Société

Miss USA 2010 : une miss comme les autres ?

Rédigé par Leïla Belghiti | Samedi 22 Mai 2010 à 00:17

Une « terroriste en bikini » aux Etats-Unis, et une « intellote en ''burqa '' » en Arabie Saoudite... Le parallèle peut faire sourire. Bienvenue dans le monde des Miss...



Rima Fakih. La « terroriste en bikini » et « reine du pole dance » n'en finit pas de susciter la controverse. À 24 ans, l'étudiante en économie est élue Miss Michigan avant de se voir sacrée de la plus prestigieuse couronne : « Miss USA ».

L'élection, s'est déroulée dimanche dernier à Las Vegas, au « pays du jeu », retransmise en direct sur les chaînes nationales et suivie par 250 millions de téléspectateurs. Après avoir été triée, mesurée, choisie, sélectionnée, étalonéee, celle qui devait représenter l'Amérique toute-puissantea enfin été élue : Rima Fakih, une Américano-Libanaise – d'origine arabe, donc – et de surcroît… musulmane.

Ne fallait-il pas s'y attendre ? Au pays de l'oncle Sam, tout semble possible. Hier, Barack Obama, premier président noir des États-Unis, aujourd'hui Rima Fakih, première miss américaine d'origine arabe. Leur point commun ? L'un d'avoir une ascendance musulmane, l'autre d'être – carrément ! – musulmane.

La nouvelle Miss au teint basané et à la plastique à faire rêver tout mâle normalement constitué serait une nouvelle incarnation du rêve américain.

Au risque d'en décevoir beaucoup, Rima Fakih n'est pas la première Arabo-Américaine à gagner le titre : Julie Hayek, née de père libanais, était la première Miss USA, représentant la Californie en 1983, et, en 1971, la Libanaise Georgina Rizk remportait le titre de Miss Universe.

Le Liban fier de sa Rima

Au Liban, c'est la fête. Dans son village natal, à Srifa (Sud-Liban) la tante de la nouvelle Miss America reçoit les journalistes et sympathisants, autour d'un thé à la menthe et de pâtisseries. Sa tante est musulmane, porte le foulard, et se montre fière de sa jeune nièce : « Les Occidentaux nous décrivent, nous, les chiites, comme des terroristes et des assassins. Ce n'est pas vrai : nous aimons la vie, l'amour, la beauté et surtout la beauté de l'âme », déclare-t-elle.

Ravie aussi, sa sœur, Rana, se fiche des polémiques : « Nous sommes Libanais et Américains. Aux États-Unis, personne ne vous demande si vous êtes chiite ou sunnite, nous vivons tous sous la loi américaine », dit-elle.  « Son père leur a appris à ne pas faire de différence entre chrétiens et musulmans. Nous sommes une famille très ouverte », explique sa tante.

Le lien présumé avec le Hezbollah hante l'esprit de certains Américains

Depuis son élection, les Américains, et plus particulièrement les partisans du camp conservateur, fantasment sur une probable liaison avec des terroristes islamistes. « Miss USA, Rima Fakih : une terroriste en bikini ? », a titré le journal en ligne Politics Daily. « Beaucoup de proches de Mlle Fakih sont des terroristes importants du Hezbollah et certains sont même tombés en martyrs face à Israël », écrit, convaincue, Debbie Schlussel sur son blog, une Américaine connue pour être une conservatrice forcenée.

« Notre famille n'a aucune tendance politique, aucun lien avec des partis politiques », indique la tante de Rima Fakih, balayant d'un revers de main les rumeurs.

Le néoconservateur Daniel Pipes, a lui, dénoncé un choix fondé sur l'« affirmative action » (la discrimination positive).

Qu'en pensent les Arabes ?

Pour autant, la rue arabe n'est pas moins divisée, la nouvelle n'ayant pas fait l'unanimité. Un journaliste qui interviewait mardi un député proche du Hezbollah – considéré comme un mouvement terroriste par les États-Unis –, Hassan Fadlallah, en a profité pour saisir son opinion : « Les critères selon lesquels nous jugeons la valeur de la femme sont différents de ceux de l'Occident. »

Les élections des Miss sont en effet différentes selon les pays. Exit Bikini et petites tenues, pas besoin de se découvrir pour remporter la couronne. Miss Bahrain et Miss Kuwait, se sont, par exemple, présentées en foulard, de même que Miss Maroc, où pourtant une majorité de Marocaines ne le portent pas.

Miss d'un autre genre

Si, entre l'élection Miss America et ces dernières, le critère est principalement le même – la beauté –, en Arabie Saoudite, c'est tout autre chose.

Reine de beauté hors normes que la jeune Aya Ali al-Mulla, une Saoudienne de 18 ans élue miss Arabie Saoudite en voile intégral, sans jamais découvrir son visage, en septembre 2009. Comment est-ce possible ? Les concours de beauté qui se concentrent sur l'apparence physique n'existent pas chez les détenteurs de pétrodollars. La jeune fille a été jugée pour son « intelligence », sa beauté « altruiste » et ses bons résultats scolaires. C'est donc le prix de « Reine de la belle moralité » qu'elle s'est vu remporter.

Miss America et Miss Arabie Saoudite : deux extrêmes ? « Tantôt trop ''bimbos'', tantôt trop "intellos" », écrivait un internaute. Ou deux versants d'une même médaille ? Celle qui réduit la femme à n'être seulement qu'un objet sous le regard (ou à l'abri du regard) masculin. Qu'il soit quasi dénudé ou intégralement vêtu, pouvons-nous imaginer un jour aller au-delà de la chosification du corps féminin ?