Psycho

Latifa : « Son secret de famille et son manque d'appétit sexuel me pourrissent la vie »

Rédigé par Lalla Chams En Nour | Mercredi 6 Janvier 2021 à 13:45



Je suis mariée depuis deux ans et demi. Au début, ça allait mais, par la suite, j'ai découvert une toute autre personne. J'allais au moins une fois par semaine voir sa famille, j'étais proche d'eux. Ses membres me posaient beaucoup de questions sur ma vie privée, ma famille, mon couple… et j'y répondais. Ils ont commencé à me juger. Les questions intrusives devenaient systématiques, les remarques déplacées et même les surnoms désobligeants aussi. Je ne répondais pas mais j'attendais que mon mari le fasse pour moi, lui ne voyait rien. J'étais toujours celle qui cherchait les problèmes. Je lui ai donc dit que si quelqu'un me disait une mauvaise parole, je répondrais à ma manière. Je pique souvent là où ça fait mal.

Monsieur, têtu, m'a fait une guerre pour que j'aille au Maroc avec sa famille. Si je n'y allais pas avec lui, je le privais de moments sacrés avec elle… les bonnes paroles de culpabilité. Bien évidemment, je devais dormir dans la même maison, partager les mêmes toilettes et salle de bain, et notre chambre donnait sur la salle et ne se fermait pas à clef. Rien n'allait. Bref, jusqu'au jour où sa sœur a mal pris qu'un matin, je ne lui aurais pas dit bonjour et qu’elle décide de me mépriser et de m'ignorer. Le dernier jour, j'ai dit à mon mari d'aller parler à sa sœur mais après, ça a pété entre elles et moi, avec des cris et des larmes. Au retour en France, sa famille a fait comme si de rien n’était.

Je ne supporte pas le comportement de mon mari. J'ai découvert un secret de famille très lourd et, si je l’avais su, honnêtement, je ne sais pas si je me serais mariée avec lui. Car des choses embarrassantes, j'en ai acceptées comme le surendettement de mon mari, la prison qu'il a fait juste avant notre rencontre et ses moments de colères. En fait, son secret de famille et son manque d'appétit sexuel me pourrissent la vie.

Mon beau-père était marié à une femme en Algérie dont il a eu quatre enfants. Il est venu en France pour travailler et envoyer de l'argent à sa femme et ses enfants. Il a rencontré ma belle-mère et ont eu deux enfants. Il a continué sa vie en parallèle en Algérie quand il y allait. Il a eu deux autres enfants avec son épouse là-bas, ce qui fait qu'il a quatre enfants nés les mêmes années. Un beau jour, il va en Algérie pour le décès de sa mère, Allah yrahma (paix à son âme), et là, le drame : sa femme lui annonce qu'elle est au courant de sa double vie. Il décide de prendre des papiers et de ne plus jamais rentrer en Algérie. Il décide de faire sa vie avec ma belle-mère et finit par avoir deux autres enfants.

Mon beau-père et ma belle-mère n'ont jamais évoqué la famille de mon beau-père. Mon mari a découvert la vérité sur cette histoire en fouillant dans les papiers de son père à l'âge de 26 ans. Mon beau-père a laissé orphelins ses six enfants en Algérie. Absent pour leur mariage, la naissance de leurs enfants. Il est toujours marié à son épouse d’Algérie et vit donc en concubinage.

Mon mari n’ose pas dire à ses parents la vérité et ne veut pas prendre contact avec sa famille d'Algérie car il dit qu'ils peuvent détruire sa famille. Cela ne me regarde pas mais je n'ai aucune confiance en ses parents et j'ai même peur de sa famille. Je les trouve dangereux, faux, malsains et malveillants. Ils vivent dans une mascarade mais ne se privent pas un instant pour critiquer ma famille, mon couple ou ma personne. Ils veulent tout savoir sur ma vie et la commander. Mon mari est entre les deux.

Je suis bloquée pour avoir un enfant car, pour moi, avant, la belle-famille était importante. Pour moi, mes enfants devaient avoir un lien avec elle, et moi aussi. Sauf que maintenant, je ne veux pas que mes enfants les côtoient car j'ai peur de ce qu'ils peuvent faire. Leur oncle est divorcé et ils passent leur temps à critiquer son ex-femme et se satisfait (souhaite) que les enfants ne côtoient pas leur mère algérienne. Ils ne veulent pas qu'ils aillent en Algérie et d'ailleurs, ils n'y vont pas. Avec mon mari, on a voulu aller en Algérie, ses parents n'ont pas voulu lui passer les papiers pour qu'on y aille.

En parallèle de tout ça, ma vie intime avec mon mari était presque inexistante. Le peu de rapports qu'on avait, ce n’était pas trop fusionnel. Maintenant, il fait des efforts, on a plus de rapports, il a moins de colères et passe du temps avec moi, il s'investit dans notre couple. Mais tout ça, c'était parce que j'ai pété les plombs, je suis partie un soir seule, loin de chez moi, pour mettre fin à mes jours car je ne supportais plus me vie. Je ne voulais pas le quitter car je l'aimais mais je vivais un enfer avec lui et sa famille et je ne voulais pas mal répondre à sa famille. Toute la nuit, mes parents, lui, ma cousine m'ont cherchée et ils ont dit leur vérité à mon mari, enfin je crois. Je fais des crises d'angoisse assez souvent. Dès qu'on évoque sa famille, je pleure et la nuit, ça m'arrive de faire des cauchemars. Il faut savoir que j'avais perdu 10 kilos et mon mari n'avait même pas fait attention. Il me négligeait vraiment beaucoup alors qu'avant, il était vraiment attentif à ma personne.

Je ne suis plus retournée chez ma belle-famille mais elle hante mes pensées. J'ai peur d'elle et, d'un autre côté, je voudrais vider mon sac. Je trouve injuste ce que je vis et eux ne sont au courant de rien. J’ai des problèmes de foi. Des fois, Dieu n'existe pas pour moi mais je continue de prier et d'invoquer Dieu. Je bloque pour les enfants, je ne veux pas leur offrir cette famille. J'ai peur que le lien de mes enfants avec elle soit fort, qu'elle ait plus d'influence sur mon enfant que moi. Je ne supporte plus leurs mensonges et leurs faux semblants. J'ai envie de changer de ville. J'étouffe maintenant. Je suis suivie par une psychologue et j'ai des médicaments à prendre.

Je suis fragile je le ressens, je ne vois pas le bout du tunnel. Je sais qu’eux et leur entourage me voient comme la méchante qui veut leur retirer leur fils et qui ne voit pas sa belle-famille gentille et pleine de belles valeurs.

Lalla Chems En Nour, psychanalyste

Chère Latifa,

Permettez-moi, vos réactions émotionnelles me semblent amplifiées, vous paraissez faire une totale obsession sur votre belle-famille dont les histoires, je le reconnais volontiers, sont pour le moins, perturbantes.

Vous dites que votre mari a compris la leçon et qu’il fait des efforts pour vous retenir à lui, à la vie. C’est important, cela signifie qu’il éprouve des sentiments pour vous et qu’il vous comprend. Mais alors pourquoi vous enfermer dans cette obsession qui a failli vous coûter la vie ? Cette violence réactionnelle pourrait-elle parler d’un traumatisme plus ancien, refoulé ? La déception de découvrir les valeurs tronquées de la belle-famille aurait-elle quelque chose à voir avec votre propre famille, par exemple ? Des secrets de famille, on en trouve dans de nombreuses familles, hélas. Ces secrets recouvrent toujours des fautes éthiques, des manquements, des actes répréhensibles, et l’on peut dire que votre réaction montre que vous avez besoin de vérité, de justesse et bien sûr, comme tout le monde, de bienveillance.

Si votre mari vous aime, il a un choix à faire. S’il cherche lui aussi la vérité sur l’histoire familiale, s’il a besoin de lever les secrets et de rencontrer sa famille algérienne, ses demi-frères et sœurs laissés dans l’abandon par le père, c’est à mes yeux tout à fait légitime et courageux.

Oui, il faut du courage pour braver les secrets de famille. Et je comprends que vous n’ayez pas envie d’enfant dans ce contexte, comme si vous éprouviez le besoin de ne pas leur faire subir ces manquements graves à l’éthique. Un secret de famille, malgré le silence lourd qui le recouvre, fait son travail de sape à l’insu de tous. Cela pervertit la transmission nécessaire d’une génération à l’autre et cela peut causer des dégâts sur plusieurs générations.

S’il tient à avoir des enfants de vous, peut-être devez-vous encourager votre mari à affronter la vérité, ou s’il ne le peut pas, alors il doit choisir de vous protéger. Mais je l’encouragerais vivement à se faire aider par un professionnel, car seul, ce type de travail sur l’histoire familiale, est très dur. Cette démarche est importante pour que vos propres enfants s’épanouissent dans un climat sain. Vous semblez en être la garante, vous pouvez être fière de vous. Mais prenez du recul, et puisque vous êtes vous-même suivie en thérapie, travaillez sur ces angoisses, elles ont quelque chose à vous dire.

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