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Points de vue

Laïcité : « De la créativité pour financer les mosquées »

Par Mohammed Colin*

Rédigé par Mohammed Colin | Mardi 7 Juin 2011 à 16:23

           


C’est à partir de l’affaire du voile de Creil, en 1989, que les musulmans de manière collective ont commencé à produire une réflexion sur la loi de 1905. Ces productions n’ont vu aucune incompatibilité entre la présence de l’islam en France et le concept de séparation des Églises et de l’État.

Cette loi affirme les libertés religieuses, proclamant la liberté de conscience, garantissant le libre exercice des cultes et mettant fin au financement du culte par l’État. Ce dernier est alors devenu propriétaire de tous les lieux de culte construits avant 1905, l’obligeant à pourvoir aux frais d’entretien de la plupart des églises catholiques, de la moitié des temples protestants et du tiers des synagogues. Les mosquées, construites pour la plupart après 1980, n’ont donc pas droit à ce régime spécifique.

Aussi les musulmans sont-ils favorables à une certaine équité historique au regard des difficultés que le culte musulman éprouve pour financer ses édifices religieux. Ce n’est pas faute de voir les fidèles aux conditions de vie modestes se saigner aux quatre veines. Il n’est pas rare de voir des femmes faire don de leurs bijoux pour voir s’édifier un lieu digne de recueillement.

Certes, des hommes politiques ont réfléchi à une dérogation provisoire de la loi de 1905 pour remédier à cette injustice à l’égard des cultes installés après 1905. Comme au début du siècle dernier, pour la construction de la Grande Mosquée de Paris, bâtie en hommage aux 70 000 musulmans morts lors de la Première Guerre mondiale. Il ne serait pas incongru d’imaginer, au nom du sacrifice des millions de travailleurs venus d’Afrique du Nord pour reconstruire la France, une dérogation provisoire de financement de mosquées par l’État, tel un hommage.

Il est à craindre qu’une dérogation ouvre la boîte de Pandore : les esprits étant à vif, certains voudront en découdre avec une telle initiative, qui marquerait, selon eux, l’emprise d’une hyperpuissance (fantasmée) de l’islam. Les levées de bouclier iraient à l’encontre de l’esprit de laïcité qui veut l’apaisement. C’est donc aux musulmans d’être créatifs et ingénieux pour ne pas bousculer les esprits. Non pas par soumission, mais par responsabilité.

Deux types de solutions peuvent être proposés. D’ordre économique, d’abord. D’année en année, la grande distribution s’enrichit de linéaires aux produits alimentaires halal. Le marché de produits carnés halal est évalué à 5 milliards d’euros par an, soit le double du marché bio. Mais quantité de fraudes sur ce marché contreviennent au caractère halal des produits. Les organismes de contrôle sont donc devenus indispensables.

Pour mener à bien leur mission, ces organismes se rémunèrent par le biais d’une taxe que l’industriel ou l’artisan répercute sur le consommateur final. Une taxe issue du secteur halal qui serait en partie reversée pour financer les lieux de culte et leur entretien pourrait apporter, chaque année, plusieurs centaines de millions d’euros. La Fondation des œuvres de l’islam, créée en 2007 mais jusqu’à présent restée lettre morte, se chargerait de recueillir et d’allouer ces sommes aux projets de mosquée.

D’ordre fiscal, ensuite. 5 millions d’euros est le ticket moyen nécessaire pour construire une mosquée. Un million d’euros revient à l’État par le biais du versement de la TVA de 19,6 %. La suppression, ou du moins l’allégement de la TVA à 5,5 % sur les constructions de lieux de culte permettrait de rendre la récolte des dons moins pesante sur les donateurs musulmans, dont l’apport économique est essentiel pour la construction des 2 000 projets de mosquées en France.


* Mohammed Colin est cofondateur et directeur de la publication de Saphirnews.com et de Salamnews.






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