de 82 ans, avaient choqué. Depuis le 27 mars et la victoire de l'armée syrienne appuyée par l'aviation russe, la cité antique est protégée militairement.
Palmyre (Syrie), © Unesco/Ron Van Oers.

Yemen – Shibam

Classé en péril par l'Unesco en 2015.

L’ancienne ville de Shibam et son mur d’enceinte datant du XVIe siècle portent le surnom évocateur de « Manhattan du désert ». La cité a pour particularité ses multiples maisons-tours rectangulaires en briques rouges et blanches. Elle a été classée comme Sanaa patrimoine en péril par l'Unesco en juillet 2015, en répercussion des affrontements entre rebelles chiites et forces pro-gouvernementales.
Ancienne ville de Shibam (Yémen) et son mur d'enceinte. © Unesco/Editions Gelbart