Société

La Médina: Pour un Islam Extra-communautaire

Rédigé par Bamba Amara | Lundi 6 Janvier 2003 à 00:00

Créée en 1998, « La Médina » est aujourd’hui un magazine de référence. Une référence nationale et internationale. Peu de questions concernant l’Islam en France échappent au crible de sa rédaction. Revue islamique parlant de l’Islam et des musulmans sans le « label communautaire », elle se veut avant tout, le porte-parole d’une culture parmi les autres : La culture islamique.



Créée en 1998, « La Médina » est aujourd’hui un magazine de référence, nationale et internationale. Peu de questions concernant l’Islam en France échappent au crible de sa rédaction. Revue islamique parlant de l’Islam et des musulmans sans le « label communautaire », elle se veut avant tout, le porte-parole d’une culture parmi les autres : La culture islamique.

LE MUSULMAN FRANCOPHONE

Il est d’une grande diversité culturelle. Une conséquence évidente d’une certaine histoire de la France qui ne s’est toujours pas limitée aux frontières de l’Hexagone. Le musulman en France est donc du Proche ou du Moyen Orient. Il est de l’Asie, de l’Afrique Noire et du Maghreb. Il est aussi de l’Occident. De plus en plus, on le rencontre à la croisée de deux de ces cultures, juste fruit d’un mariage mixte. D’où, explique M. Hakim El Ghissassi, directeur de publication de ' La Médina ' : Il y a une grande part d’illusion dans le fait de se regarder comme communauté. La notion de communauté est étrangère à l’Islam. Les musulmans ont toujours été de partout. Là où ils se sont trouvés, ils ont su se conformer aux règles de la société sans cesser d’être des musulmans '.

A LA CONQUETE DES OUBLIES DE LA MOSQUEE

A cette hétérogénéité des origines culturelles, s’ajoutent les différences des degrés d'assiduité individuelle dans les pratiques cultuelles canoniques de l’Islam. Il en ressort qu’une large majorité des musulmans de France ne fréquente pas régulièrement la mosquée. Ce qui n’entache forcement ni leurs convictions, ni leur aspiration à connaître leur religion. Ainsi se profile un public. La cible de ' La Médina ' est toute désignée. 

Ce périodique n’a pas la vocation de s’adresser uniquement aux musulmans qui fréquentent les mosquées. Il vise plus large. En plus du musulman soucieux d’approfondir sa connaissance de sa religion, la revue voudrait intéresser ces ' musulmans oubliés par les mosquées ', nous explique M. Ghissassi. Son lectorat embrasse donc l’universitaire et le chercheur pas forcément musulmans. Il inclut le public encore plus large d’amateurs et de passionnés de ' culture et de civilisation islamiques '. L’édition de dossiers comme ' La Mosquée dans la Cité ', ou ' L’Islam et la formation ', mais aussi l’exploration de thèmes tels que ' Science et spiritualité ' ou ' l’Islam aux USA ' de même que l’analyse de questions de ' Citoyenneté et Participation Politique ' ainsi que ceux de ' L’Islam et la Ve République ' dénotent de cette ambition éditoriale.

UNE PERCEE ENIGMATIQUE DANS LA LUTTE CITOYENNE

Depuis ses locaux de Saint Denis (banlieue parisienne), La Médina tire actuellement une moyenne de 15 000 exemplaires, deux fois par trimestre. Elle ambitionne de faire mieux. En témoigne le lancement d’un nouveau titre, très spécialisé, au nom révélateur de ' ISLAM ' (3 numéros déjà édités) dont le but est de répondre à une frange de lecteurs plus exigeants dans leur questionnement sur les préceptes et les dogmes de l’Islam.

Il demeure que peu de groupes associatifs musulmans figurent au nombre des abonnées à ' La Médina '. Les efforts du magazine dans cette direction sont restés infructueux. Méfiance ou décalage ? La question ne peut être éludée.

De l’avis d’observateurs avisés, ce ' boycott' qui ne dit pas son nom, trouve un début d’explication dans le grand zèle que manifeste ' La Médina ' sur le champ des luttes citoyennes. Un terrain jusqu’alors présumé périlleux et douteux pour les associations musulmanes en France. La direction ne manque pas de courage dans ce sens. Ainsi, le magazine est à l’origine du ' Forum Citoyens de Culture Musulmane ' (FCCM), lancé en avril 2001 dans l’effervescence de la dernière campagne présidentielle. Sous la houlette de son directeur de publication, M. El Ghissassi, en collaboration avec M. Rachid Nekkaz (entrepreneur à la tête d’une start-up) le FCCM a réussi l’exploit de tisser un réseau de 120 associations dans 45 villes de France. Son action, selon ses initiateurs, a convaincu 17 000 jeunes citoyens, essentiellement de culture musulmane, à s'inscrire sur les listes électorales. Un des objectifs de cette mobilisation était de 'développer la conscience civique des Français de culture musulmane, afin que ces derniers prennent la place qui est la leur dans la société française'. ' 89 propositions ' ont été élaborées après une concertation auprès de 10 000 personnes. Elles ont été adressées aux candidats durant les présidentielles. Une première percée dans la lutte citoyenne ! Un succès qui devient énigmatique dès lors qu’on le rattache à une revue islamique en France ! Car la rhétorique islamophobe classique ne vaut pas contre ce mouvement. Avec le FCCM, ' la Médina ' a pris à contre pied une classe politique et une opinion publique françaises ' terrorisées ' par le contexte international. Mais ce caractère visiblement (trop ?) politique, confère à la revue une empreinte sinon trop profane, mais incontestablement ' élitiste ', donc peu parlante pour nombre de cadres associatifs musulmans.

' Les Amis de La Médina ' n’est certainement pas de cet avis. Cette association se dévoue pour préserver au magazine son caractère actuel et sa précieuse indépendance financière. Au rythme de deux par mois, elle organise des rencontres-débats dans ses locaux de Saint Denis (banlieue parisienne). Le 17 janvier 2003, la réflexion portera sur '  Quelle politique contre les discriminations ? ' et le 31 janvier 2003, ' l’organisation de l’Islam ' est à l’ordre du jour. Ces réunions sont ouvertes au grand public. Le nombre de places étant limité, il est recommandé de réserver. Une participation de 10 € est à prévoir (5 € pour les membres).