Psycho

Omar : « J’ai rencontré une femme merveilleuse de confession chrétienne »

Rédigé par Sabah Babelmi | Mercredi 5 Octobre 2016 à 08:00



Bonjour,

Avant de vous raconter mon cas, je souhaiterais préserver mon anonymat.
Je lis souvent votre rubrique sur le site Saphirnews et je trouve que vos réponses sont toujours empreintes de bon sens et sagesse.

J’ai rencontré une femme merveilleuse de confession chrétienne.
Je sais que le Noble Coran autorise le musulman à épouser une femme dite des « Gens du Livre ».
Notre relation est basée sur le respect et l’amour. Nous avons tout pour être heureux, une admiration réciproque, des passions communes...

Nous souhaitions concrétiser cet amour par une union et avons évoqué l’éventualité d’avoir un enfant, fruit de notre amour.

Malheureusement, c’est ici que l’histoire se complique. Pour ma part, je souhaite inculquer à mon enfant une éducation musulmane pour qu’il grandisse en musulman.
Pour des raisons bien évidemment théologiques, je pense, par exemple, à l’enfant pieux qui priera pour la mémoire de son défunt père.

Sa vision est différente : elle souhaite, à juste titre, lui parler de ses croyances religieuses propres (contradictoires avec les croyances musulmanes sur certains sujets, Issa est fils de Dieu pour elle et prophète pour moi, la non-existence du mektoub alors qu’il s’agit d’un dogme islamique important).

Elle souhaite également laisser le choix à l’enfant de choisir sa religion après avoir « appris » les deux de ses parents.

Je crains qu’un enfant n’y comprenne pas grand-chose et soit perdu dans sa construction.

Le résultat de cette divergence, sur l’éducation religieuse de l’enfant, est la rupture et la fin de notre histoire.

Ma question est simple : Qu’en pensez-vous ? Quelle attitude adopter ?

Sabah Babelmin, psychothérapeute

Cher Omar,

Votre lettre soulève un problème qui a toujours existé et qui est de plus en plus récurrent.
Vous écrivez : « J’ai rencontré une femme merveilleuse de confession chrétienne. »

Je pense que c’est un beau cadeau que la vie vous offre : rencontrer une personne qui corresponde à vos désirs et souhaits profonds, n’est pas toujours facile, me semble t-il, cela est une grande chance.

Ensuite, « de confession chrétienne » : y a t-il une contradiction entre le fait d’être chrétien, musulman, juif ou hindou et être merveilleux ?
La confession détermine-t-elle les valeurs, la moralité et la qualité d’une personne ?
En d’autres termes, est-ce que la confession musulmane garantit la qualité d’Être d’une personne ? Je ne pense pas.

Vous dites ensuite que votre « relation est basée sur le respect et l’amour ». Le respect suppose d’accepter l’autre dans sa totalité, avec ses choix, ses qualités et ses défauts, et l’amour inconditionnel ne signifie-t-il pas aussi d’aimer quelqu’un sans conditions ? Sinon, il me semble que ce n’est pas de l’amour. Qu’en pensez-vous ?

Je sais que le Noble Coran autorise le musulman à épouser une femme dite des « Gens du Livre ». Je vois que vous êtes attentif aux préceptes de l’islam, mais comment avez-vous pu vous engager avec cette femme ? Avez-vous pensé la convertir ? Ou peut être avez-vous espéré secrètement (car, posé dès le début, cela aurait pu vous éviter cette situation très difficile) que l’amour pouvait la pousser à se convertir pour vous plaire ?

Il me semble que votre relation est fondée sur la communication et la confiance mais, devant ce problème qui semble très important pour vous, vous avez l’intention de tout arrêter à cause de la confession religieuse de la personne que vous aimez.

Qu’auriez-vous fait si vous étiez à sa place ? Auriez-vous changé votre religion pour lui plaire, quitte à trahir vos convictions ?

Vous dites ensuite : « Je pense, par exemple, à l’enfant pieux qui priera pour la mémoire de son défunt père. » Cette phrase m’interpelle fortement aussi ! Et me semble pleine d’attentes ! Est-ce que la prière pour les défunts est réservée aux musulmans ?

L’attitude de cette femme me semble très saine, car elle assume ses choix, ce qui semble vous peser car, pour vous, la question est très claire : soit elle accepte que vous inculquiez l’islam à votre futur enfant sans qu’elle ait une place auprès de cet enfant, soit vous rompez.

Cependant, le problème de la religion surgit et devient tout à coup un facteur majeur pour la concrétisation de votre union et de vos projets de fonder une famille et d’avoir des enfants.

Il me semble que vous soulevez ici un problème majeur : est-ce qu’un mari a le droit d’imposer sa religion à sa femme ? Est-ce qu’en épousant un-e musulman-e on est sûr-e d’être sur la même longueur d’ondes ? Souvent − et les lettres de nos lecteurs sur Saphirnews nous le prouvent tous les jours −, il y a beaucoup de divergences de vues et de pratiques dans un mariage entre musulmans, et cela aussi est source de beaucoup de déchirement et de violences !

Il me semble que la religion est quelque chose de très intime, et nul n’a le droit d’imposer ses vues et sa pratique à un-e autre, il n’y a pas de comparaison à faire, chacun est responsable de sa foi et de ses actes devant Dieu.

« Qu’un enfant n’y comprenne pas grand-chose et soit perdu dans sa construction », dites-vous. L’angoisse que vous semblez avoir quant à la construction de votre éventuel enfant n’est pas justifiée. Il est très difficile d’imposer une croyance à un enfant, qui introjecte, par mimétisme, les croyances, les valeurs et les attitudes de ses parents ; mais, une fois adulte, il a besoin de ses propres expériences, comme dans tous les autres domaines de la vie, pour faire un choix.

Comment cela s’est-il passé pour vous ? Avez-vous accepté en bloc tout ce que vos parents vous ont transmis ? Ou est-ce qu’on vous a donné la possibilité d’expérimenter, d’apprendre pour choisir de manière authentique et sincère votre religion ?

Je pense que la position de cette femme est juste pour elle, elle se sent le droit d’expliquer à l’enfant sa croyance, de lui donner l’exemple, et lui laisse le choix de décider.

Dans un couple mixte, chacun doit vivre sa religion comme il l’entend et laisser à l’enfant la possibilité de faire son choix, car s’il sent qu’on le lui impose, tôt ou tard, il risque de tout rejeter en bloc, pour comprendre, expérimenter et faire son propre choix.

Il me semble que la solution de rupture est violente pour vous deux ! Avez-vous discuté ensemble de la question ? Il est important d’explorer un peu plus ensemble pour voir ce qui vous oppose vraiment.

Sur le fond, toutes les religions prêchent à peu près la même chose : le sens que l’on donne à la vie, les valeurs qui guident le bon comportement des croyant-e-s… Les différences se situent au niveau du dogme et des rites.

En fait, fondamentalement, il me semble qu’il est question ici d’accepter que l’autre soit différent. Et la différence − pas seulement de religion, elle peut être une différence de classe sociale, d’origine ethnique ou culturelle… − , quand elle est vécue comme une richesse, peut être tellement porteuse ! Mais quand elle est vécue comme une menace, elle peut engendrer rejet, haine et violence.

Or, quand il y a l’amour et le respect, chacun-e peut vivre sa religion librement et en harmonie sans qu’il ait l’obligation d’être exactement comme l’autre.

J’espère que ces éléments de réflexion vont vous aider à trouver la solution.

La rubrique « Psycho », qu’est-ce que c’est ?

Des psychologues et psychanalystes répondent à vos questions. Musulman(e)s du Maghreb ou de France, professionnel(le)s actif(ve)s exerçant en cabinet, ils réfléchissent à votre problématique et tentent de vous éclairer à travers leur expérience professionnelle et leur pratique spirituelle. Ils peuvent vous aider à y voir plus clair en vous-même ou à mieux décrypter le comportement des personnes de votre entourage.
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