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« Les minarets de la discorde » : le débat autour des minarets en Suisse

Par Jean-François Mayer*

Rédigé par Jean-François Mayer | Mardi 13 Octobre 2009 à 00:17

           


« Les minarets de la discorde » : le débat autour des minarets en Suisse
La question du minaret a surgi récemment en Suisse — où il n’existe que quatre minarets, aucun n’étant utilisé pour l’appel à la prière — de façon inattendue, et va susciter de vifs débats politiques au cours des prochaines semaines.

En effet, grâce à cette procédure politique suisse qu’est l’initiative populaire (si 100 000 citoyens au moins signent une « initiative » pour demander l’inclusion d’une nouvelle disposition dans la Constitution fédérale, ce projet doit être soumis au vote populaire), le peuple suisse sera appelé à voter le 29 novembre 2009 pour déterminer si le paragraphe suivant doit être introduit dans l’article 72 de la Constitution fédérale : « La construction de minarets est interdite. »

Un tel débat à l’intersection de la politique et des religions ne pouvait manquer de retenir l’attention de l’Institut Religioscope, dont le siège se trouve en Suisse. L’Institut Religioscope a donc fait appel à plusieurs experts pour éclairer cette discussion et les questions qu’elle soulève. Le résultat est un livre de 110 pages, sous la direction de Patrick Haenni et de Stéphane Lathion, Les Minarets de la discorde (Gollion, Infolio, 2009), qui vient de paraître.

Éclairages sur un débat suisse et européen : tel est le sous-titre de l’ouvrage. En effet, outre les informations et réflexions sur la situation suisse, l’approche choisie intègre ces thèmes dans un cadre plus large. Il n’est guère besoin de rappeler ici que, dans plusieurs pays, les projets de construction de mosquées se heurtent à des oppositions.

À travers de tels projets, en effet, l’islam devient visible, mais les musulmans manifestent aussi leur intention de s’enraciner durablement dans l’espace européen. Les réactions ne se réduisent cependant pas à une inquiétude face à l’immigration : les projets de construction d’un temple bouddhiste ou hindou peuvent susciter des oppositions de voisins, mais rarement une levée de boucliers. Il existe une spécificité des réactions face à des implantations musulmanes, qui a certes des racines dans l’Histoire, mais s’alimente aussi à des craintes que nourrissent quotidiennement les images que nous transmettent les médias sur les turbulences qui agitent différentes régions du monde musulman.

Les auteurs ont tenté de prendre ces craintes au sérieux et d’apporter des éléments de réponse à de multiples interrogations, en évitant autant que possible la polémique. Outre les articles, quatre portraits présentent des adversaires et des partisans de l’initiative, afin d’illustrer ce qui motive les uns et les autres.

Au départ de l’initiative populaire contre la construction de minarets en Suisse, des réactions locales contre des projets de construction de minarets symboliques, c’est-à-dire peu élevés, non accessibles et non destinés à l’appel à la prière, selon leurs constructeurs, ont uni des personnes inquiètes de cette affirmation de l’islam dans l’espace public. Cela a créé des liens suprarégionaux et a conduit ceux qui s’étaient ainsi rassemblés dans une commune opposition à ces projets à envisager une initiative sur le plan national. L’initiative a été lancée en mai 2007, et 115 000 signatures avaient été recueillies lorsqu’elle fut déposée à la Chancellerie fédérale en juillet 2008.

Derrière l’initiative figurent notamment certains membres et parlementaires de l’Union démocratique du centre (UDC), important parti conservateur, souverainiste et populiste (qui est en pourcentage de voix le premier parti politique de la Suisse), et de l’Union démocratique fédérale (UDF), petite formation politique conservatrice chrétienne (d’inspiration surtout évangélique).

En revanche, le gouvernement fédéral, la majorité du Parlement, les autres formations politiques suisses et les Églises (y compris les associations faîtières évangéliques) rejettent l’initiative. Bien que cela ne garantisse pas son échec — car il existe des cas où la population suisse a voté à contre-courant des consignes des grandes formations politiques et institutions —, il paraît cependant difficile que l’initiative passe, à en croire la plupart des sondages. En même temps, les discussions dans la population montrent que des préoccupations à l’égard de l’islam sont répandues et que les thèmes liés à l’initiative contre la construction de minarets ne laissent pas indifférents nombre de citoyens.

Mais pourquoi s’en prendre au minaret ? C’est bien sûr en tant que symbole, et le minaret en arrive à cristalliser toutes les préoccupations qui se manifestent autour de l’islam ou des musulmans. Ce déplacement du débat vers le symbolique retient bien sûr l’attention de certains contributeurs de l’ouvrage. Les auteurs de l’initiative estiment que le minaret n’est pas un symbole religieux, rappellent qu’il n’est pas indispensable à une mosquée, et voient dans cet édifice un signe du pouvoir de l’islam et de sa volonté de domination : en érigeant des minarets, les musulmans manifesteraient d’une certaine façon leur volonté de prendre progressivement le contrôle de l’espace dans lequel ils se sont installés. Derrière le minaret, et les raisons variées pour lesquelles certains citoyens suisses voteront en faveur de l’initiative contre la construction de minarets, c’est la question de l’islam en général et de son statut dans une société occidentale qui se pose en réalité.

Après avoir rappelé la genèse et les enjeux de la construction de minarets en Suisse (J.-F. Mayer), le livre laisse la parole à Rachid Benzine pour présenter en quelques pages le minaret dans l’histoire de l’islam, tout en refusant de se laisser entraîner dans une discussion sur la légitimité religieuse du minaret : car la vraie question est de « savoir comment se pérennisera une présence musulmane désormais enracinée dans un pays non musulman » (p. 30). Stéphane Lathion poursuit sur « le passage à l’Ouest de l’architecture islamique », dont il présente quelques exemples, accompagnés d’instructives photographies.

Un important chapitre signé par Patrick Haenni et Samir Amghar saisit l’initiative contre les minarets comme occasion de poser de « bonnes questions sur le devenir de l’islam en Europe, les mobilisations qui s’y effectuent en son nom et son rapport à l’Occident » (p. 66). Ce chapitre analyse le dilemme des stratégies islamiques en Occident et des dynamiques sociales marquées par l’occidentalisation, y compris en matière démographique ou sous l’angle des tendances à l’individualisation. Il s’agit pour les auteurs de distinguer entre ces niveaux souvent confondus que sont la démographie, la religiosité, le ghetto et le projet politique, alors qu’il s’agit de dynamiques largement indépendantes.

Spécialiste du droit des religions, Erwin Tanner consacre pour sa part un chapitre à l’initiative examinée sous l’angle juridique. Il s’interroge sur la tentative d’introduire dans la Constitution fédérale une « norme atypique, de nature très spécifique », visant un type particulier de bâtiment et représentant un article d’exception (p. 71). Il s’interroge aussi sur l’harmonisation avec le droit constitutionnel et le droit international existants. La question de la réciprocité, qui se trouve parfois invoquée, est également abordée par Tanner, toujours sous l’angle strict du droit.

L’une des motivations de ceux qui voteront pour l’initiative contre la construction de minarets est en effet la conscience des difficultés que connaissent des communautés chrétiennes pour ouvrir des lieux de culte ou même mener une vie religieuse normale dans des pays musulmans — l’exemple extrême de l’interdiction de tout lieu de culte non musulman en Arabie Saoudite vient à l’esprit.

Les responsables du volume ne pouvaient donc manquer de traiter cette question et ont demandé à Laure Guirguis d’éclairer les lecteurs sur la construction d’églises en terre d’islam. Il en ressort une image contrastée, avec de fortes variations d’un pays à l’autre, mais aussi la conscience que les situations dans les différents pays évoqués ne dépendent pas que des textes légaux : plusieurs facteurs jouent un rôle, dont « la nature plus ou moins autoritaire du régime, l’adoption ou pas d’un discours officiel religieux islamique, l’existence d’une opposition islamiste radicale et la stratégie adoptée à son égard, la stabilité économique et sociale du pays et, enfin, le nombre et les caractéristiques des communautés chrétiennes présentes sur le territoire » (p. 90).

Olivier Moos, auteur d’une thèse qui sera soutenue au mois d’octobre sur les discours critiques au sujet de l’islam, consacre précisément à la « nouvelle critique de l’islam » sa contribution. Le sujet est important, car ce discours se trouve en interaction avec les points de vue soutenus par les partisans de l’interdiction des minarets en Suisse. Une redéfinition de la menace en Occident voit l’islam succéder dans ce rôle à l’Union soviétique. Dans cette interprétation, l’islam tend à être considéré comme « le seul critère qui explique les motivations et les pratiques sociales ou politiques des musulmans » (p. 94). Cela offre une grille d’analyse universelle partout où se trouvent et agissent des musulmans. Il est intéressant de noter que cette « approche du fait musulman [...] transcende les clivages politiques et idéologiques traditionnels » (p. 97).

Outre les portraits déjà mentionnés, des encadrés parsèment le livre pour expliquer ce qu’est une initiative populaire, résumer en quelques chiffres la présence musulmane en Suisse et expliquer — sous la plume du chercheur et journaliste égyptien Husam Tammam — comment les médias du monde arabe réagissent au débat suisse.

Comme le suggère la conclusion, toute la démarche du livre consiste à ne pas se laisser entraîner vers un débat sur l’essence de l’islam, mais à prêter plutôt attention aux sociétés réelles, en apportant une contribution dépassionnée au débat politique, qui se révèle déjà vif et émotionnel.


* Jean-François Mayer est directeur de l’institut Religioscope, qui se consacre à l’étude des faits religieux et à leur impact dans le monde contemporain.


« Les minarets de la discorde » : le débat autour des minarets en Suisse
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Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par polad le 14/10/2009 12:35 | Alerter
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au lieu de polimiquer les musulans suisse n'ont qu'a lancer une iniciative pour collecter des signatures afin d'inscrire dans la constitutions le droit de construire les minarets... ou tout simplement interdire que les riche Emirs et sociétés pétrolières arabes et musulmanes viennet déposer leurs Milliards dans les Banques suisse.
Cette attitude me rappel un vieux proverbe algérien:
"- Le morveux pue!
- Oui, mais... il possede de belles affaires, tu sais"
Il est grand temps que les suisses arrêtenet de jouer aux vièreges effarouchées...le temps ne joue plus à leur faveur, car aprés les Ordres d'Obama qu'ils se sont empressés d'executer dans les vingt quatre heures , en faisant amende honorable, il se pourrait qu'une pétition de boycotte des banques suisses soit lancer dans les pays musulmans. et les réserves monétaires dans ces pays , comme le petrole et le gaz, ne manquent pas ( à croire que Dieu les aiment diraient les Xénophobes!!!). Bon il restera toujours aux suisse, le chocolat, les montres, les chalets, le gruyère que des produits stratégiques à exporter au reste du monde... et si ce que j'écris ici ne les convint pas, mes amis suisse peuvent demander aux danois et aux hollandais, le prix du BOYCOTTE, et le multuplier, faire l'addition et la remettre à leurs Institutions Banquaires, oh là, je vois déja la tête de Monsieur Le Ministre des Finance et celles des Présidents des Banques Helvetes
A bon entendeur....



2.Posté par Jérémie le 18/10/2009 21:37 | Alerter
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Ce débat a aussi lieu en Allemagne (avec une population allemande excédée d'entendre les appels à la prière) ainsi qu'en Autriche. La paix religieuse et de société commence aussi là, à savoir que les sensibilités des uns et des autres soient respectées, pour justement ne pas exacerber les susceptibilités. Voile intégral en Occident comme minijupe en pays musulmans. La paix vaut bien ces renoncements.

3.Posté par Otton Waan le 19/10/2009 04:29 | Alerter
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"en faisant amende honorable, il se pourrait qu'une pétition de boycotte des banques suisses soit lancer dans les pays musulmans. et les réserves monétaires dans ces pays , comme le petrole et le gaz, ne manquent pas ( à croire que Dieu les aiment diraient les Xénophobes!!!)."

Merci aux Suisses. Encourageons donc ce genre de commentaire.

L'article est intéressant. Jean-François Meyer n'est pas pro-musulman mais il analyse bien la situation.

Ma conclusion : l'islam ne sera pas accepté par les FDS car c'est une religion arabe, à cause de l'immigration arabe... jusqu'à l'Europe soit arabisé tout en gardant quelques brides de cultures européennes.
Mais ne vous en faites pas les musulmans, vous allez gagner, votre force démographiques va remplacer les FDS. Tristes tropiques.

Il est temps que je me remettre à lire Rémi Brague, Roger Arnaldez, Jeanne et Dominique Sourdel, Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, Bernard Lewis...

Rien que pour vos yeux, un site sur l'islam : http://islam-connaissance.blogspot.com/

4.Posté par Polad pour Ottan Waan le 19/10/2009 18:29 | Alerter
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l'Islam, n'est pas la religion des arabe;

Avant de développer ce sujet, je souhaite revenir sur mon premier commentaire, je tiens à préciser que ma démarche étais ironique comme l'est aussi celle de ces pétitionnaires suisses qui tentent d'interdire la construction de minarets, à croire ces minarets allaient servir de rampe de lancement a je ne sais quelles armes qui mettraient en danger la sécurité de ce pays !!!, ou serviraient de point stratégique pour espionner le gouvernement helvète tout en transmettant à travers des stations électroniques intégrées des informations codées et intégrées dans l’appel de chaque prière aux intelligences ennemis… et je laisse aux lecteurs d’imaginer le reste.
Ce débat à mon avis relève de la pure bêtise. Il est consternant de remarquer qu’au 21 siècle la bêtise humaine continue de sévir et n'a pas de limite même dans des pays qui se considèrent comme étant développer (n’est-ce pas à Davos que réunissent chaque années G7, G8, G15, G 21…et les autres G.
Hier, c’était la France toute entière qui avaient peur des foulards quelques femmes portaient sur leurs têtes, avant-hier les américains avaient trouvés des armes de destructions massives en Irak… aujourd’hui se sont les paisibles suisses qui redoutent les minarets et demain…
Je tiens aussi à féliciter Mr Meyer pour son brillant article et sa brillante analyse. Ma participation ne comporte aucun reproche ou accusation à ce dernier.
D’autre part, je suis entièrement conscient que ce type de pétitio...  

5.Posté par Guillaume Tell le 25/10/2009 21:30 | Alerter
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ViVe La Suisse !!!!

6.Posté par polad le 30/11/2009 11:32 | Alerter
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l'Europe renoue le pacte avec ses vieux démons, voilà la suisse à parlé et à dit non à une libérté fondamentale...il ne serait pas étonnant que la France s'empare aussi du débat, car la peste fachiste se propagera plus vite que la grippe porcine.

7.Posté par Opsomer le 06/12/2009 20:57 | Alerter
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D'autres sons de cloche :

La leçon de la rue Suisse à l’hypocrisie du politiquement correct
http://www.kabyles.net/La-lecon-de-la-rue-Suisse-a-l,04903.html

Des querelles de non-sens : les minarets
http://phmadelin.wordpress.com/2009/12/04/des-querelles-de-non-sens-les-minarets/

8.Posté par Polad le 07/12/2009 17:28 | Alerter
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…et l'argent des pétrodollars,

Je propose un référendum aux suisses
[Etes vous contre ou pour que les dictateurs à la tête des pays musulmans placent les pétrodollars et autres biens dans vos banques? ]
Voila un vrai sujet de referendum.
Celui ou celle des Suisses qui trouvera la Bonne Réponse je lui paye un couscous!
Oups !!!Cela risque de me couter cher, je n'ai pas les pétrodollars nécessaires !!!Pour payer un couscous pour chaque suisse.


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