Société

Nouredine Rachedi tabassé parce que musulman, 'Mon cas n'est pas isolé'

Rédigé par Anissa Ammoura | Lundi 11 Aout 2008 à 12:22

Le 25 juillet dernier, alors qu'il rentre chez lui, Nouredine Rachedi se fait rouer de coups dans un parc public par deux jeunes hommes qui se présentent comme « nazis » à Guyancourt (Yvelines). Selon lui, tout a basculé après que les agresseurs lui aient demandé s'il était musulman. Bilan : vingt et un jours d'incapacité totale de travail. Une plainte pour violences volontaires aggravées a été déposée. En attendant l'interpellation des auteurs, Nouredine Rachedi a demandé au parquet que l'ajout du caractère "raciste" de l'agression à sa plainte.



Nouredine Rachedi, cadre de trente ans se souviendra toute sa vie de la nuit du 24 au 25 juillet 2008. Ce soir là, il rentre chez lui à Guyancourt (Yvelines) et rencontre ses agresseurs dans un parc public. Deux jeunes gens de type « européen » l'arrêtent et lui demandent une cigarette. Selon la victime, ces derniers sont « très jeunes », « à peine la vingtaine». L'un d'entre eux lui demande d'abord s'il est musulman, ce à quoi il répond affirmativement. Il demande ensuite à Nouredine Rachedi depuis combien de temps il est en France. Ce dernier répond qu'il y est né et qu'il y a toujours vécu. Il leur demande des explications, le second agresseur lui rétorque « parce que nous sommes des nazis ». Celui-ci demande ensuite à la victime ce qu'il pense de la Yougoslavie [l'agression a eu lieu quatre jours après l'arrestation le 21 juillet, à Belgrade, de Radovan Karadzic responsable du meurtre de milliers de musulmans en Bosnie pendant la guerre en l'ex-Yougoslavie, ndlr]. S'en suit le passage à tabac de ce chargé d'études statistiques, coups de poings, coup de pieds sur tout le corps et la tête. Bilan : hématomes, plaies au crâne, pneumothorax [décollement du poumon, ndlr]. Les médecins de l'Unité Médico-Légale des Yvelines lui reconnaissent une incapacité totale de travail (ITT) de 21 jours.

Pour mes agresseurs, un musulman ne peut pas être français

Le 25 juillet, quelques heures après son agression, Nouredine Rachedi dépose plainte au commissariat de Guyancourt. Les policiers enregistrent celle-ci comme une plainte pour « violences volontaires aggravées (en réunion) » sans qualifier l'agression de « raciste ». Après avoir reçu son PV et être retourné au commissariat pour déposer son certificat médical, Nouredine s'étonne auprès des policiers « Pourquoi le caractère raciste n'a-t-il pas été ajouté ? ». Selon un de ses avocats, cet oubli est peut-être un signe de prudence de la part du commissariat, les policiers estimant qu'il faut laisser l'enquête avancer ou bien peut-être que les « policiers ont eu des instructions ». Dans tous les cas, le magistrat estime que « les faits restent les mêmes » et qu'ils pourront être « requalifiés » par la suite. Vendredi 8 août, soit deux semaines jour pour jour après l'incident, Nouredine Rachedi devait déposé une lettre auprès du procureur de la République du parquet de Versailles pour obtenir la requalification de la plainte. Dans une déclaration, Nouredine Rachedi précise ouvertement avoir été agressé « pour des motifs racistes, en tant que musulman ». Le jeune homme assure à Saphirnews n'avoir « aucun doute » sur le caractère islamophobe des faits, « pour mes agresseurs, un musulman ne peut pas être français ».
Nouredine assume la médiatisation de l'affaire, « J'ai décidé d'en parler pour qu'il y ait une prise de conscience. Ce genre d'actes doit être dénoncé » explique t-il à Saphirnews. « J'ai reçu beaucoup de mails de soutiens de femmes voilées qui me racontent leurs agressions – impunies- au quotidien. J'ai aussi reçu le soutien de membres associatifs et également un témoignage de soutien d'un blog juif. Celui-ci estime que la communauté juive doit se sentir concernée, que celle-ci doit dénoncer ce genre d'actes.» signale t-il avant de poursuivre, « Je suis persuadé que mon cas n'est pas isolé. Les gens ont peur de parler de leur histoire. Les affaires de racisme sont sensibles. La responsabilité est très lourde. Il n'y a rien de pire que d'accuser quelqu'un de racisme si ce n'est pas vrai ».

Avant on disait « sale arabe », aujourd'hui « sale musulman »

Selon un des deux avocats de Nouredine Rachedi, le juge pourra retenir « potentiellement » jusqu'à trois circonstances aggravantes dont deux importantes, prévues dans l'article 222-12 du code pénal. La première concerne une infraction commise « par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice » plus couramment définie par le terme « en réunion » ou « en groupe » ; la deuxième s'illustre « à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Ces circonstances aggravantes, si elles sont établies ou non par le juge, pourront changer la peine prononcée à l'encontre des agresseurs. A ce stade de l'enquête, un des deux agresseurs semble avoir été reconnu
Ce même avocat se dit choqué par « la montée de l'islamophobie » en France. « Avant, le racisme s'exprimait par « i[sale arabe » ou « sale nègre », maintenant on dit « sale musulman », c'est un changement important]i » indique t-il, « Aujourd'hui, j'observe une justification du racisme en France. On ne peut pas être accusé de juger les gens sur leurs couleurs de peau, puisque le problème vient des gens eux-mêmes, de leurs valeurs musulmanes, considérées comme incompatibles avec celles de la France. Il s'agit d'une couverture intellectuelle. Les articles de presse ne portent plus sur les algériens, mais sur les musulmans. Cette tendance n'existait pas il y a dix ans ! ».
Selon le nombre de circonstances aggravantes retenues par le tribunal, la peine à l'encontre des agresseurs est selon le code pénal passible de 3 à 10 ans et peuvent être assorties d'autres peines comme d'une forte amende pouvant aller jusqu'à 150 000 €.
A ce stade de l'enquête, Nouredine Rachedi - qui « sent ses poumons quand il respire et qui a toujours mal au dos quand il fait des efforts » s'estime « très confiant pour la suite de la procédure ». En outre, il croit avoir reconnu l'un de ses agresseurs sur photo, grâce aux fichiers détenus par la police. Un autre élément - de taille et qui devrait faire accélérer l'enquête - est celui d'un témoin, le serveur d'un café - qui plus est une connaissance de Nouredine Rachedi - qui aurait vu les deux agresseurs s'enfuir peu de temps après les faits. En attendant la confrontation avec les auteurs présumés, Nouredine Rachedi doit reprendre le 18 août le chemin de l'entreprise de gestion de relations clients où il est salarié.