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Monde

La sortie de crise, une opportunité pour l'affirmation des femmes en Centrafrique

Spécial #8Mars

Rédigé par Elora Hervé | Samedi 10 Mars 2018 à 09:00

           

Quel état des lieux dresser du respect des droits des femmes en Centrafrique en 2018 ? Panorama sur la situation avec Elora Hervé, en partenariat avec l'Observatoire Pharos du pluralisme des cultures et des religions.



La sortie de crise, une opportunité pour l'affirmation des femmes en Centrafrique. © Mothers and children waiting at the Bolemba healt centre, Pierre Holtz - UNICEF, Flickr CC BY 2.0.
La sortie de crise, une opportunité pour l'affirmation des femmes en Centrafrique. © Mothers and children waiting at the Bolemba healt centre, Pierre Holtz - UNICEF, Flickr CC BY 2.0.
Les femmes en République centrafricaine sont, avec les enfants, les premières victimes du conflit, selon l'UNICEF. Dans un rapport de Human Rights Watch datant du mois d'octobre 2017, l'ONG dénonce le recours aux viols et aux esclaves sexuelles durant le conflit entre 2013 et mi-2017 dont les chiffres ne peuvent pas être précisés puisque ces femmes se cachent.

En effet, elles se retrouvent rejetées et humiliées par leurs familles et leurs communautés. Dans le même temps et dans un contexte de reconstruction et de retour à la paix, les textes de loi ont été modifiés avec l'arrivée du nouveau gouvernement pour une meilleure inclusion des femmes dans le processus de paix et les nombreuses organisations de la société civile semblent placer les femmes au centre des projets.

La Constitution de 2015 renforce la protection des femmes après la crise

Selon la loi de 2006 portant protection de la femme contre les violences, sont considérées comme violences les actes suivants : coups et blessures volontaires, mauvais traitements, injures publiques, excisions génitales, maltraitances lors du veuvage, mariages forcés type lévirat et sororat. Selon les données de Plan international, environ 24 % des femmes en RCA ont été soumises à des mutilations sexuelles, malgré leur interdiction formelle dans les textes de loi.

La Constitution du 14 décembre 2015 confirme la volonté du gouvernement de protéger les femmes : il « réaffirme son adhésion à toutes Conventions internationales dûment ratifiées, notamment celles relatives à l’interdiction de toute forme de discrimination à l’égard des femmes » (Préambule, paragraphe 18).

La Constitution indique par ailleurs que : « Les partis politiques doivent respecter les principes de représentation du genre et des régions prévues par la loi. » (Art.31, al.4) Mais c'est principalement la loi sur la parité datant de novembre 2016 qui traduit la volonté étatique d'inclure davantage les femmes dans les instances de décisions.

En effet, « un quota minimum de 35 % des femmes est requis sur la base de leurs compétences, dans les instances de prise de décision à caractère nominatif et électif ». Si cette disposition n'est pas respectée, alors les décisions prises peuvent être déclarées comme « nulles ». Elle s'impose aux secteurs privés et publics. La création d'un Observatoire national de parité homme/femme doit être menée avec l'objectif « d'impulser le principe de parité auprès de structures de formation et toutes autres entités ».

Les femmes, actrices majeures dans le processus de paix dans une société qui demeure inégalitaire

Si le chef de l'État de transition de 2014 à 2016 a été une femme, l'ancienne maire de Bangui Catherine Samba-Panza, la place des femmes en République centrafricaine reste limitée. Sur 35 ministres, cinq ministres sont des femmes. En 2016, huit commissions parlementaires ont été créées, deux sont présidées par des femmes : la Commission des affaires étrangères et la Commission Population, Genre et Développement, Droits de l’Homme, Droit International Humanitaire. La parité n'est donc pas respectée, mais ce qu'il faut noter, c'est la place des femmes dans le processus de paix.

Cela commence avec Virginie Baïkoua, ministre de l'Action Humanitaire et de la Réconciliation Nationale. Il semble qu'il y ait un engagement fort en ce sens avec divers acteurs tels que la MINUSCA dont la conseillère genre, Gladys Atinga affirme « afin de permettre aux femmes de s’exprimer comme il se doit, nous nous emploierons à mettre à leur disposition tous les outils possibles ». Les associations de femmes de la société civile organisent des actions telles que de la médiation, de la sensibilisation au respect mutuel et du plaidoyer en faveur de la place des femmes, de la prise en charge des victimes ou encore de l'accès à la justice. L'objectif n'est plus de valoriser les femmes comme pacificatrices au sein de la famille et porteuses des valeurs traditionnelles, comme cela fut souvent le cas pour les conflits passés. Au contraire, les femmes se distancient progressivement de ce rôle d'éducatrices pour porter leurs voix en tant qu'instigatrices de solutions parallèles.

La sortie de crise, une opportunité pour l'affirmation des femmes en Centrafrique
Des manques sont à noter concernant le bien-être, l'éducation et l'émancipation, ainsi que la protection des droits des femmes et filles dans le combat contre la criminalité. Ce sont les conclusions du rapport de la MINUSCA publié à l'occasion de la journée du 8 mars 2017 autour de la parité femme/homme. En ce qui concerne la scolarisation des filles, la Centrafrique est classée parmi les pays où les filles ont le moins accès à l'éducation. De même, les violences basées sur le genre sont en recrudescence selon l'UNICEF alors que beaucoup de ces dernières ne sont pas toujours identifiées, tant par les femmes et filles victimes que celles qui en sont témoins. Le phénomène se perpétue donc et semble difficile à enrayer. Enfin, lors des poursuites judiciaires, le coordinateur de l’ONG Action et Développement explique que les victimes abandonnent souvent les charges et libèrent les responsables.

Tout cela est très bien résumé par Danièle Darlan, présidente de la Cour constitutionnelle de Centrafrique et contactée à l'occasion de ce dossier : « Chacun sait que la femme subit de grandes inégalités tant du point de vue social qu'économique ou financier ; que le taux de scolarisation des filles est plus bas que celui des garçons et que les déperditions scolaires sont plus importantes chez les filles que chez les garçons. Qu’elles ont du mal à accéder aux postes de responsabilités et que dans la famille, l’homme dispose encore de pouvoirs dominants. Tout ceci est à déplorer. Même si des progrès ont été accomplis, ils restent insuffisants. »

Les femmes, perspectives culturelles et religieuses en RCA

La paix passe par la cohésion sociale au-delà des différences de culture ou de religion, les femmes en Centrafrique privilégient le dialogue interculturel et interconfessionnel pour trouver, ensemble, des solutions durables. A Bangui, des femmes musulmanes et chrétiennes s'associent dans des organisations de la société civile.

L'Eglise de Centrafrique appelle à déposer les armes de manière générale, sans pour autant pointer du doigt les exactions commises à l'égard des femmes et il en est de même concernant les responsables religieux de la Plateforme des confessions religieuses de Centrafrique qui soutiennent les actions de sensibilisation organisées par les femmes en faveur de la cohésion sociale mais ne prennent pas particulièrement position.

Pour aller plus loin


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Elora Hervé est une Observatrice Junior, membre de l'Observatoire Pharos du pluralisme des cultures et des religions. Etudiante en Master 2 Aide et Développement humanitaire à la Sorbonne Paris 1, c'est par un volontariat onusien auprès de la Cour pénale spéciale centrafricaine qu'elle a pris connaissance des enjeux du pays. En novembre 2017, elle rejoint l'Observatoire Pharos pour s'engager en faveur des populations les plus vulnérables en informant sur ce qui intervient en Centrafrique, par la rédaction de la veille hebdomadaire.




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