Points de vue

Les “convertis” doivent prendre la parole.

Rédigé par Philippe Kohn | Jeudi 1 Mars 2007 à 13:10



Nous arrivons à un moment critique de l’histoire. Ces élections présidentielles vont d’une manière ou d’une autre changer beaucoup de choses en France. Face à tous les problèmes que la communauté musulmane traverse ces temps-ci, face aux insultes des journalistes et écrivains aux tendances racistes et islamophobes, qui jouissent d’une impunité totale de la part d’une justice névrosée et de pouvoirs publics complices, et surtout face aux discours agressifs de certains politiques, les « convertis » doivent eux aussi se faire entendre.

Quand on entend « la France tu l’aimes ou tu la quittes », on ne peut pas rester silencieux. Tout le monde sait très bien à qui ce discours fait allusion. Aussi triste que cela puisse paraître, tentons de nous placer un instant sur le même registre que les suprématistes de droite. Brièvement, ils sont suprématistes au sens qu’ils se positionnent comme dominants sur tous les plans, comme « père », comme « maître » des communautés considérées comme en retard, qui ne savent pas ce qui est vraiment bon pour elles, qui n’ont pas assez de maturité intellectuel pour pouvoir comprendre. Suprématistes tout comme les « white supremacists » aux USA (et évidemment les néoconservateurs), simplement en France ils le sont d’une manière plus sophistiquée, plus soignée, plus Démocratique. J’ai envie de dire à Messieurs Sarkozy, Le Pen ou De Villiers qu’ils se trompent quand ils pensent que les musulmans sont des « immigrés » à qui on peut dire de « rentrer chez eux ». Les musulmans sont tout le monde. Sur un plan personnel, mes ancêtres sont en France depuis des siècles. Je suis musulman et je veux pouvoir construire une mosquée sur dans mon pays, si j’en ai envie. Mes aïeux ont libéré la France en 44 et l’ont défendue en 14-18. Où étaient les Sarkozy alors?! Je n’ai jamais égorgé de mouton dans ma baignoire. Ni moi, ni aucuns des centaines de musulmans que je connais n’ont jamais « lapidé » de femme, et pourtant à chaque fois que ces politiciens abordent la question de l’Islam Français, ils font ces allusions douteuses à tous ces phantasmes pour détourner les français des vrais sujets d’importances.

On peut se demander, concrètement, quelle influence des faits divers de piscines aux heures réservées pour les femmes, de maris violentant un médecin et de mouton égorgé dans une baignoire, ont dans la vie de tous les jours? De la majorité des Français? La réponse est simple : aucune! En revanche le chômage, les délocalisations en Chine, les OGM et les médias abrutissants, en ont chaque jour et pour tout le monde.

De plus, pourquoi les féministes suprématistes passent-elles leur temps à vouloir insulter d’autres femmes, qui ne veulent simplement pas vivre en pensant comme elles, au lieu de se battre pour que les salaires soient les mêmes à travail égal avec les hommes? Pour une meilleure représentation politique?

Les réponses se résument toutes ainsi : la haine et la peur de l’Islam sur fond de paternalisme raciste néo-colonial. Il est vraiment temps qu’ils sachent que l’Islam n’est plus la religion de l’Algérie à elle seule, mais également une religion de France.

Loin de moi l’idée de banaliser des faits atroces et bien réels tels que l’excision ou les mariages forcés. Ils sont affreux et doivent être punis sévèrement jusqu’à leur disparition. Toutefois, quand on nous parle chaque semaine des « musulmans et l’hôpital », je tiens à rappeler une toute petite chose qui tient de la logique même. D’un point de vue islamique comme d’un point de vue républicain, il est inacceptable de refuser qu’un homme soigne une femme. Mais il n’est pas illégal ni même antirépublicain pour une femme de demander à être soignée par une femme si cela est possible, de la même manière qu’il sera normal que cette requête lui soit refusée si cela doit compliquer le fonctionnement de l’hôpital. Le fait de demander n’est pas antirépublicain! C’est le fait d’insister en revanche, qui l’est.

Une certaine frange du monde de la presse, de la littérature et des médias, n’arrivent pas à accepter que les musulmans soient capables de penser par eux-mêmes, pour eux-mêmes mais aussi pour la société à laquelle ils participent. C’est ainsi qu’ils vont tous tenter de vilipender les intellectuels musulmans qui ont un discours contraire à leurs paradigmes suprématistes. Nous avons assisté ces dernières années à un déversement de propos immondes dans les médias hexagonaux. Rare, dans les medias « mainstream », sont les intellectuels courageux ayant dénoncé ce prêt-à-penser islamophobe. Encore plus rare sont les politiques ayant eu le courage de faire leur travail correctement, c'est-à-dire de représenter TOUS les français. Le 21e siècle s’annonce difficile pour l’intelligentsia française. On est bien loin des Bourdieu et Deleuze; trop proches des Glucksmann et Brukner.

L’Islam est la religion de millions de français. Certains sont considérés comme « issus de l’immigration » mais il semble important de rappeler que beaucoup sont « issus du terroir »; puisque qu’il s’agit bien de cela actuellement. L’affaire bidon des caricatures nous a rappelé que les musulmans sont censés être « d’ailleurs », voulant « imposer des valeurs contraires à la République ». Pourtant la France coloniale était une puissance musulmane, des propos mêmes de Napoléon III; l’Algérie était française quand la Savoie ne l’était pas. Des siècles de présence musulmane dans le paysage français et certaines personnes tentent, hélas avec succès pour l’instant, de faire croire à une incompatibilité totale entre l’Islam et la République. C’est là que les « convertis » doivent être plus présents dans l’espace public. Ce sera dur, mais pas impossible.
Les « convertis » font face à des tonnes de clichés insultants, mais légitimes vu qu’ils n’ont toujours pas été discutés correctement. La République c’est bien ça : pouvoir en parler. Non, tous les « convertis » ne sont pas des illuminés, des faibles d’esprits en manque d’amis, des traîtres qui en veulent à leurs familles ou des « convertis occasionnels » qui ont dû « faire semblant » pour pouvoir se marier parce que « c’est pour la famille au bled ». Il existe des gens qui croient en Dieu et qui ont choisi l’islam comme mode d’emploi pour une vie saine. La France du 21e siècle c’est ça. Des athées, des athées freudiens, des agnostiques, des musulmans, des chrétiens, des juifs, des bouddhistes, des hindouistes, des sikhs, des chrétiens par tradition, des juifs « historiques », des musulmans par tradition, des témoins de Jehova, etc.
La laïcité devait garantir la séparation entre « l’Église » et l’État mais il semble que l’État ait décidé de s’introduire dans les affaires de « l’Église », ce qui est inacceptable et illégal. Ces représentants de l’État en sont arrivés à prendre parti dans des procès (!!!)
Il faut donc que nous nous asseyions tous ensemble et que nous discutions du futur de notre pays. Les musulmans font partie du paysage et donc du débat.

Pour finir, un dernier message aux Sarkozistes, Lepenistes et Villieristes :

Je suis musulman et si vous me croisez dans la rue, vous ne le devinerez jamais…
Il ne vous reste donc qu’à:

1. Lancer une nouvelle inquisition (nous en sommes très proche à bien des égards). Penser que les musulmans « convertis » sont des « traîtres » dangereux (comme vos ancêtres idéologiques l’ont fait avec les juifs pendant des siècles) et vous enfermer encore plus dans votre peur en suspectant tout le monde d’être un « islamiste » caché, qui veut vous prendre votre pain, ou comme l’a dit le Vicomte sur France3 « nous envahir ».

2. Vous réveiller un peu et passer à autre chose. Il y a beaucoup de choses à faire dans notre pays. Vous ne pourrez jamais effacer les musulmans de France car nous sommes aussi Français que vous Messieurs. Nous n’avons pas la même vision de l’appartenance Française. Vous la pensez de manière sélective sur des bases ethnico-culturelles imaginaires. Mais de la même manière que je vous laisse en paix, il me semble que la moindre des politesses serait de me rendre la pareille en arrêtant de m’insulter.