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Points de vue

Lutter contre les haines passe par une meilleure connaissance du religieux

Rédigé par Valentine Zuber | Jeudi 24 Mars 2016 à 13:42

           

Les tragiques événements terroristes de 2015 et 2016 ont rendu l’éducation et la transmission du religieux absolument vitale à la pacification de nos sociétés tant européennes que méditerranéennes.



Lutter contre les haines passe par une meilleure connaissance du religieux

Les évènements terroristes ont aggravé les discours et les comportements de haine en France

Le nombre de signalement d’actes ou paroles racistes a considérablement augmenté en France tout au long de l’année 2015 et en particulier dans les jours qui suivirent chacun des attentats parisiens de janvier et de novembre. Ce sont les actes antimusulmans qui se sont le plus accrus, mais les actes antisémites ont été particulièrement graves, occasionnant même plusieurs morts. Les autorités publiques nationales et internationales se sont dites particulièrement préoccupées par ce phénomène inquiétant de la banalisation des discours de haine et de l’accroissement des violences racistes.

Plusieurs observateurs ont dénoncé la banalisation de l’antisémitisme chez certains jeunes (dont quelques-uns s’affichent ouvertement comme musulmans). Parallèlement, les actes antimusulmans se sont dangereusement banalisés tandis qu’une attitude décomplexée et ouvertement hostile à l’islam et aux musulmans se répand insidieusement dans le débat public et politique, sous couvert d’une exigence de laïcité ouvertement exclusive et de type identitaire.

L’ignorance de la religion et de la culture de l’autre fait le lit de l’intolérance

Tant que le débat opposera de manière caricaturale les tenants de l’invisibilité du religieux dans l’espace public, de l’uniformité culturelle d’une supposée « identité française » s’opposant aux soi-disants « communautarismes », dénoncés comme étant juif, chrétien ou musulman, la France sera en danger d’intolérance. Dans leur entre-soi mortifère, ces groupes risquent de cultiver en leur sein les pires préjugés, en particulier ceux qui attisent la peur de l’autre.

Ce cloisonnement ne peut que nuire à la nécessaire cohésion nationale face aux agressions terroristes. C’est d’ailleurs le sens du commentaire émanant du délégué interministériel Gilles Clavreul dans son bilan 2015 : « Ces chiffres indiquent clairement (…) que la mobilisation de tous les citoyens dans un esprit de rassemblement républicain est plus que jamais nécessaire pour faire échec aux appels à la haine. »

Dans ses recommandations prioritaires, le Conseil de l’Europe demande, quant à lui, de « revoir les curricula scolaires et les programmes de formation des personnels pédagogiques pour une meilleure compréhension des questions liées à la religion et à l’immigration ».

L’enseignement du fait religieux comme rempart contre « la sainte ignorance »

La prise en compte de la culture religieuse dans la mission éducative de l’école laïque en France est une expérience relativement nouvelle dans un système français marqué par une laïcité de séparation. Elle est devenue une priorité à la suite du rapport que Régis Debray remis en 2002 au ministre de l’Éducation nationale. Najat Vallaud-Belkacem, la ministre actuelle, l’a encore rappelé aux lendemains des attentats. De nombreux organismes, publics ou privés, mais animés par le même souci de faire reculer la « sainte ignorance », se sont mobilisés dans cette transmission des connaissances sur le religieux, comme l’Institut européen en sciences des religions, ou bien encore la formation Agapan au Collège des Bernardins.

La pluralisation de la société française rend cet enseignement absolument nécessaire, tant le vivre-ensemble dépend de l’investissement de chacun dans une politique d’interconnaissance des traditions religieuses et culturelles des uns et des autres. La tolérance et la paix sociale sont à ce prix.

Cette priorité n’est d’ailleurs pas uniquement française. Au nord comme au sud de la Méditerranée, une attention grandissante est accordée à l’approfondissement des connaissances religieuses des citoyens dans une optique de respect et de tolérance, et de protection des groupes minoritaires.

C’est par le développement d’une culture commune à tous permettant une coexistence apaisée de chacun selon ses propres particularismes, qui est ainsi activement recherchée dans le cadre de l’État de droit, démocratique et pluraliste.

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Valentine Zuber est directrice de recherche au Collège des Bernardins, directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE), auteure, notamment, de Le Culte des droits de l’homme (Gallimard, 2014). Elle organise, le vendredi 8 avril 2016, le colloque « La transmission du religieux en Méditerranée : un défi partagé », qui conclut deux années de séminaires de recherche « A l’école du religieux », au Collège des Bernardins. Première parution de cet article dans Les Echos le 14 mars 2016.





Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par François CARMIGNOLA le 27/03/2016 11:41 | Alerter
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"C’est par le développement d’une culture commune à tous que..."
D'accord ! Mais cette culture commune doit exclure évidemment la différenciation ontologique entre hommes et femmes, l'attribution de caractéristiques métaphysiques à des animaux consommables, le marquage symbolique du corps des enfants et la référence à un quelconque surnaturel pour la conduite de l'Etat et de la société.
A partir de là, il est clair que l'expression publique respectée des tenants du contraire est problématique. D'ailleurs elle l'est.


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