Points de vue

La Côte d’Ivoire, dans sa période d’été

Rédigé par Amara Bamba | Jeudi 23 Janvier 2003 à 00:00

Un pays riche et pacifique. Politiquement stable, économiquement puissant, socialement actif dans l’Afrique Occidentale Française. Pays cosmopolite, terre d’accueil, la Côte d’Ivoire était un pays multiconfessionnel où vivaient en harmonie : 45 % de musulmans, 20 % de chrétiens et des adeptes des religions traditionnelles africaines. Un pays sans problème voulu comme un « havre de paix » par Félix Houphouët Boigny qui gouverna ces 322 000 m2 où « tout ce qui se plante pousse ».



Un pays riche et pacifique. Politiquement stable, économiquement puissant, socialement actif dans l’Afrique Occidentale Française. Pays cosmopolite, terre d’accueil, la Côte d’Ivoire était un pays multiconfessionnel où vivaient en harmonie : 45% de musulmans, 20% de chrétiens et des adeptes des religions traditionnelles africaines. Un pays sans problème. Voulu comme un « havre de paix » par M. Félix Houphouët Boigny qui gouverna ces 322 000 m2 où «tout ce qui se plante pousse ».

 

Premier exportateur mondial de cacao et second exportateur de café. Dans le désert d’instabilité qu’était devenue l’Afrique Occidentale, la Côte d’Ivoire passait pour un « oasis de paix » depuis son indépendance le 7 août 1960. Une stabilité politique et une prospérité économiques qui y ont attiré les ressortissants de tous les pays voisins. Ils étaient guinéens ou libériens venant de l’Ouest. Ils étaient ghanéens venant de l’Est, burkinabés ou maliens venant du Nord. Ils étaient aussi nigériens, nigérians, camerounais, béninois... venant de toute l’Afrique ! Mais aussi, ils étaient aussi « blancs ». Essentiellement français et libanais chiites et chrétiens. L’ivoirien tirait fierté de ce cosmopolitisme encouragé par le gouvernement en excellents rapports avec la France, l’ancien colonisateur. Un exemple de « décolonisation réussie ».

 

Houphouët Boigny qui a conduit la lutte à l’indépendance à la tête du PDCI-RDA (Partie Démocratique de Côte d’Ivoire, section du Rassemblement Démocratique Africain) est aussi un Roi du peuple Akan, un des trente groupes ethniques ivoiriens. Il gouverne par le dialogue, la palabre non sans un fond de despotisme fondé sur son charisme personnel qui caractérise les « pères de la nation ». Les manifestations de rue étaient inexistantes. Toute opposition était étouffée dans l’œuf avec l’intervention des chefs traditionnels et des chefs de communautés religieuses encore très influents dans un pays à 80% rural.

 

Soutenu par les capitaux français, Houphouët a tenu son monde à la carotte de l’économie, entouré d’une garde rapprochée essentiellement issue du groupe Akan. Avec 40% de la population active d’origine étrangère, présente dans tous les secteurs de l’économie florissante, le président ivoirien a lancé le mouvement appelé « ivoirisation des cadres » dans le but de favoriser l’accès des cadres ivoiriens à des postes de direction. L’accession à la nationalité ivoirienne n’était alors qu’une formalité administrative. En 1990, après trente années de pouvoir sans partage, Houphouët s’est décidé à nommer un Premier Ministre. Ce fut M. Alassane Ouattara (entendons : Al Hassan Ouattara), ancien directeur-adjoint du Front Monétaire International, jusqu’alors inconnu sur la scène politique ivoirienne.

 

Félix Houphouët était chrétien. Alassane Ouattara est musulman. Il est originaire du Nord du pays à majorité musulmane. Sa nomination coupe l’herbe sous le pied de l’opposition naissante qui pronostiquait M Henri Konan Bédié à ce poste de Premier Ministre. Car M Bédié, comme M Houphouët, est Akan. Ambassadeur à 26 ans, ministre de l’économie et des finances à 32 ans, il est présenté comme le « dauphin » de M Houphouët Boigny. Seulement, en 1990, il est impliqué dans des scandales financiers.

 

L’opposition ivoirienne s’organise autour du thème du partage du pouvoir avec pour mot d’ordre : « le multipartisme ». Elle est menée par M. Gbagbo Laurent, fondateur du FPI (Front Populaire Ivoirien) alors illégal et clandestin en Côte d’Ivoire. Gbagbo est de l’ethnie Bété, rivale traditionnelle de l’ethnie Baoulé au pouvoir. Son parti fédère tous les sans-voix  que la politique de « parti unique » avait délaissés. Le FPI finira par avoir gain de cause. Le multipartisme sera instauré. Pour la première fois dans l’histoire du pays, M. Gbagbo défiera M. Houphouët Boigny aux élections présidentielle de 1990 en recueillant 19% des suffrages. Tout allait plutôt bien. L’économie tanguait au gré de la bourse où le café et le cacao étaient côtés. Le paysage politique s’était enrichi de nouveaux visages capables d’organiser des manifestations de rue. L’expression politique longtemps muselée s’était libérée et des journalistes souvent virulents pouvaient s’exprimer librement dans des quotidiens capables de concurrencer « Fraternité Matin », le quotidien gouvernemental. C’était bien l’été. Avec du recul, cette époque apparaît comme la meilleure des saisons que la Côte d’Ivoire ait connues jusqu’à ce jour.