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« Moi, raciste ? Jamais ! », le racisme ordinaire raconté par ceux qui le vivent

Rédigé par Christelle Gence | Jeudi 26 Mars 2015 à 00:16

           

Il y a le racisme visible, violent, qui s’entend. Celui-là est combattu de longue date, et il est de plus en plus condamné. Et puis il y a le racisme ordinaire, feutré, qui s’exprime au détour d’une petite phrase, et qui ne pense pas forcément à mal. Ses effets sont pourtant aussi dévastateurs. Entretien avec Rokhaya Diallo à l’occasion de la sortie de « Moi, raciste ? Jamais ! », un recueil de scènes de racisme ordinaire.



Avec Virginie Sassoon, docteure en science de l'information et de la communication et responsable éditoriale de la plateforme numérique #RacismeOrdinaire, la journaliste Rokhaya Diallo publie « Moi, raciste ? Jamais ! », un recueil de témoignages de personnes qui subissent cette forme larvée, quotidienne et insidieuse qu'est le racisme ordinaire.
Avec Virginie Sassoon, docteure en science de l'information et de la communication et responsable éditoriale de la plateforme numérique #RacismeOrdinaire, la journaliste Rokhaya Diallo publie « Moi, raciste ? Jamais ! », un recueil de témoignages de personnes qui subissent cette forme larvée, quotidienne et insidieuse qu'est le racisme ordinaire.
Le racisme a des expressions différentes. Il y a les formes brutales et agressives, facilement identifiables et pénalement condamnables. Et il y a le racisme ordinaire, plus discret, insidieux, mais non moins violent pour ceux qui en sont victimes. Le racisme ordinaire, c’est celui « qui s’exprime à travers des petites phrases, des plaisanteries, des attitudes, qui ne se veulent pas nécessairement méchantes ou antipathiques, mais qui, en réalité, entretiennent chez les gens qui les subissent l’idée qu’elles ne sont pas tout à fait comme les autres », résume la journaliste et militante Rokhaya Diallo.

Elle a signé l’avant-propos de Moi, raciste ? Jamais !, un recueil de témoignages sur cette forme de racisme, publié ce mois-ci. Tirés de la plateforme #RacismeOrdinaire, les récits sélectionnés sont les « témoignages les plus emblématiques » livrés par les internautes, des hommes et des femmes de tous âges et de toutes conditions. La plateforme, lancée en février 2013 sur le site Internet de France Télévisions, est aujourd’hui administrée par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme (DILCRA).

Des témoignages bruts, authentiques, qui mettent en évidence les remarques ou les sous-entendus les plus récurrents : renvoi à l’ailleurs, mépris, incompétence supposée, rejet, méfiance, ignorance, essentialisation, qui sont autant de préjugés ancrés dans l’inconscient collectif. Mais le racisme ordinaire peut aussi s’exprimer positivement, sous forme de compliments ou de présupposés liés au physique par exemple. « C’est important de redonner la parole aux premiers visés par le racisme. Pour moi, leur expérience est vraiment centrale et cruciale », et elle permet de rendre compte du caractère « implacable » du racisme, poursuit Rokhaya Diallo.

Faire prendre conscience

A la lecture du livre, les individus victimes de racisme ordinaire pourront se rendre compte qu’ils sont loin d’être les seuls à vivre ces situations. « Pour eux, c’est intéressant, parce que cela leur permet de se rendre compte que leurs expériences ne sont pas isolées, qu’elles se répètent au quotidien auprès de milliers de personnes. En ce sens, le livre peut être un soutien moral », note la militante antiraciste. Parce que ces petites phrases sont vécues comme des « micro-agressions », encore amplifiées par le phénomène de répétition, continue-t-elle.

Ces micro-agressions, « il n’y a qu’une partie de la population qui les vit, et uniquement en raison de leur apparence, de leur couleur de peau, de leur patronyme ». Le livre est surtout destiné à ceux qui ne les vivent pas « et qui parfois sont dubitatifs », voire « qui ne comprennent pas vraiment le problème », souligne Rokhaya Diallo.

Qu’ils soient auteurs de ces petites phrases ou non, il s’agit de les sensibiliser à l’effet dévastateur du racisme ordinaire chez ceux qui l’expérimentent. Éduquer en somme, pour déclencher chez ceux qui n’en sont pas victimes « une prise de conscience ». « Il faut faire un travail d’éducation. C’est en cela que ce livre est nécessaire. Il faut faire un travail de prise de conscience générale », insiste la journaliste, ajoutant que ce travail d’éducation doit aussi permettre de « donner les armes à ceux qui sont visés pour qu’ils puissent répondre ».

« Moi, raciste ? Jamais ! », le racisme ordinaire raconté par ceux qui le vivent

« La mauvaise volonté des politiques » dans la lutte contre le racisme

Si Rokhaya Diallo salue l’engagement de France Télévisions, qui s’est associé à la plateforme et au livre, elle voudrait que le groupe aille plus loin encore dans la lutte contre le racisme, ordinaire ou pas. Notamment s’agissant de la représentation des minorités à l’écran, alors qu’il y a « un retard assez abyssal du service public en France » à ce sujet, pointe la journaliste. Et de poursuivre : « On attendrait dans l’animation des JT, des grosses émissions, des émissions politiques, vraiment des intervenants qui soient davantage aux couleurs de la France. »

Que France Télévisions remplisse une véritable mission de service public en somme, d’autant que François Hollande a fait de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme une grande cause nationale de l’année 2015. Mais la militante antiraciste n’attend pas grand-chose de l’engagement présidentiel. « Ses propos doivent se traduire en actes concrets, s’agace Rokhaya Diallo. Depuis qu’il est au pouvoir, il n’a pas fait le minimum : droit de vote des étrangers, lutte contre le contrôle au faciès… »

Rokhaya Diallo va plus loin encore, et s’interroge sur la capacité du gouvernement actuel à mener ce combat. « Quand Manuel Valls explique que les Roms ont vocation à vivre en Roumanie, cela me pose un vrai problème et cela m’interroge sur sa légitimité à lutter contre le racisme », relève-t-elle.

« Les gens sont face à des situations de racisme qui sont immédiates et urgentes », déplore la journaliste. Et de lancer : « Il y a tellement de choses à faire, qui ont été proposées, que je trouve qu’il y a vraiment de la mauvaise volonté des politiques à agir véritablement. » En attendant que lesdits hommes et femmes politiques se décident à agir, le livre contribuera à sensibiliser sur ce phénomène qu’expérimente toute une partie de la population.

Rokhaya Diallo, Virginie Sasoon, Moi, raciste ? Jamais !, Flammarion, 2015, 220 p., 14,90€.





Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par François Carmignola le 27/03/2015 07:58 | Alerter
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Le racisme "au quotidien" maladroit, ignorant ou vulgaire est une plaie dont souffrent aussi (quoiqu'à un moindre degré) ce qui en sont témoins sans en être victimes directement: cela les rend honteux. S'il faut lutter contre cela, c'est par la nécessité de la politesse et du respect des personnes, à pratiquer universellement.

Par contre, cela n'implique nullement d'attribuer le droit de vote à des non citoyens, à établir des quotas "raciaux" à la télévision, ni à dénier le droit des états souverains à décider de qui peut s'installer dans ses frontières et comment.

La mise en relation de ces comportements et de ces décisions politiques, tous inadmissibles car injustes et contraires au bon sens est illégitime.

2.Posté par Hamza le 30/03/2015 19:42 | Alerter
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Merci Rokhaya pour ce travail patient et efficace
Il est clair que le racisme (et les élections ne font que corroborer ces mots) persiste et fait de la résistance. Il est tout aussi important pour les minorités touchées d'en discuter, entre nous, de rassurer nos concitoyens, et de porter haut l’étendard de ces double-cultures !
Merci à tous


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