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Monde

La répression, le coût trop élevé des réformes sociétales en Arabie Saoudite dénoncé

Rédigé par Lina Farelli | Jeudi 14 Novembre 2019 à 19:30

           

L’Arabie Saoudite n’en finit pas d’être épinglée par des associations de défense des droits humains, parmi lesquels Human Rights Watch. Malgré d’importantes réformes sociales menées ces dernières années sous l’autorité du prince héritier Mohammed Ben Salmane, celles-ci ont été « accompagnées d’une répression accrue et de pratiques abusives visant à réduire au silence les dissidents et les détracteurs du gouvernement », a signifié l’ONG dans un récent rapport.



Human Rights Watch a dénoncé, dans un rapport rendu public en novembre, le revers peu flatteur des réformes sociétales que Mohammed Ben Salmane (MBS) met en place depuis son ascension au rang de prince héritier en 2017. © DR/ House of Saud
Human Rights Watch a dénoncé, dans un rapport rendu public en novembre, le revers peu flatteur des réformes sociétales que Mohammed Ben Salmane (MBS) met en place depuis son ascension au rang de prince héritier en 2017. © DR/ House of Saud
« Le prix élevé du changement : la répression sous le régime du prince héritier saoudien entache ses réformes. » C’est dans ce document de 62 pages, rendu public début novembre, que Human Rights Watch (HRW) pointe du doigt le revers peu flatteur des réformes sociétales, bénéficiant particulièrement aux femmes et aux jeunes, que Mohammed Ben Salmane (MBS) met en place depuis son ascension au rang de prince héritier en 2017. L’ONG dénonce ainsi la poursuite en Arabie Saoudite, depuis 2017, « de pratiques arbitraires et abusives de la part des autorités saoudiennes, visant des dissidents et des activistes, ainsi que la totale impunité dont bénéficient les responsables de ces abus ».

« Mohammed Ben Salmane a permis la création d’un secteur de loisirs et à autoriser les femmes à voyager et à conduire, mais sous sa supervision, les autorités saoudiennes ont également emprisonné un grand nombre des principaux intellectuels et activistes réformistes du pays, dont certains avaient précisément milité en faveur de ces changements », déplore Michael Page.

Si le royaume saoudien, qui ouvre son territoire au tourisme, voulait réellement être réformiste, il « ne soumettrait pas ses principaux activistes à des actes de harcèlement, à la prison et aux mauvais traitements », note le directeur adjoint de la branche au Moyen-Orient de HRW.

Un Etat de droit qui peut être « remis en cause à volonté »

Sur la base d’entretiens avec des dissidents saoudiens, de documents judiciaires, des déclarations officielles et de l’analyse des médias mainstream et sociaux, HRW a été en mesure d’avancer que les autorités mobilisent tous leurs moyens pour écarter toute personne susceptible de devenir un obstacle à l’ascension au trône de MBS. Ainsi, « la persistance des abus démontre que l’État de droit demeure fragile en Arabie Saoudite et qu’il peut être remis en cause à volonté par les dirigeants politiques du pays », indique HRW.

En ce sens, des religieux et des intellectuels très réputés, des activistes des droits humains, des hommes d’affaires et des membres de la famille royale soudainement accusés de corruption, sont passés par les geôles saoudiennes depuis 2017, pour beaucoup sans en sortir à ce jour. Des campagnes d’arrestations qui ont souvent été « accompagnées de campagnes de diffamation et de dénigrement des personnes arrêtées, dans les médias pro-gouvernementaux du pays ».

« L'arrestation de citoyens pour avoir critiqué pacifiquement la politique du gouvernement ou milité en faveur des droits humains n’est pas une nouveauté en Arabie saoudite, mais ce qui distingue les vagues d’arrestations survenues depuis 2017, c’est le nombre et la diversité des personnes visées durant une courte période, ainsi que l’apparition de nouvelles pratiques répressives », indique HRW, citant des gardes à vue arbitraires pour de longues périodes, « deux ans dans certains cas, sans inculpation, ni procès », l’extorsion de fonds en échange de la remise en liberté de détenus, « hors de tout processus légal », et la recherche de condamnations à mort « pour des actes qui n’ont rien à voir avec des crimes identifiables ».

L’aspect répressif de l’action du prince héritier n'a pas reçu une grande attention de la part de la communauté internationale jusqu’en octobre 2018, après l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, qui avait alors sérieusement écorné l'image de MBS. Cependant, il n’est encore que peu sanctionné dans les faits par les Etats, l'Arabie comptant encore de nombreux (et puissants) alliés, en particulier parmi les pays occidentaux.

« Il ne s’agit pas de vraies réformes si elles se produisent dans une dystopie où les activistes des droits humains sont emprisonnés et où la liberté d’expression n’existe que pour ceux qui les dénigrent ouvertement », a souligné Michael Page. Son organisation appelle l’Arabie Saoudite à manifester son engagement pour les droits humains en libérant les prisonniers politiques, en abandonnant les accusations fallacieuses formulées contre des dissidents, en rendant justice pour les abus tels que la torture ou les sanctions arbitraires et en mettant en place des réformes garantissant les libertés d’expression, d’association et de réunion, ainsi qu’un système judiciaire indépendant.

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