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Points de vue

Le combat d’un homme contre l’amnésie coloniale

Rédigé par Fouad Bahri | Mardi 11 Juillet 2006 à 16:46

           

Mohamed Garne est un rescapé. Depuis dix-huit ans, il mène un combat acharné contre un passé que l’Etat français ne veut pas reconnaître, celui de la guerre d’Algérie.
Né d’un viol collectif de soldats français sur sa mère, il y a quarante-six ans, Mohamed Garne avait obtenu une première victoire en cour d’appel avec une reconnaissance, cinq ans auparavant, de son statut de victime de guerre.
Ayant saisi le conseil d’état pour une requête de crime de guerre, il vient tout juste d’être débouté. Mais l’homme n’en a cure. Déterminé à poursuivre son combat, il va saisir la cour européenne des droits de l’homme, bien décidé à aller jusqu’au bout. Au nom de la justice…



Mohamed Garne
Mohamed Garne
Cet homme là est un guerrier. Un dur. Il ne lâchera rien. De sa naissance, résultat d’un viol collectif, à sa jeune vie d’homme perturbée par son passé jusqu’à sa maturité, Mohamed Garne, de la vie, a largement fait ses classes. Un apprentissage douloureux mais qui a marqué cette personnalité qui mène depuis bientôt deux décennies, un combat que d’aucun qualifierait d’homérique. Contre l’Etat qui a longtemps nié les crimes de la guerre d’Algérie, et les bouleversements qu’ils ont entraînés. Contre l’amnésie collective, qu’une loi d’amnistie s’attache farouchement à protéger. Contre l’injustice du passé, enfin, qui semble resurgir dans son présent.

Les stigmates du passé

Tout commence en Algérie, le 19 avril 1960, dans le camp de détention de Theniet al-Had, lieu sinistre où l’armée française a détenu des millions d’algériens. Capturée dans la montagne, la mère de Mohamed, Kheira, est ramenée au camp où, plusieurs jours durant, de nombreux soldats français, « des tas » dira-t-elle, la violeront et la tortureront. De ce viol naîtra Mohamed. Forcée à l’avortement par les soldats, qui iront jusqu’à lui infliger des coups de pieds dans l’abdomen, elle parvient à mettre au monde l’enfant qui lui sera retiré.

Placé dans différents orphelinats, Mohamed ne retrouvera sa mère que vingt-huit ans plus tard. Après d’émouvantes retrouvailles, il ignore encore ce viol et décide d’entamer une recherche de paternité. Quant il découvre le crime originel, il aura, quelques années plus tard, ces mots pour sa mère, « maman, j’aimerais te dire merci de m’avoir porté durant ces neufs longs mois, alors que tu savais que j’étais le fruit de la haine et non pas l’enfant désiré… ».

Le temps est alors à la justice. Mohamed commence un long parcours juridique du combattant qui le mènera, au bout de treize années, à la reconnaissance de son statut de victime de guerre. La cour d’appel de Paris lui accordera une pension d’invalidité de 30 % pendant trois ans. Elle ne suivra pas les conclusions du psychiatre des armées, le professeur Louis Crocq, qui réclamait un taux d’invalidité à 60 % pour lésions fœtales, séparation arbitraire de la mère et de l’enfant et la révélation des conditions de sa naissance. Seule la première d’entre elles sera retenue par la cour. Mais la victoire est là. « Je suis la première victime de guerre en Algérie, je suis le premier qui a osé défier l’Etat. Je dédie cette victoire aux peuples français et algérien qui ont souffert tous les deux. Quarante ans de silence et brusquement on rouvre ce douloureux, c’est fantastique ! », dira-t-il fièrement.

L’histoire se répète

En 2002, le destin de Mohamed, comme une lointaine réminiscence, bascule à nouveau. En plein cœur de Paris, il intervient en faveur d’une personne menottée et malmenée par des policiers. Il se retrouvera au poste, puis après plusieurs heures, transféré au service psychiatrique de la police.

Entre temps, il affirmera dans une lettre adressé à Nicolas Sarkozy, avoir subi des violences physiques et psychiques des policiers. Il sera reçu par l’IGS, qui après avoir observé son état physique, lui accordera une interruption temporaire de travail (ITT). Bien décidé à ne pas en rester là, il saisit à nouveau la cour européenne des droits de l’homme.

Il écrit aussi un livre où il raconte son combat, Lettre à ce père qui pourrait être vous, aux éditions Lattès. Un combat qu’il poursuit avec l’espoir de tourner la page.
« Tout ce que je souhaite c’est retrouver notre honneur afin de faire notre deuil et pouvoir tourner cette page triste de notre histoire. »




Réagissez ! A vous la parole.

1.Posté par Liman le 19/07/2006 00:03 | Alerter
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C'est une histoire extrement triste et dramatique, j'ai lu son livre, j'en pleurais de rage.
Est ce que quelqu'un peut m'indiquer où je peux trouver l'auteur, car cette année nous organisons une commemoration d'octobre 61 et si on pouvais élargir la thématique ce serait bien, histoire de parler de son livre et de son histoire.
JazzakOumAllah.
Liman
vetogarges@yahoo.fr

http://vetogarges.free.fr/

2.Posté par garne le 10/08/2006 07:09 | Alerter
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bonjour liman

tu peux me contacter sur mon site dans la rubrique me contacter ou commentaire et je me ferais un plaisir de te repondre.
a bientôt MOHAMED GARNE

3.Posté par garne le 10/08/2006 07:14 | Alerter
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re bonjour limane

j'ai dut me tromper alors voici mes coordonnées merci et a bientôt.

MOHAMED GARNE

4.Posté par ines le 11/11/2006 15:06 | Alerter
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salem
bravo pour votre courage et votre combat .se "pere" la ne vous méritait pas.accrocher vous a la vie dieu est grand et vous rendra justice inchallah

5.Posté par A. DEREMY le 28/06/2007 11:59 | Alerter
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Victime de guerre en Algérie serait sans ignorer celles du "pacifisme" après la prétendue libération. Des accords secrets et autres "nomenclatures" pernicieuses d'hommes sans scrupule.

D'une vue de l'Autre. Bien à Vous.

6.Posté par Admin le 17/10/2008 21:47 | Alerter
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Très émouvant.
Aucun crime ne sera éternellement caché, occulté ou ignoré.
Impuni, non plu !

Admin
http://justesdalgerie.forumactif.net/


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