Psycho

Lamia : « Je ne veux pas divorcer même si mon mari m’a trompée et que sa famille me fait peur »

Rédigé par Lalla Chams En Nour | Mercredi 13 Mai 2020 à 10:30



Je suis mariée depuis plus de 20 ans. Nous nous aimions au début de notre mariage. Jamais nous n’étions l’un sans l’autre. Lui était un homme assez discret qui ne regardait pas les femmes et j’ai été sa première expérience ; moi il a été la mienne, la seule, quand nous avons consommé notre mariage. Nous avons été très jeunes « dans les casseroles » si je puis dire, à 23 et à 24 ans.

Ma mère venait de décéder d’un accident de voiture et cela été très dur à vivre. J’ai reporté toute ma tristesse sur lui, je pleurais trop souvent pour cette raison et ses sœurs étaient trop jalouses de ma relation d’amour avec leur frère, amoureux fou de moi. Je n’ai pas su me contrôler, je lui faisais toujours des reproches par rapport à sa mère et ses sœurs qui ne m'aimaient pas. Je lui reprochais de ne pas me défendre.

Une connaissance m’a conseillée d’aller voir une personne qui écrivait sur du papier avec du goudron et le trempait dans de l’eau pour me le faire boire. A l’époque, c’était soi-disant pour calmer ma tristesse. J’ai honte aujourd’hui quand j’y pense parce que c’était un charlatan qui profitait des femmes !

Je suis allée le voir quand mon mari est rentré pour la première fois en prison. A sa sortie, il l’a su et m’a frappée fortement. J’avais tellement honte de moi que je me suis laissée faire.

L’année suvante, nous avons eu notre premier fils et c’était bien car l’enfant était voulu. A mon accouchement, mes belles-sœurs, jalouses, m’ont mal traitée. Elles me disaient toujours que j’étais la femme de leur frère, que je portais leur nom et qu’il ne fallait pas que je l’oublie et moi, cela me faisait peur.

Aujourd’hui je ne comprends pas pourquoi j’avais peur d’elles comme ça... II est vrai que leur famille avait une mauvaise réputation, avec la prison et le divorce catastrophique du frère aîné pour violence envers son ex-femme. C’est à cause de cette violence que ses frères et lui ont fait de la prison.

J’ai laissé passer parce que je l’aimais et je l’aime encore aujourd’hui. Un jour, mon mari a trouvé une photo de moi brûlée dans le congélateur de sa maman. Elle venait souvent chez moi brûler un couteau ou un fer à cheval à vif, le tremper dans de l’eau et le lancer dans toutes les pièces de la maison. Une fois, j’ai trouvé deux bâtons attachés à une ficelle dans la veste de mon mari et plusieurs kteb, qu’Allah nous pardonne inchaAllah.

Nous avons eu quand même un deuxième garçon voulu. Mais la distance et l’agressivité a grandi entre nous, et ça a été comme ça pendant des années jusqu’à ce que j’explose. J’ai demandé le divorce après avoir appris qu’il me trompait. Je suis tombée malade et j’ai décidé de me faire aider par une rokya. Là, j’ai pris une voix d’homme et j’ai dit en arabe (alors que je ne parle pas couramment arabe) à mon mari qui est passé à ce moment-là : « Je vais te tuer, dégage ! »

Après cet épisode, on a essayé de se retrouver mais j’ai voulu me venger (de sa tromperie) en le rendant jaloux. Je m’habillais avec recherche, je me maquillais, j’ai travaillé en lui disant que, moi aussi, j’aurais des aventures avec des collègues jusqu’à qu’il me frappe, encore. Il pensait que je l’avais trompée alors qu’il n’en était rien mais j’avoue que j’ai poussé le bouchon et… je suis tombée enceinte de mes jumelles. J’ai accouché en 2009 et je me suis aperçue qu’il me trompait avec une autre femme, venue boire le café à la maison. Une coiffeuse qui a coupé les cheveux de mes enfants. Il m’interdisait d’aller dans son salon, me rabaissait et me disait que c'était bien fait pour moi puisque j’avais essayé de le rendre jaloux. Toute sa famille a cautionné son adultère en disant que c'était bien fait pour moi.

Très malheureuse, je souffre encore aujourd’hui, je pleure car, depuis des mois, nous sommes séparés. Nous sommes passés devant le juge qui a décidé que je devais quitter mon domicile conjugal, acheté ensemble. Cela fait mal d’être obligée de sortir de chez soi... II a eu tout ce qu’il demandait, même la garde de nos filles, je les vois une semaine sur deux. Les garçons maintenant sont adultes et restent avec moi hamdoullah mais aujourd’hui, dans mon hébergement provisoire, je réfléchis beaucoup, je pleure jusqu’à épuisement, je prie et demande pardon à Allah.

Je comprends de plus en plus mes erreurs. Avant la conciliation chez le juge, mon mari s’est excusé, il a pleuré, a reconnu m’avoir été infidèle et a voulu repartir à zéro mais je n’ai pas voulu (l’écouter), j’ai eu peur que cela recommence. Je n’avais plus confiance, j’étais complètement perdue.

Je l’ai appelé pour m’excuser, lui ai dit que je lui pardonnais. C’est un travail que je fais sur moi et je souffre encore tellement. Je m’aperçois qu’il me manque, j’arrive à voir ses bons côtés, ses qualités de travailleur, de bon père, sa générosité, mais il ne veut plus renouer, il veut aller jusqu’au divorce. J’ai vraiment envie de le récupérer mais c’est dur parce qu’il est en contact avec (une) femme. Avez-vous des solutions à m’apporter ? Je ne veux pas divorcer et j’ai une grande part de responsabilité dans ce désastre.

Lalla Chems En Nour, psychanalyste

Chère Lamia,

J’espère qu’en écrivant ce courrier- confession, vous avez pu prendre un peu de recul. Je vous remercie de votre sincérité, vous ne vous donnez pas vraiment le beau rôle. Et pourtant, si l’on fait le compte : il vous a battue, trompée, ne vous a pas défendue devant sa famille qui pratique la magie noire et se mêle de votre relation intime avec votre mari.

Vous dites que la mère et les belles-sœurs vous font peur. En effet, les énergies dégagées par ces femmes n’ont pas contribué, c’est le moins que l’on puisse dire, à apaiser votre vie de couple. De plus, il a fait de la prison ainsi que ses frères pour mauvais traitement et violences. Quel tableau ! Et j’ajoute, entre autres choses lues, qu’il entretient une liaison avec une femme de votre entourage.

Oui, c’est vrai, vous vous êtes laissée aller à des pratiques douteuses, vous avez votre part de trahison, de vengeance, de mesquinerie et il a eu beau jeu de vous vous le faire payer. Pour moi, vous êtes une femme victime de maltraitance, et cela vous a entraînée à vous dégrader vous-même. Un bilan douloureux, comme vous le signifiez à la fin de votre courrier.

Vous devriez vraiment réfléchir à ces regrets que vous exprimez : est-ce raisonnable d’envisager un retour auprès de lui, alors qu’il ne le veut pas, qu’il a une maîtresse à qui il a peut-être promis le mariage ? Iriez-vous vous humilier à ce point ? Je m’étonne que vous n’ayez pas eu la garde de vos filles, ni conservé votre appartement car, en général, le juge donne la préférence à la mère. Sur la base des informations que vous donnez, cela paraît surprenant.

L’épreuve vous renvoie à vous-même, à votre examen de conscience, à votre responsabilité, c’est vrai, mais vos regrets ne sont-ils pas motivés par l’inconfort actuel ? Est-ce de l’amour ou votre nafs impérieuse qui vous guide en l’occurrence ? Peut-être vous sentez vous humiliée d’avoir perdu la partie ? Pourquoi ne vous êtes-vous pas défendue ? Voulez-vous réellement revenir à ce que vous décrivez comme un enfer ? Et pourquoi ne pas passer à autre chose, réorganiser votre vie, tourner la page, regarder les choses en face ?

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