Société

Le plan Sarkozy : l’arbre des impossibles de l’immigration choisie

Rédigé par Nadia ben Othman | Mardi 11 Avril 2006 à 17:37

Mercredi 29 mars, Nicolas Sarkozy présentait en conseil des ministres son projet de loi de lutte contre l’immigration. Objectif affiché de ce plan drastique, passer d’une « immigration subie » à une « immigration choisie ». Un projet dénoncé par certains comme « violant les droits fondamentaux », et des associations n’hésitent pas à parler d’ « immigration jetable ».



Des mesures plus restrictives

Les principales dispositions de la version non amendée du plan Sarkozy articulent une restriction du droit à l'immigration autour de trois points :

- Le regroupement familial ne pourrait désormais être demandé qu'après un séjour régulier en France de 18 mois, au lieu d'un an précédemment. Le demandeur devra également justifier d'un niveau de revenus d'un niveau au moins égal au SMIC et provenant d'un travail et non d'allocations. De plus, la carte de résident ne sera attribuée au conjoint de Français qu'après trois ans de mariage.

-Les demandeurs de carte séjour temporaire devront au préalable se voir délivrer un visa long séjour. Les migrants souhaitant s'installer en France devront lors de leur première entrée sur le territoire national, signer un « contrat d'accueil et d'intégration » comportant une formation civique et linguistique. Pour obtenir une carte de résident de dix ans, l'étranger devra satisfaire à une condition « d'intégration » fondée sur trois critères : « l'engagement personnel de respecter les principes qui régissent la République française, le respect effectif de ces principes et une connaissance suffisante de la langue française », d'après le projet. Par ailleurs, la délivrance automatique d'une carte de séjour aux immigrants irréguliers en France depuis dix ans est supprimée.

-Des catégories privilégiées de migrants, « dont la personnalité et le projet constituent des atouts pour le développement et le rayonnement de la France », se verront attribuer une carte séjour « compétences et talents », qui sera spécialement créée. Enfin, le projet facilite la délivrance et le renouvellement des titres de séjour des étudiants étrangers dès lors que leur projet d'étude aura été validé dans leur pays d'origine avant leur départ. Les jeunes diplômés étrangers obtenant leur master en France pourront compléter leur formation par une première expérience professionnelle dans la perspective du retour dans leur pays d'origine.

Saturation

Un rapport commandé par le ministère de l'Intérieur en septembre 2005, rédigé par Richard Castera, inspecteur général de l'administration, remet en cause l'idée selon laquelle l' « immigration choisie », se substituant à « l'immigration subie », résoudraient les difficultés patentes d'un marché de l'emploi saturé. Selon lui, la France « n'a d'autres choix que de réduire, au moins pendant quelques années, le flux des personnes entrant sur son territoire, faute de quoi, elle s'expose à de nouvelles explosions comme celle qu'elle a connue en novembre dans les banlieues ».

Paradoxalement, l'Ancien Commissariat au Plan (aujourd'hui Centre d'Analyse Stratégique), dans un autre rapport, considère que bienque « la France ne connaîtra pas, à l'horizon 2015, à la différence d'autres pays européens, de problème démographique global qui justifierait un recours massif à l'immigration (…), ce constat n'interdit pas à la France de s'interroger sur l'immigration ciblée dont elle a besoin, pour répondre à certaines difficultés sectorielles de son économie ou, de façon plus positive, pour enrichir son développement et sa croissance ».

Au plus haut niveau de l'Etat, on ne semble pas d'accord sur les solutions à adopter, dans un contexte économique si tendu, face à l'immigration.

La lutte contre les « mariages de complaisance »

Le 22 mars dernier, les députés de l'Assemblée Nationale adoptaient en première lecture le projet de loi dont l'objet est de lutter contre les mariages de complaisance et les mariages forcés. On entend ici par « mariage de complaisance », ce qui autrefois portait la dénomination de « mariage blanc », soit une fraude destinée à acquérir la nationalité française par épousailles.

Le projet prévoit notamment une audition des futurs époux en cas de doute sur le libre consentement d'un des intéressés et sur la réalité du projet matrimonial. Il oblige les ressortissants français voulant se marier à l'étranger à présenter un dossier aux autorités diplomatiques qui décideront de la sincérité ou non de leurs intentions. En cas de doute, le consulat ou l'ambassade devront informer le procureur de la République pour qu'il s'oppose au mariage.
Ce texte, lui aussi controversé, a été boycotté par les groupes PS et PC qui se sont prononcés contre, lors du vote. "Nous ne pouvons que nous opposer à un texte marqué par un souci maniaque de tout contrôler et par des soupçons permanents vis-à-vis de l'immigration", affirme Serge Blisko, un député socialiste, estimant que la fraude prouvée était estimée « à 2% des mariages mixtes ».
Pour Pascal Clément, le Ministre de la justice, « l'objet de ce texte est de compléter notre droit afin que les mariages célébrés à l'étranger soient soumis aux mêmes règles que les mariages célébrés en France », précisant que de 1999 à 2003, le nombre de mariages célébrés entre des Français et des ressortissants étrangers avait progressé de 62%. Mais derrière ce constat, l'enjeu est bel et bien de lutter contre l'immigration puisque le Garde des Sceaux ajoute qu' « un mariage sur trois est un mariage mixte -et que- pratiquement 50% des acquisitions de la nationalité française ont lieu par mariage ».
Le texte envisage notamment une audition des futurs époux en cas de doute sur le libre consentement d'un des intéressés et sur la réalité du projet matrimonial. Enfin, dans le but de lutter contre les mariages forcés, le texte dispose que les futurs époux mineurs seront entendus seuls par l'officier d'état civil.
Le projet doit être examinée par la Chambre Haute (le Sénat) à la fin du mois de mai.