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Loubna, à la rencontre du Canada

Rédigé par Lazrak Jihen | Vendredi 10 Octobre 2003 à 00:00

'Les voyages forment la jeunesse', adage bien connu, que Loubna ne renierait en rien, elle qui revient d’un voyage d’un an au Canada dans le cadre d’un échange inter-universitaire. Pour Loubna, étudiante en anglais, préparant le CAPES, afin de devenir professeur, un séjour linguistique s’impose pour parfaire sa formation et son rapport à la langue. Un an à l’université d’Ottawa lui a permis de découvrir une autre culture, celle des anglo-saxons et par là-même un autre regard posé sur les musulmans, un autre rapport à la laïcite, bref un autre vécu de musulmane portant le voile que celui qu’elle a pu connaître en France.



'Les voyages forment la jeunesse', adage bien connu, que Loubna ne renierait en rien, elle qui revient d’un voyage d’un an au Canada dans le cadre d’un échange inter-universitaire. Pour Loubna, étudiante en anglais, préparant le CAPES, afin de devenir professeur, un séjour linguistique s’impose pour parfaire sa formation et son rapport à la langue. Un an à l’université d’Ottawa lui a  permis de découvrir une autre culture, celle des  anglo-saxons et par là-même un autre regard posé sur les musulmans, un autre rapport à la laïcite, bref un autre vécu de musulmane portant le voile que celui qu’elle a pu connaître en France.

Départ pour le nouveau monde

Avant de décider d’aller au Canada, plusieurs destinations s’offraient à elle : Londres et un an en tant qu’assistante de Français et les Etats-Unis où elle poursuivrait ses études d’Anglais. Londres, elle connaît déjà. Quant aux Etats-Unis, les évènements du 11 septembre étaient encore trop proches et l’ombre de l’Islamophobie planait encore. Son choix se porta donc sur le Canada qu’elle considère être un pays politiquement neutre dans ses positions internationales. 

Le 31 août 2002, départ pour Ottawa, la capitale du Canada. 'Sans encadrement, je me suis débrouillée avec les quelques réunions d’accueil proposées par l’université', explique Loubna. Elle a vécu un an en résidence universitaire occupée majoritairement par des francophones. Ce qui ne l’enchanta pas vraiment, elle, qui était venue parfaire son anglais. Début naturellement difficile d’une étrangère dans un pays qu’elle ne connaît pas. 'J’étais inquiète de savoir si j’allais rencontrer des musulmans comme moi'.

Inquiétude balayée d’un 'Salam alaikoum' (salutations en Islam) souriant d’une jeune étudiante du campus qui la convie à la réunion d’accueil des étudiants musulmans organisée par l’association MSA, Muslim Student Association. Association synonyme de repères  pour Loubna qui se voit offrir le petit guide pratique du musulman à Ottawa. Tout y est consigné : horaires des prières, lieux de culte musulmans de la ville, boucheries Hallal… et présentation des activités de l’association MSA. De quoi rassurer Loubna pour cette nouvelle année universitaire qui commence.

 

Muslim Student Association ou la voie de l’intégration

Au fur et à mesure de son intégration à l’université, Loubna découvrit MSA. Elle y participe activement. Le mardi et le jeudi, se déroulait dans le hall du campus, le forum des associations. Chacune d’entre elles disposait d’une table qui lui permettait de dialoguer avec les étudiants. MSA avait aussi son emplacement qui se nommait 'Da`wa Table', la table de la prédication. 'C’était un moyen de faire connaître l’Islam, de mettre à jour les réalités de cette religion afin de lutter contre les préjugés. Ils  distribuaient des bonbons accompagnés de petits mots tirés du coran ou des hadiths ( paroles et actes du prophète) : 'Aide ton prochain et Dieu t’aidera', des prospectus sur certaines thématiques liées a l’Islam comme 'Jésus et l’Islam', Qu’est-ce que le Coran ? , ou encore offraient même des corans.'

 Dans la même optique, MSA mettait en place des conférences qui se voulaient être des réponses aux questions, aux craintes que pouvaient avoir les non-musulmans envers l’Islam : c’est quoi l’Islam ? Le Jihad ? Elles étaient aussi un moyen pour les musulmans de renforcer leurs convictions personnelles. Le maître d’œuvre de ces conférences était Ryad Saloujee, le président de 'Cair-can', association des musulmans du Canada et avocat qui se bat contre les discriminations à l’égard de la communauté musulmane au Canada. 

Jour après jour, Loubna va de surprise en surprise. Des cours de religion sont donnés au sein même du campus.'En toute légalité vis-à-vis de l’université, pas dans la clandestinité', insiste-t-elle. Elle s’étonne agréablement des libertés accordées aux étudiants. Pour la prière du vendredi, des locaux sont octroyés aux étudiants musulmans. Un rideau sépare les hommes et les femmes et c’est un véritable imam qui vient faire le prêche.

L’université d’Ottawa n’est pas une exception. Carleton, le campus voisin a adapté ses toilettes en fonction des ablutions que doivent effectuer les musulmans avant chaque prière. 'Les lavabos étaient installés près du sol, un peu comme à la mosquée de Paris', raconte Loubna.

Ces libertés offertes aux étudiants,  emblème d’un vivre ensemble et d’une tolérance mutuelle, est aussi symbolisé par une chambre de la spiritualité, au troisième étage de l’université d’Ottawa, ouverte à tous que l’ont soit juif, musulman, chrétien ou que l’on veuille simplement se recueillir ou méditer.

 

Convivialité et fraternité

Seule, elle est arrivée. Entourée, elle l’est devenue. Loubna réussit donc a s’habituer à ce nouveau rythme de vie, entre les cours, ses nouveaux amis du campus, de la MSA et de la résidence universitaire.

Néanmoins une période de l’année venait à poindre : le mois sacré du ramadan et les deux fêtes de l’Aid. Moments familiaux par excellence pour les musulmans. Moment que Loubna  appréhendait. Premier ramadan, seule, à des kilomètres de sa famille et de ses proches.

Malgré cela, Loubna passa un ramadan fraternel et riche spirituellement. En effet, les étudiants de la muslim student association organisaient la rupture du jeune en groupe. 'C’était vraiment précieux pour les étudiants étrangers comme moi…On cassait le jeune et on faisait la prière du Maghrib (du crépuscule)… En plus, il y avait une vraie organisation, un responsable était désigné à  l’avance et était chargé de contacter les restaurants Hallal afin qu’ils nous fournissent de la nourriture. C’était bien car il y avait des  repas à thème chaque soir vues les origines diverses des musulmans d’Ottawa : Somalie, Egypte, Liban, Palestine… Ils ne faisaient pas les choses à moitié, il y avait de la boisson et des dessertsPrès de 200 étudiants participent quotidiennement à ce repas. '

Après la rupture du jeune, Loubna se rendait  à la Prayer House ( maison de la prière), pavillon proche de l’université, acheté par l’association MSA et transformé en mosquée, où elle faisait, avec les autres étudiants musulmans, la prière de Tarawih ou prière de la nuit.

La fête de l’Aid fut l’occasion pour notre jeune étudiante d’aller à la rencontre d’une famille musulmane au Canada. En effet, une de ses amies l’invita à passer chez elle la fête de l’Aid afin qu’elle ne se retrouve pas seule. Et pour clore cette journée de fête, elle se rendit  à une soirée des étudiants musulmans ou étaient programmés anachids (chants religieux), conférences, jeux questions-réponses et buffets.

 

'Les gens ne me voyaient pas à travers mon voile mais en tant qu’individu'

Loubna retiendra de ce voyage une tolérance de la part des canadiens envers l’Islam et envers le voile. Elle a pu rencontrer au Canada des filles qui travaillaient en portant le voile. 'Au début, quand je venais d’arriver et que je suis entrée dans un magasin, j’ai été surprise de voir une fille travailler avec le voile. Je suis restée à la regarder en me demandant vraiment si elle achetait ou elle vendait ?'

Etonnement d’une jeune fille voilée qui se voit interdire de travailler avec son voile en France, ou encore qui pense aux expulsions du lycée ou du collège d’élèves voulant porter leur voile. Intolérance  à ses yeux qu’elle ne comprend pas, qu’elle ne comprend plus aux vues de son expérience canadienne. 'Le Canada est une vraie société pluriculturelles qui valorise les minorités par leurs différences…qui prône la différence  pour mieux cohabiter ensemble et s’enrichir mutuellement'.

 Intolérance qu’elle vit elle–même à travers sa formation. Elle qui veut devenir professeur mais veut garder son voile.