Religions

Le culte musulman en France à un tournant de son histoire

Rédigé par Colin Mohammed | Lundi 1 Juillet 2002 à 00:00

Pendant longtemps on avait craint que l'élection du CFCM se retrouve inséré, inopportunément, dans le calendrier des présidentielles et des législatives. Les inquiétudes soulevées il y a quelques mois semblent se confirmer de manière importante et c'est peu dire que de parler d'une période mouvementée qui secoue aujourd'hui le processus de la consultation devenu l'otage, plus que jamais, de considérations politico-politiciennes.



Pendant longtemps on avait craint que l'élection du CFCM se retrouve inséré, inopportunément, dans le calendrier des présidentielles et des législatives. Les inquiétudes soulevées il y a quelques mois semblent se confirmer de manière importante et c'est peu dire que de parler d'une période mouvementée qui secoue aujourd'hui le processus de la consultation devenu l'otage, plus que jamais, de considérations politico-politiciennes.

LES GRANDES MANŒUVRES.

Jusqu'à la mi avril, une majorité des lieux de culte musulman ( 77.49 %) avait manifesté son intérêt pour le premier scrutin de l'histoire de l'Islam en France, en validant leur participation auprès des comités locaux électoraux de la Consultation. A travers plusieurs étapes successives, il fallait désigner un nombre de délégués en rapport avec la superficie du lieu de prière, constituer des dossiers administratifs complets et s'atteler à l'élaboration de listes de candidats pour pourvoir les sièges des assemblées régionales et nationale du CFCM. Ce ne fut pas une mince affaire, dans des délais impartis relativement courts, de satisfaire aux exigences de ces différentes procédures. Qu'importe, on s'est retroussé les manches pour encourager un processus prometteur dans lequel il fallait s'efforcer d'être présent de la manière la plus positive et responsable.
C'était sans compter sur la mobilisation planifiée et sur la capacité de nuisance de structures nationales rattachées à des états étrangers, qui ont depuis le départ tout à craindre pour leur leadership d'une consultation de la base. Ainsi de nombreux incidents et irrégularités ont émaillés les opérations successives de préparation aux élections du 26 mai 2002. D'abord ce fut dans le fonctionnement quotidien des CORELEC que des individus liés aux consulats marocain et algérien tentèrent de perturber l'avancement des tâches tout en utilisant les informations électorales pour exercer des pressions sur le terrain. C'est ensuite dans la constitution des listes de délégués (les votants ) et de celle des candidats qu'on a assisté à une vaste offensive tout azimut pour faire échec à l'émergence de groupements d'intérêt général, indépendants farouchement opposés aux considérations ethniques et nationalistes. On a vu poindre une réelle menace, à travers cette mobilisation massive et saine de la base, contre les volontés hégémoniques des états maghrébins sur l'Islam de France. Le travail de sape n'en a été que plus intense de la part de ces derniers.
La situation a atteint des niveaux de gravité tels, dans certaines régions, que la validité du scrutin est quelque peu entamée. De nombreuses plaintes commencent à voir le jour, associées paradoxalement à une forte détermination pour la tenue, malgré tout, du scrutin du 26 mai.
Et c'est l'une des premières conclusions majeures de ce processus : même si la Consultation a suscité de fortes critiques depuis le début, elle apparaît de plus en plus comme la méthode incontournable pour sortir de cette situation chaotique dans laquelle est plongée l'Islam de France.

LE CFCM PRIS DANS LES CLIVAGES POLITIQUES.

Des rumeurs persistantes alimentent l'idée d'une collusion de la Droite avec la Mosquée de Paris qui viserai à liquider cette expérience, dans leurs intérêts respectifs. Le résultat du premier tour des présidentielles semble avoir donné des ailes à cette tendance, ce qui peut laisser supposer la préparation d'un assaut final sur la Consultation. Mais l'actuel président sortant s'est abstenu prudemment de dénigrer la démarche à l'encontre de laquelle il a même manifesté des signes positifs d'encouragements apportant par la même une caution importante au processus initié par l'autre bord politique. Cette donnée est loin d'être négligeable quand on sait que la mobilisation importante des lieux de culte pour le CFCM lui donne à fortiori raison. De plus, une réelle incertitude demeure sur les résultats des prochaines législatives, ce qui contribue à limiter les ardeurs des détracteurs de la Consultation qui vont très certainement affiner leur tactique.
Quant au gouvernement actuel, une extrême prudence semble de mise dans cette configuration où la priorité n'est plus forcément de soutenir cette démarche, mais de limiter des risques électoraux importants. Médiatiquement on peut aussi logiquement s'attendre à une campagne de diabolisation devenue habituelle dans les moyens utilisés par les opportunistes de l'Islam institutionnel français.
Dans ce contexte, c'est bien la capacité de peser collectivement de l'immense majorité des acteurs du culte musulman qui est mise à l'épreuve. Ou ces personnes de terrain sont capables de s'organiser pour se faire entendre et défendre les intérêts du culte musulman et le processus de la consultation ou alors l'avenir sera encore aux mains de tous les affairistes et autres dictateurs structurés depuis longtemps dans l'instrumentalisation de la deuxième religion de France et de ses difficultés à des fins qui n'ont rien de spirituel.
Si le CFCM est une expérience historique, la responsabilité de tous aujourd'hui l'est aussi.