Points de vue

Le difficile règne de Mehmet III

Par Seyfeddine Ben Mansour

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Mardi 21 Mai 2013 à 00:00



Mehmet III était né sous les meilleurs auspices. C’est rien moins que Soliman le Magnifique – qui marchait alors sur la Hongrie et à qui on venait d’annoncer la naissance d’un nouvel arrière-petit-fils en ce 1er juin 1566 – qui le parera du beau prénom de Mehmet.

Troisième du nom, ce treizième sultan de la dynastie ottomane ne saura pas, hélas, se hisser à la hauteur de ses prestigieux ancêtres. Son court règne (1595-1606) sera marqué par une grande instabilité politique, par une inflation chronique et par des désordres tant civils que militaires. Pas moins de douze grands commis de l’Etat se succéderont au poste de Grand Vizir, dont trois – Ferhad Pacha, Khadim Hasan Pacha Sokolli et Yemichdji Hassan Pacha – mourront exécutés.

L’akçe, la monnaie d’argent ottomane, qui en 1580 s’échangeait à 60 akçes pour un ducat d’or vénitien, voit sa valeur divisée par deux à l’orée du XVIIe siècle.

Un Empire sur le déclin

Quant à la Longue Guerre, les différentes victoires auxquelles elle a mené cachent assez mal le déclin de l’Empire, qui atteindra sous Mehmet III un seuil critique.

Durant les treize années de son règne, les Ottomans affronteront une grande coalition européenne menée par la dynastie autrichienne des Habsbourg sur un territoire correspondant de nos jours à la Bulgarie, à la Serbie, à l’ouest de la Hongrie et au sud de la Roumanie et de la Slovaquie.

En 1595, la principauté de Valachie est occupée et transformée en voïvodie (Etat vassal). Le 7 août, c’est au tour d’Esztergom de tomber sous les coups du Grand Vizir Khodja Sinan Pacha. L’année suivante, cédant à la pression de ses Janissaires, Mehmet III décide de mener son armée en Hongrie, renouant ainsi avec un usage abandonné depuis Soliman le Magnifique. Le 12 octobre 1596, la ville d’Eger capitule au terme d’un siège de trois semaines.

Mehmet III a retardé la conquête de la Hongrie

Le 25 octobre, une grande bataille est lancée à Mezökeresztes, qui voit dans la soirée du 26 la victoire des troupes ottomanes, renforcées par un corps spécial de l’armée tatare sous le commandement de Khan Feth Giray, qui tailleront en pièces les forces combinées des Habsbourg et des Transylvaniens. Le traité de paix de Zsitvatorok, signé le 11 novembre 1606 par un Empire ottoman vainqueur, n’en consacre pas moins une défaite stratégique.

Loin d’avoir atteint son objectif d’expansion vers l’Ouest (avec, en ligne de mire, la conquête de Vienne), Mehmet III, au prix d’une guerre longue et coûteuse, n’a fait que stabiliser la frontière austro-ottomane en maintenant la Transylvanie hors de portée des armées autrichiennes, et retardé ainsi de quelques décennies la conquête de la Hongrie par les Habsbourg.

De nombreuses exécutions familiales

Pendant ce temps, à Istanbul, les affaires de l’Etat sont aux mains de la mère de Mehmet III, Safiye Sultan, une femme issue de l’aristocratie vénitienne, et qui avait sur son fils, faible et superstitieux, une emprise absolue.

Un soulèvement du corps militaire des Firaris (spahis anatoliens) contre le pouvoir de la Validé Sultan, de la mère du sultan, mènera à l’assassinat en avril 1600 de sa dame de confiance et chargée des affaires financières, la fonctionnaire du Palais d’origine judéo-espagnole Esperanza Malchi.

Trois ans plus tard, le shah de Perse Abbas Ier profitera de la faiblesse de l’Etat pour s’emparer de la cité ottomane de Tabriz, qui sera finalement prise le 11 octobre. Le 7 juin, dans un accès de fureur, Mehmet III fait exécuter un de ses chefs militaires : Mahmud, son fils aîné. En 1595 déjà, il avait fait exécuter ses 19 demi-frères. C’était le 28 janvier, le lendemain même de son accession au trône...


Première parution de cet article le 26 avril 2013, dans Zaman France

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