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Points de vue

Les autorités morales islamiques, des freins à l’esprit laïque ?

Rédigé par Fouad Benyekhlef | Lundi 26 Décembre 2016 à 11:00

           


Les autorités morales islamiques, des freins à l’esprit laïque ?
Ces dernières années, en France comme en Belgique, émergent des instances islamiques soutenues de manière tantôt officielle, tantôt officieuse. Celles-ci ont même pour prétention de s’ériger en magistère doctrinal. En effet, ces structures se donnent le droit d’émettre des « fatwas » dictant aux individus « ce qu'il faut faire » ou « comment il faut faire ». Cela passe de la pratique du jeûne durant la période d’examens ou encore par le fait de ne pas prier sur des défunts d’une confession différente. Se pose la question de la pertinence de ces structures, de leur légitimité et même de leur existence.

Ces conseils ne sont pas des appareils de l’Etat. Cependant, une confusion apparaît rapidement : comment distinguer un organe chargé de la gestion du temporel du culte – interlocuteur de l’Etat - d’une structure théologique qui lui est intégrée ? Comment un organe administratif peut-il favoriser un courant de pensée sur une multitude d’autres ?

L’Etat n’a pas à être le gardien de la morale religieuse et encore moins à en favoriser l’une sur l’autre. Le contraire serait profondément en contradiction avec le principe de laïcité et de liberté des individus de pratiquer, ou non, un culte comme ils le souhaitent. Mais d’où vient cette volonté d’instaurer une sorte d’autorité morale nationale ? Et qu’est-ce que cela implique ?

Enjoindre des individus à une pratique par une sorte de contrainte morale est problématique

Ce modèle est importé des pays à majorité musulmane qui comptent des institutions de fatwas et établissent leur propre « conseil de théologiens » qu’ils orientent, si besoin est. Même un petit pays comme la République de Djibouti a son Haut Conseil Islamique qui dépend du ministère des Affaires religieuses avec ses prérogatives dont, entre autres, la gestion des instances de la fatwa, de prédication et l’organisation des mosquées. En principe, notre pays est loin de cela, étant donné que l’organe qui gère le temporel du culte n’est pas habilité ni mandaté pour se présenter en autorité morale en plongeant parfois en pleine culpabilité les individus qui ne respecteraient pas les injonctions émises.

Ensuite, il est nécessaire de tenir compte du piège que cela représente. Ces instances sont applaudies et légitimées dans ce rôle pour l’instant car elles semblent positives en donnant des autorisations à ne pas jeûner ou en dénonçant le radicalisme. Mais il ne faut pas oublier que c’est aussi par la fatwa que l’on peut aller vers l’interdiction, voire même l’excommunication, ainsi en est-il dans le monde musulman - même dans les pays les plus modérés -modèles d’importation. Enjoindre des individus à une pratique par une sorte de contrainte morale est plus que problématique.

Par le passé, un souffle de libération a conduit l’Europe à rejeter l’emprise de l’institution religieuse sur l’esprit des individus au XVe siècle et a conduit à la sécularisation de l’Etat et à la relégation de la morale aux lieux de culte et à la conscience personnelle ; ce n’est pas pour que faire marche arrière dans cette lutte. Il est donc urgent de rompre avec cet élan de l’institutionnalisation de la fatwa pour éviter la dépendance intellectuelle, l’instauration d’un contrôle social sur les musulmans, le conditionnement de l’esprit et l’hétéronomie. En effet, lutter c’est protester contre un clergé qui essaye de se mettre en place, c’est préserver la liberté en éloignant les manipulations d’un autre temps et favoriser l’émergence de l’esprit laïque au sein même des minorités musulmanes.

La libération commence par la valorisation de la raison

Que la réflexion par procuration soit freinée et que s’opère l’instillation de l’esprit laïque, de l’émancipation des institutions religieuses émettrices de fatwas, et que les musulmans entrent dans une ère d’émancipation, protégés de l’aliénation que produit l’injonction religieuse. La libération commence par la valorisation de la raison, par l’autodonation de liberté. Il faut donc faire barrage à ces institutions morales qui maintiennent les individus dans une prétendue conformité. Cela ne peut qu’engendrer des individus dominés, qui ont moins d’autonomie et une vision uniforme des choses et peut faire le lit du fanatisme.

Il est temps de laisser chacun penser par lui-même et donc aussi temps que les « autorités morales » soient maintenues à leur vraie place, une place désacralisée que l’on peut remettre en cause et critiquer. Il est normal qu’il y ait des théologiens musulmans qui se réunissent pour penser et produire des réflexions, mais des limites doivent être posées.

En effet, il y a une nette différence entre enseigner, penser des textes islamiques et le fait de sommer des individus à s’y soumettre – par ordonnance quasi officielle - sous peine d’être culpabilisés. Puisque ces autorités morales occupent l’espace public, il est normal de les interpeller de façon tout aussi publique. N’oublions pas que c’est en luttant contre les tutelles – morale ou non - qu’un véritable changement est possible et que la modernité est un mouvement jamais abouti, qu’elle se construit par la quête de liberté et la lutte contre l’aliénation dans des horizons humains qui se renouvellent constamment.

*****
Fouad Benyekhlef est militant laïque et membre du collectif Les Progressistes Musulmans.





Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Ouns le 26/12/2016 17:12 | Alerter
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Il y'a beaucoup de confusions dans cet article.
La modernité et la sécularisation ne sont des "progrès" que pour les esprits athées ou "croyants non-pratiquants", c'est ce qui a mené à la mort du christianisme en Occident.
En tant que musulmans, tout comme en appartenant à une autre religion, il est douteux et illogique de plaider pour un même mouvement.
Quant au rejet des autorités, c'est une démarche purement moderne. L'Islam n'est pas le protestantisme et n'a pas vocation à l'être.
Je ne vois pas non plus ce qui dérange dans le fait d'émettre des fatwas (avis juridiques), à moins qu'un simple rappel à la règle ne vous semble d'une violence extraordinaire (il vous en faut peu alors, un séjour parmi des personnes connaissant de vrais problèmes ne vous ferait pas de mal) ... Il faut savoir ce que vous voulez, si la religion et son fonctionnement traditionnel vous insupportent, quittez-la.
Aucune idée précise ne se dégage de cet article : comment l'Islam devrait fonctionner, selon vous ? Qu'est-ce qui vous dérange dans le principe d'émettre des fatwas (je ne parle pas du contenu qu'on peut toujours discuter dans le cadre des limites traditionnelles, d'ailleurs sachez que celle permettant de se dispenser de jeûne pendant les examens est très contestée et pas près de faire autorité)? De quelle culpabilité parlez-vous ?

2.Posté par François Carmignola le 27/12/2016 09:24 | Alerter
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Attribuer un caractère "juridique" à ce qui semble à première vue être émis par une autorité de type religieux est effectivement critiquable en principe.
S'attribuer un caractère "juridique" quand on n'est qu'un simple groupe non représentatif (et cela y compris parmi les tenants de la religion en question) de prescripteurs auto proclamés semble de plus exagéré.

De plus le mot "fatwa" est très connoté, son utilisation par un chef d'état Iranien pour exhorter à l'assassinat d'un écrivain britannique en a fait depuis longtemps le symbole d'un inacceptable, du moins en occident, zone géographique où cet article est publié.

3.Posté par Muzize Ramadhan le 29/12/2016 20:30 | Alerter
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Je regrette amèrement et monstrueusement lorsque je lis ce genre d'articles qui sont rédigés par des soi-disant "musulmans progressistes" car leurs idées mettent en lumière la profonde ignorance dans laquelle ils croupissent..........L'islam n'est comparable à aucune religion sur cette terre Car c'est une Super Religion qu'ALLAH AZZA wa JALLA a offerte en cadeau à l'humanité pour régir toute la vie......en vue du succès sur cette terre et dans l'au-delà.Et toi qui te reclames de l'Islam alors que tu le combats,quitte-le et fiche la paix aux Musulmans afin qu'ils mettent en pratique la Volonté de LEUR CRÉATEUR en toute tranquillité

4.Posté par Melen le 16/01/2017 22:20 | Alerter
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Fatwa ça veut dire avis. Dire victime d'un avis comme on le dit chez nous par exemple ça n'a pas de sens. On traduit très mal les choses. Ce mot n'est connoté que parce qu'on l'a connoté. Traduire victime d'une condamnation, ça a du sens, mais traduire victime d'un avis ça n'a pas de sens.

5.Posté par Melen le 16/01/2017 22:32 | Alerter
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Je ne comprends pas le logiciel de l'auteur de l'article.
Selon ce principe les imams n'auraient pas lieu d'etre.
Ils donnent des conseils aux fidèles, mais ces derniers en font ce qu'ils en veulent.
Si des conseils eux memes n'ont pas lieu d'etre, autant rester chez soi et écouter un imam sur internet. Si l'on ne peut pas échanger, les mosquées n'ont plus lieu d'etre.
La spiritualité ne se résume à écouter la messe, c'est aussi un échange entre humains sur la spiritualité.
Je suis athée mais c'est ainsi que je vois la spiritualité. Un lieu d'échange, d'écoute, de conseils.

6.Posté par Melen le 27/01/2017 18:35 | Alerter
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Je suis issue d'une famille de culture catholique.
A l'époque quand on n'avait besoin d'un conseil on n'allait voir le curé du village. Conseil ou confesser ses erreurs. Des croyants cherchant conseils, écoute, information ça ne date pas d'aujourd'hui.
Je ne comprends le sens de la référence à des prières pour des personnes d'une autre confession que la sienne dont parle l'auteur de l'article.
Faire une prière musulmane pour un catholique est une absurdité.
Je ne connais rien aux prières musulmanes. Mais comment un musulman pourrait-il dire au nom du père du fils et du saint esprit.
Un musulman ne peut que faire une prière de son culte.
Et inversement.
Un catholique ne croit pas en l'islam autrement il serait musulman.
Quel sens aurait une prière catholique pour un musulman puisque c'est une religion à laquelle il ne croit pas.
Pour lui ça n'a ni queue ni tete, ce n'est pas son culte.
Il aimera mieux des prières musulmanes.
Et un catholique ne peut pas faire de prières musulmanes. Il peut juste faire des prières de son culte.
Faire des prières bouddhistes à un catholique idem. C'est un non sens. Ca n'a ni queue ni tete.

7.Posté par Melen le 29/01/2017 16:57 | Alerter
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Si les avis ne concernent que la vie privée, il n'y a strictement aucun rapport avec la laicité.
L'auteur mélange tout à mon avis.
Laicité signifie séparation.
Les croyants qui cherchent des avis auprès de croyants de leurs confessions ne contreviennent pas à la laicité donc.
Je pense que croyant ou pas l'humain est ainsi, il a besoin la plupart du temps qu'un autre que lui donne son sentiment sur une chose ou une autre. Ce n'est pas une particularité qui ne concernerait que les croyants.
Je crois comprendre que pour l'auteur de l'article la raison c'est savoir décider seul pour soi meme de comment on vit sa religion. Que les conseils, les avis d'une personne qui partage une meme philosophie n'ont pas lieu d'etre.
Pourquoi les athées le font-ils aussi donc.
Ce n'est pas inhérent aux croyants.
Demander des conseils, des avis pour sa vie personnelle on fait ça tout le temps.
Personne, que l'on soit croyant ou pas ne peut s'en passer.
Le transcendant existe d'ailleurs aussi chez les athées.
Bien qu'ils s'en défendent eux aussi croient en des choses qui n'existent pas.
Le bien, le mal, le beau, le moche, l'espoir, le désespoir n'existent pas. Ce sont des concepts humains. Et pourtant les athées y croient.
Les non croyants sont la raison et les croyants sont la déraison est une thèse fausse.
Si la raison c'est décider, choisir seul sans ne jamais avoir besoin de conseils, d'écoute, qu'elle puisse émaner d'un croyant ou d'un athée, ça signifierait que nous serions la raison incarné...  

8.Posté par Melen le 30/01/2017 15:38 | Alerter
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Partant de ce principe, si des conseils, dicter une ligne, un dogme est à condamner, ce sont les théologiens, les épiscopats et meme le pape qu'il faudrait interdire.
Sachant que ce sont eux qui sont les garants du dogme, ils sont ceux qui l'ont fixé.
Les conseils ne sont que les recommandations pour l'application.
Montrer du doigt des conseils, c'est un peu comme montrer du doigt les croyants. tandis que c'est le dogme que lui meme dont on ne veut pas.
Le catéchèse serait une atteinte à la laicité, une déraison, il ferait des individus dominés, il ferait le lit du fanatisme. Si tel était le cas, ce n'est pas eux qu'il faut montrer du doigt, mais les épiscopats.
Le catéchèse est l'enseignement de comment vivre sa spiritualité, mais ce sont les élites qui le dicte, eux ne sont que les transmetteurs.

9.Posté par Melen le 02/02/2017 19:11 | Alerter
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Le rabbin Sitruk souhaitait plus de tribunaux rabbiniques en France. Mais personne n'a jamais prétendu qu'ils étaient un frein à la laicité. Ce type de position sont des avis religieux mais pas des avis qui contreviennent à la laicité.


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