Religions

Le Waqf, de Médine à nos jours

Bien de mainmorte en islam

Rédigé par Youssef Chems | Jeudi 27 Avril 2006 à 13:03

Médine. Sur le sable de Koubaa, la première mosquée de l’Islam, Omar Ibn Khattâb, un compagnon, s’approche de Mohamed (sws) et l’interroge avec respect, « Oh ! Prophète de Dieu, j’ai gagné à Khaybar des richesses comme je n’en ai jamais gagné auparavant. Que veux-tu que j’en fasse ! » L’envoyé d’Allah prend sa main et avec douceur, « Si tu le veux, tu peux conserver la partie initiatrice et donner les bénéfices en charité de telle sorte que cette partie ne puisse être vendue, achetée, donnée en cadeau ou léguée »



le WAQF vient de naître

Ce hadith n'est que le précurseur d'autres encouragements du Prophète (ass) à constituer en hubus (habous) une partie des biens d'un musulman à destination de bienfaisance « Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez Dieu et faites œuvre de charité, peut-être serez-vous gagnants ! » (III,77). Quel plus bel acte de partage que celui d'offrir ce à quoi l'homme risque de s'attacher le plus « Vous n'atteindrez pas la vraie piété tant que vous ne donnerez pas en aumône ce que vous aimez » (III,92). Immeubles, terres, arbres…Allah note les gestes des hommes et « C'est Nous qui rendons la vie aux morts. Nous inscrivons ce qu'ils ont faits et les conséquences de leurs actes » (XXX,12) et en conséquence les effets bénéfiques des offerts sous forme de Habous ou Waqfs survivront au fondateur et les récompenses en seront inscrites tant que durera le bienfait de cette donation. Rien n'est plus clair, mais avec la précaution de ne permettre au gérant qu'un infime prélèvement pour se nourrir, sans qu'il ne puisse jamais s'enrichir à titre personnel.

Les compagnons du Prophète (ass) se sont alors empressés de faire don de leurs biens au profit d'œuvres pieuses et le Waqf est ainsi devenu une des institutions fondamentales du monde de l'Islam en finançant les activités sociales, les projets de développement, la défense de la communauté et les campagnes militaires coûteuses. Mais il fallait éviter que les belles intentions (nya) des fondateurs ne soient détournées. Les Fatimides imposèrent aux cadis d'inscrire et de répertorier toutes les opérations garantissant la pérennité et le bon emploi de ce qui leur a été confié. Mais ce ne sont que des hommes et on peut sans peine en prévoir les dérives.

A l'origine du mot Waqf

Les « habs » ou encore « hubus » expriment avant tout le  fait d'arrêter ou de suspendre le mouvement d'une chose, de l'immobiliser (awqaf). Puis s'élargit à la notion d'assigner à cette même chose un usage déterminé qui retire à tous les héritiers ou possibles bénéficiaires le loisir d'en disposer d'une quelconque façon. La charri'a va plus loin et accole une intention religieuse aux fins de bienfaisance, parfois même sur plusieurs générations (bâtiments, puits, commerces, récoltes…). Le terme waqf en Orient ou habous au Maghreb s'applique indifféremment, mais le premier semble avoir une connotation plus religieuse et charitable. Gardons en mémoire la belle définition du jurisconsulte hanbalite Ibn Qudâma « le habs c'est le fait d'immobiliser un fonds et d'en affecter les revenus à une fin charitable ». Juridiquement le « tahbiss » désigne le fait de suspendre les droits du premier propriétaire et le « tasbîl » définirait plutôt l'usufruit de ce même bien désormais habous. Tout est résumé dans ces paroles du Prophète (ass), « Lorsqu'un homme meurt toutes ses œuvres disparaîtront avec lui, sauf s'il a laissé trois choses : une charité durable -sadakat jâriyat-, une science utile ou un enfant vertueux qui priera pour son âme »

Qui est donc propriétaire ?

Dès l'instant où le musulman confie son bien en Waqf, il en perd toute disponibilité. Il ne pourra plus ni le reprendre, ni le céder et il échappe même à ses propres héritiers. Il n'est plus à lui, il est devenu un « fondateur », pour l'amour de Dieu. Et bien évidemment il est dispensé de toutes charges, taxes ou frais concernant son bien désormais « habousé ». La fondation gérante se substitue à lui. L'homme a ainsi témoigné sa gratitude envers Dieu, et pour l'en bien persuader on peut lire dans le Coran (XXVIII,77) que « Au milieu des Biens que Dieu a accordés, il faut rechercher la dernière demeure ».

Il a rendu grâce à Dieu pour toutes les faveurs que ce dernier lui aurait accordées lorsqu'il a constitué son patrimoine. Il s'est purifié en se délestant de la cupidité de la propriété, de la convoitise et la générosité et l'altruisme sont désormais ses credos. Et il trouvera encore dans le Coran (IX,103) « Prélève une aumône sur tes biens, pour les purifier et les rendre sans tâche ». Il a permis de compléter le déficit des quêtes dans les mosquées (zakats) d'une façon plus durable. Il a pensé à l'avenir de sa communauté en s'inscrivant dans une magnifique idée, vie éternelle pour le fondateur et vie immédiate plus acceptable pour ceux qui en bénéficient. Cette prise de conscience pour tous ceux qui accomplissent ce devoir d'altruisme est adaptée à chaque individu, rien de plus que ce qu'il peut offrir « Dieu n'impose à chaque homme que ce qu'il peut porter » (Coran II,285). On trouve là toutes les formidables énergies qui ont bâti la civilisation islamique et qui ont permis aux musulmans d'asseoir leur pouvoir sur le monde pendant si longtemps.

Le waqf aujourd'hui

Les fondations au fil des siècles se sont enrichies, même si elles ont subi les effets des détournements et des négligences de ceux qui étaient en charge de les gérer. Mais il y a toujours eu un haut responsable, un dignitaire ou un savant pour les aider à retrouver le droit chemin. Tous les croyants vénérent et respectent ces biens habous et ceux qui les ont salis ont toujours été sanctionnés avec sévérité. Le déclin des influences musulmanes dans les civilisations qui ont succédé aux apogées de l'Islam n'a pas vraiment ébranlé les biens waqfs. Tout simplement parce que de nouveaux dons ont ressourcé ceux qui disparaissaient et que les usufruits ont souvent comblé les déficits. Cette croissance interne garantit la pérennité de l'institution et la préserve des accrocs de l'histoire et de la politique.

Pourtant un bémol dans la croissance des fondations intervient avec les colonisations qui ont trouvé là un « trésor de guerre » tout prêt à être pillé. Les nouveaux arrivants se sont servis et resservis. Ils ont exploité sans vergogne les bénéficiaires de biens habous, les ont dépossédés et ruinés sans état d'âme. Ils savaient toucher là le gisement sans fin des anciens dirigeants et ainsi les affaiblissaient en les fragilisant. Au Maroc par exemple, des territoires entiers et des immeubles ont été offerts aux colons métropolitains, sans oublier des ponctions numéraires qui n'ont jamais été remboursées. Les autorités délaissent les entretiens de mosquées et celles-ci tombent rapidement en ruine.

Ces nouveaux « services d'inspections » vont littéralement pirater les biens habous si patiemment constitués par des générations de croyants et on trouvera même certaines illustres institutions transformées en gardiennage de troupeaux. Il s'agit d'un combat non seulement financier mais surtout idéologique contre les cultures islamiques et religieuses, à visages découverts. Le même schéma destructeur se retrouvera en Algérie, en Syrie, en Tunisie , partout où l'Occident s'installe. Avec la même finalité très organisée, détruire par la faillite les fondations pieuses et en conséquence diminuer, voire anéantir les capacités de résistances des populations à l'envahissement colonial. Bien vu.

A leur expulsion les colons en ont laissé les responsabilités à des nationaux soumis et corrompus qui s'employèrent à perpétuer ces lamentables habitudes. La politique coloniale a donc perduré dans certains de ces nouveaux états-nations et plus encore dans les pays s'essayant au totalitarisme. La banqueroute des waqfs arrivera vite et l'intervention étatique puisant sur les budgets publics parviendra parfois à équilibrer certaines déconfitures. Fiasco.
Il est temps de réactiver dans leur esprit originel les waqfs vraiment islamiques en les adaptant aux réalités modernes politiques et législatives, en essayant de les inscrire dans une volonté politique nationale protectrice ou, si elle est impossible, en privilégiant pour leur gestion les associations de charité ou de bienfaisance régionales ou nationales. Mais en gardant toujours en mémoire la réponse médinoise du Prophète à son fidèle Omar.

La Mainmorte occidentale

Les incitations du Prophète (ass) appliquées immédiatement en Arabie ont eu des échos en Occident; et l'Europe féodale s'en est inspirée avec le plus grand profit. Influence musulmane s'il en est une. François Ier et Henri II l'avaient bien compris. Le comte de Bourgogne abandonna des terres sous conditions de « mainmorte » à des milliers d'arrivants et les populations y trouvèrent le bonheur d'être sur leur propre sol tout en n'ignorant pas l'obligatoire réversion dans le cas de mort sans enfant légitime. En Suisse, cette « mainmorte » qui permet au seigneur de disposer des biens de son vassal à sa mort a encouragé cette pratique tout en veillant attentivement à l'équilibre des gestions et en cela on peut faire confiance aux helvètes.
La Révolution française n'est pas encore là et le pays essentiellement agricole compte plus d'un million de bénéficiaires du régime mainmortable.
La nuance avec le waqf instauré par le Prophète de l'islam, se situe dans le fait que le seigneur est parfaitement autorisé à saisir les biens de son serf à sa mort. Ce système s'applique davantage à une population subalterne, si ce n'est asservie. En Comté ou en Bourgogne la condition de mainmortable est une tare sociale et peut être considérée comme une insulte grave susceptible d'actions judiciaires. Pire encore il est exclu de tous les corps de métiers, de la bourgeoisie et des administrations civiles…on est bien loin de la notion pieuse et charitable de Médine.

Par la volonté du Roi

Au Maroc, Mohamed VI a très bien compris qu'il fallait désamorcer les retombées des attentats récents de Casablanca et reprendre l'initiative dans le microcosme religieux. Ahmed Taoufik, Ministre des Habous et des Affaires Islamiques, est encouragé dans sa mission. Il va restaurer et rénover en profondeur son maroquin. « Mon administration se doit d'assurer une adaptation de la chose religieuse de façon qui va de pair avec notre spécificité, basée sur le rôle dévolu à l'institution d'Amir Al Mouminine et le patrimoine historique qui se nourrit de nos valeurs basées sur l'ijtihad, l'unité du rite et l'interaction avec les différents apports de la pensée ». S'adossant à cette déclaration essentiellement religieuse il va en faire un outil pour rapprocher réalités sociales et doctrines. La tâche est immense, mais cet homme de Foi et de courage, respecté par tous, saura la conduire en se mettant au service de ses frères et concitoyens. Nous en sommes tous persuadés. Mais de quoi hérite-t-il ?

Le Maroc est depuis toujours une terre d'agriculture. Une bonne récolte et tout va, sinon les campagnes grondent. Plus de la moitié des terres de culture sont la propriété de l'Etat, parcelles publiques et habous avec des gestions collectives ou sous tutelles. L'Etat s'est emparé des terres melk dès la période coloniale et ne les a pas rendues à l'indépendance. La lutte sévère pour le partage de plus d'un million d'hectares occupés aboutit à une privatisation massive. Une réforme s'impose, elle est là. Il est impératif d'en revoir les attributions et surtout les légitimités. Tout et son contraire a été constaté. Les fondements mêmes des habous ont été détournés. Les statuts fonciers sont autant d'entraves à la productivité et l'Etat s'est trop souvent approprié les terres la plupart du temps jamais immatriculées. La frontière entre habous privés, publics ou zaouias est transgressée chaque jour et plus personne ne s'y retrouve sauf peut-être quelques uns qui savent parfaitement en profiter. Ces biens en principe inaliénables et insaisissables se retrouvent au centre d'une législation complexe, détournée par des juristes qui se rabattent sur les contrats de bail perpétuel ou « enzel » et appliquent des procédures d'échanges ou d'enchères publiques. L'Etat se sert lui aussi sans souci sur les terres anciennement coloniales qui retournent ainsi dans un patrimoine  « beldi » qui, au fil des années, se dilapide en oubliant les belles envolées du tout premier waqf médinois. Dans les semaines qui suivirent l'indépendance plus de 1.000.000 hectares ont été privatisés. Qui en profite aujourd'hui  et avec quels titres de propriété ?! On est en droit de s'interroger...

Le trésor des habous

Le manque évident de transparence empêche une réelle estimation et les suspicions ou légendes les plus fumeuses se sont emparées des esprits. Ahmed Taoufik s'est promis d'y remédier, un jeune Roi décide. Il faut y croire. La transparence et l'avenir sont à ce prix.

Environ 100.000 hectares de terres et 50.000 biens immobiliers constituent la fortune des habous marocains, et pourtant tout est déséquilibré avec plus de 70% de cet empire foncier non immatriculé. Le quart de Marrakech ou les Quaraouyines de Fez en font partie. Dans les campagnes la situation s'aggrave avec plus de la moitié des terres. Cet empire foncier fait rêver, mais la réalité est beaucoup plus dramatique. Tout fonctionne à perte, avec une rentabilité ridicule à tel point que l'Etat doit trop souvent combler les déficits.

Le Golgotha de Ahmed Taoufik. Ses services doivent absorber un Himalaya de problèmes et chaque solution touche directement au social et à la vie de chacun. Aligner les loyers sur le prix du marché va immédiatement plomber les pauvres budgets familiaux et la conscience de cet homme de Foi devra y faire face. Comment ?

Faire sauter les pratiques commerciales illicites, nettoyer les transferts des pas-de-porte hors légalité, récupérer les arriérés…Il a prévu une réforme profonde et nécessaire du Code des habous. Une première dans l'histoire du monde musulman qui va moderniser cette institution et renforcer son rôle d'acteur économique et social dans le paysage politique marocain et même envisager des solutions de placements financiers « éthiques » très encadrés. Le Roi dit-on, suit de très près les avancements des travaux de son ministre et insiste sur la sacralité de ce patrimoine.
Il attache une importance toute particulière aux revenus des éventuelles cessions qui, selon le principe coranique, ne peuvent être injectés que dans un investissement plus rentable que l'originel. Ce haut responsable veut, avec opiniâtreté, et la tâche est gigantesque et délicate, rationaliser la gestion de son ministère tout en respectant les dispositions de la chariâa et bien entendu les valeurs fondamentales de la solidarité. Il lui faut aussi tenir compte des lourdeurs et traditions d'une administration bien installée dans trop de routinières habitudes. Et en particulier ne pas occulter les nombreux documents waqfs que des « adouls » ont enregistrés depuis tant d'années et qui sont un des fondements spécifiques qui définit le waqf. En un mot il se doit de tout mettre en œuvre pour protéger le waqf et lui rendre sa fonction première, celle que le Prophète lui a attribuée à Médine, au tout début de l'hégire. Les responsabilités des notaires doivent être redéfinies pour mieux respecter les valeurs des titres réels de propriété et ainsi préciser la certification et l'intégration du statut habous des biens waqfs. Les textes constitutifs se référent encore aujourd'hui au droit d'avant l'indépendance. Même si la notion de waqf est intemporelle et traverse les siècles et les hommes, il va être nécessaire, comme l'a fait la Tunisie par exemple, de revoir la copie et de clarifier statuts, droits et obligations.

Le budget du ministère a été augmenté de plus de la moitié. Avec une obligation, celle de lancer un programme de formation et d'encadrement des «études religieuses » avec un soin particulier pour l'intégration et l'encadrement des futurs imams, mais aussi par exemple la couverture médicale des responsables des mosquées. Tout est en cours et c'est une bonne nouvelle. Enfin sheikh Taoufik, par un souci de transparence rompant avec les anciennes habitudes, veut imposer une communication sur la gestion des biens et des services rendus. Une première pour contrer l'obscurantisme et diffuser les valeurs de tolérance et de modération.

On aimerait à penser que toutes ces bonnes intentions relèvent davantage du souci de l'adaptation de l'Etat et de son gouvernement aux réalités sociales qu'à une réaction issue des actes terroristes du mois de mai sanglant. J'aimerai aujourd'hui prendre au mot Ahmed Taoufik et rependre sa profession de foi en l'homme et le citer, « la réforme du ministère des habous a pour objectif de mieux faire connaître les réalités de la religion islamique tolérante, de veiller à la vulgarisation de ses préceptes et de ses valeurs, de pérenniser l'institution du Waqf et d'en fructifier son patrimoine ». Ce haut dignitaire est responsable de ce qu'il dit, accordons lui notre confiance. L'avenir est entre ses mains et celles d'Allah.

Ulémas et Soufis

Le Roi marocain a bien compris l'avertissement du terrible 16 mai 2006 et veut tout faire pour ne pas engraisser un terrorisme qui se nourrit d'une fausse religiosité, « Les institutions doivent veiller à une certaine orthodoxie et sont appelées à une grande vigilance afin de constituer les garde-fous nécessaires et empêcher les dérives à venir ». Il a alors demandé à Ahmed Taoufik de « faire en sorte que le discours religieux soit en phase avec les orientations fondamentales du Royaume ».

Dans ce processus il est prévu d'accorder une importance toute nouvelle aux Ulémas qui désormais joueront un rôle essentiel dans l'encadrement et la diffusion du discours religieux et la bonne tenue des écoles coraniques avec une mention toute spéciale pour y inculquer, expliquer et diffuser la notion de « citoyenneté ».
Les soufis ne sont pas oubliés et la télévision leur sera ouverte. Ils formeront avec les Ulémas les structures de demain et leur influence sera décisive. L'Etat bouge, le boulet est passé bien près et les consciences sont remuées. Un espoir naît peut-être. L'avenir encore une fois nous le confirmera.

Africa Waqfs

Tout vient du Koweit où l'on l'Association d'Aide Directe » anciennement « Comité des Musulmans d'Afrique » agit depuis une vingtaine d'années et fait tout pour consolider les liens traditionnels entre Afrique et monde arabe. Plus de cinquante bureaux sont ouverts et dans une harmonie parfaite apportent aides financières et conseils à des projets aussi biens culturels (constructions mosquées, écoles coraniques, bourses études, enseignements en milieu rural…) que sociaux (protection individuelle, qualification des femmes, formation professionnelle…) ou encore directement sanitaires (aide alimentaire, secours immédiats ou à long terme…).Toute cette belle solidarité fonctionne parfaitement et a pris en charge des milliers d'étudiants, des publications du Saint Coran, elle gère aussi des hôpitaux, creuse des puits, propose des prêts (sans intérêt bien sûr), et a même organisé et financé le pèlerinage de milliers de croyants à La Mecque.

C'est là un exemple qui prouve largement que notre communauté n'a pas besoin de fondations plus ou moins politisées, sous contrôle d'Etats qui ne souhaitent qu'une chose, un droit de regard sur notre communauté alors que Consistoires et Fondations catholiques ou protestantes sont largement indépendants et se refusent à toutes tutelles. Alors pourquoi nous laisserions nous imposer quoique ce soit. Nous sommes depuis des centaines d'années, depuis Médine, un exemple de solidarité et notre Prophète (ass) nous a depuis longtemps ouvert le chemin du cœur et de l'amour des plus faibles.

Waqfs d'ici et d'ailleurs

Depuis plus de vingt ans notre communauté a structuré des œuvres humanitaires, sociales et culturelles, seule et sans frapper à aucune porte qui par ailleurs resterait bien trop souvent close.
En Europe, nous pouvons avec fierté évoquer le waqf islamique de Grande Bretagne qui œuvre sans relâche sous forme de société charitable restreinte avec des interventions innombrables et positives.
Aux Etats-Unis, la Fondation Islamique née en 1971 a financé nombre de biens liés à l'éducation des étudiants musulmans, plus particulièrement relevant de la « da'wa ». Avec une idée base, celle de lancer des sources de rentabilité à travers des investissements profitables dont les bénéfices sont directement injectés (plusieurs millions de dollars) dans de projets scolaires, caritatifs, juridiques ou éditoriaux…). On peut aussi citer avec une certaine fierté la fondation SAR en Virginie ou Washington qui s'est investie dans les secteurs alimentaires, immobiliers, textiles ou encore pharmaceutiques. Les exemples ne manquent pas, loin de là. Ils sont notre honneur.

Etats-Nations et « Sadaka Djariya ». Une cohabitation loin d'être évidente. Les héritages des périodes coloniales ne sont pas encore liquidés, il s'en faut. Et ils continuent à justifier les appropriations illégales des biens religieux. Les institutions modernes de ces pays indépendants ont avalé les fondations pieuses et leurs possessions. Par désintérêt les courants islamiques ont trop souvent laissé faire et les waqfs s'en sont trouvés marginalisés pour la plupart. Ces Etats modernes parfois totalitaires, rarement démocratiques, ont monopolisé propriétés et revenus et en sont désormais pour leur plus grand bien les uniques possesseurs. Le waqf se rétrécit trop souvent et tout musulman se doit de les réactiver et revenir aux paroles et conseils du Prophète (ass). En s'attachant surtout et avant tout à privilégier la solidarité, l'équité, l'individu et tout mettre en oeuvre pour lutter contre l'immobilisme, la passivité et l'égoïsme. Redonner aux fondations waqfs leur indépendance originelle, les adapter aux réalités d'aujourd'hui en les inscrivant par exemple dans le courant des grandes associations humanitaires est un devoir pour tous. L'esprit de charité doit dominer toutes ces actions avec une volonté ferme et définitive d'adaptation aux paramètres de la vie économique, sociale et politique des pays musulmans. Les Etats-Nations, imaginant là un risque de voir leur autorité limée par ces puissances de la Foi, font tout pour freiner les influences des fondations en lesquelles ils voient tout simplement un concurrent direct à leur main mise sur des sources de revenus qui restent toujours considérables.

Enfin, et c'est là un rôle essentiel des fondations waqfs, elles doivent par l'éducation, la formation des jeunes dans les médersas et les mosquées renforcer la résistance de ces masses d'adolescents aux chants des sirènes « évangélistes » qui après s'être attaquées aux communautés chrétiennes entament un large travail de séduction auprès des musulmans, au Maroc et en Algérie particulièrement sans oublier l'Europe où elles sont particulièrement actives. Elles proposent à nos fidèles une sorte de « hrig » religieux en offrant leur doctrine comme moteur de changement social, par un échange de soins médicaux gratuits, de distribution d'aides alimentaires et souvent même des emplois.

Laissons à chacun et à tous le soin de relever les défis de notre époque. Notre Foi en a vu bien d'autres et a toujours su choisir en respectant les paroles de notre Prophète (ass)

« Prosternez-vous, adorez Dieu et faites œuvre de charité, peut-être serez-vous gagnants ! »

Youssef Chems, écrivain (à paraître « Hadj Amor » Pour l'amour de Dieu)