Points de vue

La simplicité volontaire : retour à l’humain

Écologie et développement durable

Rédigé par Marie-Odile Delacour | Jeudi 11 Juin 2009 à 10:00

Le changement climatique et ses conséquences (désertification accélérée, insécurité alimentaire, risques sanitaires…) constituent pour 43 % de la population mondiale (54 % en France) leur première source d’inquiétude*. Mais entre la prise de conscience et l’effort tant individuel que collectif à entreprendre pour une croissance autre de la planète Terre, il reste un pas à franchir.



L’idée de la « simplicité volontaire » est née au cœur de l’explosion industrielle du XIXe siècle, relayée par Gandhi face aux colons anglais, puis aujourd’hui par Pierre Rabhi [lire encadré] face aux tenants de la croissance. Elle consiste à replacer l’homme à sa juste place dans la Nature. En effet, l’homme en est un élément, censé vivre selon ses rythmes.

Or, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous venons de franchir un cap symbolique : désormais, sur la planète, les citadins sont plus nombreux que les ruraux. Nous voilà donc face à un paradoxe. Comment rester en phase avec la Nature et, pour les croyants, comment respecter les recommandations de Dieu, qui considère les hommes, dans le Texte coranique, comme ses lieutenants sur Terre ? Cela leur donne quelques responsabilités… La simplicité volontaire apporte une réponse intéressante.

Rester en harmonie

Un adepte de la simplicité volontaire est convaincu que ce n’est pas la consommation des biens matériels qui rend l’homme heureux. Il sait qu’il vaut mieux « être » qu’avoir, et ne cherche pas à surconsommer en dépouillant les autres. Il s’en tient à ses besoins élémentaires, satisfaits en fonction de ce que son environnement lui offre. Il ne travaille pas plus pour gagner plus, mais travaille mieux pour vivre mieux.

À ses yeux, l’économie de croissance est une aberration écologique et humaine, car elle part d’un principe erroné : non, la planète n’offre pas des possibilités d’extension illimitées.

Pour lui, les industriels ont développé en même temps la croissance et le chômage afin de garantir leurs profits. Les deux « concepts » se nourrissent l’un de l’autre. Ils ont ainsi vidé les campagnes de leurs populations, aggloméré les gens en ville, les ont attachés à leur salaire comme à une chaîne. Le but est de leur faire dépenser leur argent, puisque l’économie repose sur leurs dépenses. Arrachés à des modes de vie autosuffisants et séculaires, les êtres humains sont les nouveaux esclaves de la dictature financière. Cela s’appelle aussi mondialisation.

Une vie avec la Nature

Dans la vision d’un « simpliste volontaire », au contraire, il s’agit de vivre et de travailler au même endroit, pour diminuer les occasions de stress dues aux transports et à la pollution.

En ville, il achète un panier de légumes frais préparé par un producteur et livré dans une boutique bio près de chez lui. Il vit dans un éco-quartier et y travaille. Il est solidaire de ses voisins et utilise des appareils et même un jardin collectifs. À la campagne, il cultive son potager, sûr de manger des légumes sains, qu’il a vu pousser au rythme des saisons. Sa maison est construite en matériaux simples comme la paille, la terre ou le bois. Il utilise des toilettes sèches, fait du compost ; son électricité est solaire ou éolienne. Il consomme des biens produits localement, recycle, ramasse les plantes sauvages, marche ou roule à vélo…

Si l’on y regarde de plus près, il est respectueux de la sourate Yâ-Sîn : « Votre sort est attaché à vous-même » [sourate 36, verset 19]. Il retrouve sa responsabilité d’homme, lieutenant de la Nature. Et il ressemble à s’y méprendre, à quelques détails près, à n’importe lequel de nos grands-pères paysans, français, africains, indiens ou chinois…

Comme si, pour un monde meilleur et un plus juste partage des richesses, il fallait accepter un retour à la dimension humaine de n’importe quelle vie de village d’autrefois…


* Enquête Confiance climatique 2008.




Pierre Rabhi, un homme, en toute conscience

« Nous n’avons qu’une planète. C’est un organisme vivant, qui produit des ressources dont tous les humains sont dépendants… Le continent africain est riche, sous-peuplé et jeune. Or il vit dans l’indigence. Pour assurer notre croissance, nous produisons de la misère. Cela n’a aucun sens. »

Paysan devenu aussi conférencier et auteur, Pierre Rabhi a été à l’initiative des Oasis en tous lieux, des modes de production saine en toute autonomie, et du Mouvement pour la terre et l’humanisme. Il s’engage pour un « réenchantement du monde », le retour à une société à échelle humaine.

Pour lui, « il est urgent de repenser l’économie de façon à ce que l’être humain et la Nature soient mis au cœur de nos préoccupations et que nous organisions un mode d’existence en prenant en compte les limites et les besoins de l’homme et de la Nature ».




Marie-Odile Delacour est l’auteure de La Révolution bio, Éd. de La Découverte, 2001 (avec Jean-René Huleu) et de Climat : la grande menace, Éd. Scrinéo, 2006.

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